Bataille rangée sur la TVA à taux réduit dans la restauration

La TVA à taux réduit dans la restauration demeure intouchable. Le ministre du Budget, François Baroin, l'inclurait volontiers dans le "coup de rabot" du gouvernement sur les niches fiscales, et il n'est pas le seul. La ministre de l'Economie, Christine Lagarde, la qualifie a contrario de "légitime".

Il n'est pour l'instant pas question, disait dimanche le ministre du Budget, François Baroin, de revenir sur la baisse de la TVA dans la restauration. "Si on me laissait faire, je le mettrais dans le rabot", s'est-il cependant laissé à dire : "dans le rabot", c'est-à-dire dans la réduction globale des niches fiscales promise par le gouvernement.

Le rapporteur général du Budget à l'Assemblée, Gilles Carrez (UMP), a quant à lui remis en cause la baisse de la TVA à 5,5% sur "certains produits", s'inquiétant du "démantèlement des ressources fiscales de l'Etat", sans citer toutefois spécifiquement le cas de la restauration. Il a suggéré un taux intermédiaire autour de 12%.

En revanche, la ministre de l'Economie Christine Lagade a bien confirmé ce mardi que le coup de rabot en question ne toucherait pas au taux réduit de la TVA dans la restauration. "Elle me paraît légitime sur le fond", a-t-elle dit. "Elle est conforme aux dispositions du droit européen avec au moins les deux tiers des contreparties qui étaient attendues", a-t-elle expliqué sur RMC et BFM TV.

Prix, salaires, embauches : la bataille des chiffres

Les restaurateurs avaient en effet promis en contrepartie de cette mesure, qui coûte à l'Etat 3 milliards d'euros de recettes fiscales, de baisser les prix de 11,8% sur au moins sept produits, d'embaucher 40.000 personnes en deux ans et d'augmenter les salaires très bas du secteur.

Mais un an après sa mise en oeuvre, ses détracteurs dénoncent les promesses non tenues. Et, à ce sujet, la bataille des chiffres bat son plein. Un restaurateur parisien, Xavier Denamur, a envoyé lundi à l'Agence France Presse (AFP) un texte intitulé "l'omelette qui valait 3 milliards d'euros... par an" où il qualifie de "mensonges" les chiffres de baisse des prix ou de créations d'emplois mis en avant par la profession et le gouvernement.

Les prix d'abord. Les estimations divergent. Selon l'Insee par exemple, dans les seuls restaurants, l'indice des prix aurait baissé de 1,3%. La direction générale du Trésor estime pour sa part, dans une étude révélée par l'AFP lundi, que la mesure a permis aux prix de ne pas augmenter de 0,1% ce qui reviendrait à une baisse de 2,5%, assez proche des 3% de baisse promis par les restaurateurs à l'Etat.

Sur un périmètre légèrement différent comprenant restaurants et cafés, les prix ont baissé de "0,9% ", rapelle Xavier Denamur, qui se réfère à l'Insee. "On est bien loin des 3% promis". "Je  pense que, si les restaurateurs faisaient un effort sur les prix, ça arrangerait tout le monde", reconnaît pour sa part Christine Lagarde.

Les conditions de travail, ensuite. Pour les organisations professionnelles, l'accord sur les salaires signé après l'obtention de la TVA à 5,5% a permis aux salariés de recevoir 1 milliard d'euros supplémentaires par an. Ce qui représente 600 euros de plus par an pour le salarié le moins qualifié travaillant à temps complet (39 heures/semaine). Pour Xavier Denamur en revanche, les salariés restent sous-payés puisque cet accord n'a fait passer le Smic horaire du secteur qu'à 6 centimes d'euros brut au-dessus du Smic général.

Sur les embauches enfin. Le secteur a créé 12.300 emplois au 1er trimestre 2010, après 8.300 au 4e trimestre 2009 et 1.100 au 3e, selon l'Insee. Soit 21.700 au total, se félicite le gouvernement. Xavier Denamur, à l'instar du syndicat FO, conteste ce chiffre. "En réalité, 8.000 emplois nets ont été créés", estiment-ils puisque les cafés-hôtels et restaurants créent en moyenne 15.000 emplois par an depuis dix ans. Quant à la CGT, elle fait remarquer que ces chiffres comprennent aussi les CDD, saisonniers et intérimaires.

A ces arguments, le SNRTC, le syndicat de la restauration commerciale répond qu'il faut "compter les emplois sauvés et ceux des établissements qui n'ont pas fermé", grâce à la TVA réduite. Selon Bernard Boutboul du cabinet spécialisé Gira conseil, un tiers du secteur (soit 25.000 restaurants servant à table) était en difficulté avant l'entrée en vigueur de la mesure, le 1er juillet 2009. "La moitié sont sortis de cette passe difficile" grâce à la TVA.

Des consommateurs pas convaincus

Mais peu importent les arguments, le gouvernement peine à convaincre les consommateurs de la justice de cette mesure : pourquoi la préserver, elle, et pas les frais de garde d'enfants par exemple, qui seront touchés par le coup de rabot fiscal ?

Le dossier est d'autant plus difficile à gérer que le gouverment attend beaucoup d'un point de vue financier de la réduction des niches fiscales, qui doit contribuer à diminuer les déficits publics de 8% du PIB cette année à 3% en 2013, conformément aux promesses faites à l'Union européenne. Alors qu'il avait dans un premier temps évoqué 2 milliards d'économies sur les "niches", il a ensuite évoqué 3,5 milliards, puis 5 milliards. François Baroin a fini par annoncer dimanche dernier de 8,5 à 10 milliards d'euros d'économies sur ces dispositifs.  Il est vrai, qu'entre temps, un rapport de la Cour des comptes a exhorté l'Etat à accentuer l'effort sur l'assainissement des finances publiques, surtout dans un scénario où la croissance pourrait ne pas être au rendez-vous.

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