Réforme des retraites : le casse-tête de l'emploi des seniors

A quelques jours de l'annonce d'une réforme des retraites qui demandera probablement aux Français de travailler plus longtemps, le marché du travail des seniors reste clairement sinistré, malgré quelques avancées.

Nicolas Sarkozy l'a dit et redit : la réforme des retraites - dont la teneur devrait être communiquée le 15 juin - est indissociable de mesures en faveur de l'emploi des seniors.

Et pour cause, "s'il y a une augmentation de l'âge légal de départ en retraite, mais si c'est pour que les gens se retrouvent au chômage, en quoi cela va-t-il améliorer le système de protection sociale ?", rappelaient en avril deux spécialistes des retraites au sein de l'OCDE, devant des journalistes de l'Association de l'information sociale (Ajis).

"Beaucoup a été fait", a assuré Laurent Wauquiez, le secrétaire d'Etat à l'Emploi, mardi aux 3e Assises parlementaires sur l'emploi des seniors. Et de faire valoir un chiffre : le taux d'emploi des 55-59 ans est passé de 54% en 2007 à 58,5% en 2010, pour se rapprocher de la moyenne européenne.

Certes, on observe bien "quelques avancées" ces dernières années, a estimé Anne-Marie Guillemard, professeur de sociologie à l'université Paris 5 Descartes, également présente aux assises, mais" l'âge moyen de sortie du marché du travail", lui, n'a pas varié. Il est resté à 58,7 ans (selon l'OCDE). En ce sens, la réforme Fillon de 2003, qui allonge progressivement la durée de cotisation, "n'a pas apporté les fruits escomptés".

Si l'on sort du marché du travail à 58,7 ans en moyenne, on liquide en revanche sa retraite à 61,5 ans. Un décalage dont le poids financier est essentiellement supporté par l'assurance chômage : six personnes sur 10 qui prennent leur retraite sont ainsi sans emploi... Et le taux d'emploi des 60-64 ans est de 17% seulement, contre 30% en moyenne en Europe. C'est l'un des plus faibles des pays industrialisés.

A l'origine d'un marché du travail sinistré : les pré-retraites

Selon le rapport d'Antoine d'Autume, Jean-Paul Betbèze et Jean-Olivier Hairault, ("Les seniors et l'emploi en France", Conseil d'Analyse Economique), la France paie le prix du "syndrome des pré-retraites". Pendant longtemps, on a estimé que réduire le chômage des jeunes impliquait de sortir les seniors du marché du travail. Une idée "fausse", selon Laurent Wauquiez. Pour le secrétaire d'Etat, il faut substituer à cette logique une "logique de solidarité" entre les générations.

Pour Anne-Marie Guillemard également, ce n'est pas en termes d'âge qu'il faut penser, mais en termes "d'emploi" et de "parcours". C'est" l'horizon de l'emploi qui est important", pas celui de la retraite. Le débat est "confiné sur les paramètres de l'âge de la retraite" alors qu'il faudrait plutôt débattre "de l'allongement de la vie active".

"Je suis très alarmée", déclare Anne-Marie Guillemard, quand je vois des sondages menés auprès de directeurs des ressources humaines qui déclarent à 60% qu'ils "hésitent à former et à promouvoir des plus de 45 ans". "On reste dans une culture de la sortie précoce." Or les "cours de vie sont devenus flexibles, déstandardisés", avec des reconversions et des parentalités tardives. Il faut penser à des retraites "à la carte", avec des départs "choisis", mais pour que le choix puisse s'opérer, il faut "ménager des opportunités d'emploi".

La retraite à 60 ans

Selon le rapport Autume-Betbèze-Hairault, le faible taux d'emploi des seniors s'explique également par la retraite à 60 ans. "A quoi bon rechercher activement un emploi si sa durée est très courte ?" Et "à quoi bon embaucher un travailleur dont on se séparera sans doute prochainement" ? Ainsi, le rapport préconise d'"allonger l'horizon des acteurs en repoussant l'âge de la retraite".

Dans l'Union européenne, le taux d'emploi des seniors a gagné plus de 10 points dans les pays qui ont reculé l'âge de la retraite : il ne pas avoir peur de cette mesure, assure ainsi Arnaud Robinet, député de la Marne et secrétaire national de l'UMP en charge de l'évolution démographique et de la réforme des retraites. Repousser l'âge légal n'induira pas automatiquement le report de l'âge réel de sortie du marché du travail, estime a contrario Anne-Marie Guillemard : tout dépendra des mesures prises sur le marché du travail.

Enfin, il faut rappeler que l'horizon d'emploi des seniors a été également raccourci par la dispense de recherche d'emploi accordée aux chômeurs de plus de 58 ans. Cette dispense - bien pratique pour sortir les seniors des statistiques du chômage, estime Laurent Wauquiez -, est désormais destinée disparaître d'ici à 2012.

Rôle des entreprises et nouvelles orientations

Pour passer à une culture du "vieillissement actif", les entreprises - et leurs services des ressources humaines - devront faire leur révolution, et penser autrement la gestion des âges. Depuis le 1er janvier, les entreprises d'au moins 50 salariés doivent être couvertes par un accord - d'entreprise ou de branche, selon leur taille - ou un plan d'action de trois ans, sous peine d'être redevables d'une pénalité égale à 1% de leur masse salariale.

Il y a quatre ans, l'emploi des seniors "était un non-sujet" dans les entreprises, explique Laurent Wauquiez. Aujourd'hui, fait-il valoir, grâce à cette mesure, 97 branches ont négocié et 81 accords de branche ont été validés, 31.000 entreprises ont signé un accord.

Les entreprises ont ainsi dû prendre des engagements, assortis d'objectifs chiffrés. Parmi les champs d'action proposés, elles ont plébiscité les entretiens qui anticipent l'évolution des carrières, le tutorat et l'accès à la formation. En revanche, il n'y a pas eu, ou peu, d'engagement sur les embauches, un résultat prévisible dans le contexte actuel de crise économique.

Le gouvernement étudie désormais la possibilité de développer le tutorat - pour lequel 80% des entreprises ont opté dans leurs plans d'action pour les seniors, selon Laurent Wauquiez -, grâce à une prise en charge partielle de la rémunération des tuteurs. Il réfléchit également à transposer le dispositif "zéro charge" aux seniors. Destiné actuellement aux très petites entreprises, ce dispositif s'interrompra au 30 juin, ayant "rempli son office", a annoncé le président de la République la semaine dernière.

La création d'une journée nationale pour l'emploi des seniors, proposée par Jacques Kossowski, le député-maire de Courbevoie, vient également de recevoir le soutien du secrétaire d'Etat à l'Emploi. Son objectif sera de "coordonner les rencontres locales pour l'emploi". La première édition est prévue courant 2011, à l'échelon des bassins d'emploi.

 

Quelques unes des mesures récentes pour encourager l'emploi des seniors :
- la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 a relevé l'âge de la mise à la retraite d'office de 65 ans à 70 ans.
- les conditions du cumul emploi-retraite ont été assouplies au 1er janvier 2009. Le délai de six mois entre la liquidation de la retraite et le retour à l'emploi chez le dernier employeur a notamment été levé, ainsi que le plafond de cumul de ressources.
- la dispense de recherche d'emploi pour les chômeurs de plus de 58 ans s'éteindra progressivement d'ici à 2012.
- les surcotes, ces bonus appliqués au montant de la retraite pour tout trimestre de cotisation supplémentaire au-delà du nombre d'annuités légal, ont été revalorisés. Instaurée par la loi du 21 août 2003, la surcote majore de 3% les pensions pour chaque année supplémentaire de travail validée (soit une surcote de 1,75% par trimestre supplémentaire validé) ; ce taux est passé à 5% (1,25% par trimestre) pour les pensions qui ont pris effet à partir du 1er avril 2009.
 

Commentaire 1
à écrit le 19/08/2011 à 2:14
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Tout compte fait, en terme de réductions de charges que gagne l'entreprise à embaucher un soixantenaire ? Remerciements anticipés pour vos réponses voire pistes à explorer : par exemple, références ciblées du code du travail à ce sujet.

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