L'enseignement à distance fait sa révolution numérique

Le Cned, spécialiste historique de l'enseignement à distance, est lancé dans l'écriture numérique de tous les cours de collège et lycée. L'établissement public qui vient de se réorganiser en « directions métiers » entend aussi se développer dans le secteur concurrentiel.
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Finies les piles de manuels scolaires envoyées par la Poste, finies les copies qui s'empilent. Le Cned (Centre national d?enseignement à distance dont le siège est au Futuroscope de Poitiers) va procéder à « l?écriture numérique » de tous ses cours de collège et de lycée et passer à la correction numérique des copies. « Notre objectif est d?être prêt à la rentrée 2013 pour les niveaux de sixième, cinquième et seconde et d?ici trois ans pour l?ensemble des niveaux » confie Bernard Cornu, adjoint au directeur général. Au-delà de la mise à disposition des cours sur ordinateur ou sur tablette, l?enjeu est la « scénarisation » des contenus avec textes, images, sons, vidéos et animations.

Un budget de 140 millions d'euros

Loin d?une « simple » mise en ligne de cours, c?est une refonte complète de la pédagogie avec des parcours de formation individualisés, des services associés en ligne et des métiers nouveaux : correction, évaluation, tutorat. Autant d?enjeux qui seront abordés les 27 et 28 mars à Poitiers au cours du séminaire d?échanges organisé par le Cned et la revue Distance & Savoirs.
Le Cned revendique le rang de « premier organisme de formation tout au long de la vie en Europe et dans le monde francophone ». Il assure pour le compte de l?Etat, le service public pour la scolarité dite « règlementée » (soit 4500 élèves « empêchés » en élémentaire, 20.000 en collège et 23.000 en lycée); également présent dans le secteur marchand, il vend des prestations de soutien scolaire, de préparation aux concours post bac et répond aux appels d?offres de formation professionnelle continue. Budget : 140 millions d?euros (70 millions de subventions, 55 millions de chiffre d?affaires et 15 millions de produits financiers).

Une force de frappe de 2500 salariés

La « transformation numérique », qui n?exclura pas le papier, est au c?ur de la stratégie que Serge Bergamelli, directeur général du Cned depuis août 2011, présentera dans quelques semaines au Conseil d?administration. En attendant, il vient de s?adresser aux 2500 salariés du CNED (enseignants certifiés de l?Education nationale dont environ 600 enseignants en poste « adapté » ne pouvant plus enseigner devant des élèves) (1). Le défi, explique-t-il dans la newsletter interne, consiste à « redonner de la puissance au CNED » et à « devenir l?acteur incontournable dès lors qu?il s?agit d?apprendre à enseigner à l?ère du numérique ».
Il va falloir « repenser les parcours de formation pour répondre aux enjeux de la mobilité, de la connexion, du travail en réseau, repenser la relation enseignant-apprenant (?) adapter les services pour un enseignement 24/24 ».

"Un portail "English by yourself"


Le Cned a quelques réussites à son actif dans ce domaine, à commencer par « English by yourself », agrégat de contenus très variés qui permet de se perfectionner à l?anglais après avoir affiché un « profil ». Lancé début février 2012, ce portail réalisé en partenariat avec le British Council et Orange, est devenu un véritable produit d?appel pour le Cned : 353.000 visites et plus de 45.000 comptes utilisateurs créés. « Nous avons répondu à cette commande du Ministère en trois mois en mobilisant une véritable task force sur ce projet, ce qui n?était pas dans les habitudes du CNED » indique Bernard Cornu. Autre commande ministérielle, Académie en ligne - lancé en 2009 - est consulté gratuitement par les parents d?élèves et par les enseignants eux-mêmes : 252.119 visites en février 2012 (+ 30 % par rapport à février 2011) ; mais il ne relève pas de « l?écriture numérique » : c?est une transposition en ligne des cours « papier » du Cned du cours préparatoire à la terminale.

Une carte à jouer dans le soutien scolaire

S?il met en avant les contrats passés par le passé avec la SNCF, la Défense nationale ou la ville de Paris, le Cned est peu présent dans l?énorme marché de la formation professionnelle continue. Mais il en a fait l?un de ses axes de développement avec des modules sur-mesure pour les entreprises. Il va notamment vendre son expertise dans la pédagogie des langues et des savoirs « de base » (français et calcul), mais aussi ses compétences fortes en matière d?ingénierie de la formation à distance. Le Cned estime aussi avoir une « vraie carte à jouer » dans le soutien scolaire désormais très concurrentiel. « Notre force, ce sont nos enseignants compétents à la pédagogie solide » souligne Bernard Cornu.

Une direction commerciale opérationnelle depuis deux ans et demi

Le Cned a mis au point en 2009 AtoutCned, un dispositif de soutien scolaire proposé avec une formule d?abonnement en autonomie et une autre en tutorat. Mais, concède Bernard Cornu, «c?est un bon produit que nous n?avons pas encore réussi à vendre ». L?absence de culture commerciale est à l?évidence le talon d?Achille du Cned qui doit composer avec la dualité de ses missions : service public et activités commerciales. D?aucuns s?étonnent qu?Académie en ligne fonctionne sans aucune inscription, c'est-à-dire sans la possibilité de contacter, à titre commercial, les flux de visiteurs gratuits.
Il faut dire que le Cned ne dispose d?une « direction commerciale » que depuis deux ans et demi, c'est-à-dire depuis l?audit général de 2009. De huit sites fonctionnant en autonomie (Poitiers, Toulouse, Rennes, Rouen, Vanves, Lille, Lyon, Grenoble), le Cned est passé à une organisation transversale par « métiers » (systèmes d?information, offres et services, innovation, ressources humaines, etc) en conservant tous ses sites. Après avoir digéré ce « chamboulement » selon la formule de Bernard Cornu, les salariés vont maintenant être confrontés à la mutation de la « transformation numérique ». La Poste se prépare, elle, à perdre un gros client?
 

(1)Il faut ajouter à cet effectif environ 2500 « auteurs » - des enseignants rémunérés en droits d?auteur - et un volet de correcteurs qui sont des enseignants rémunérés en heures supplémentaires payées par les rectorats.


 

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