Affaire Woerth - Bettencourt : réglement de compte entre le procureur et la juge

Nouveau rebondissement dans le dossier Bettencourt et la bataille entre la mère et la fille, héritières du groupe L'Oréal, sur fond de soupçon de financement politique et de conflit d'intérêt au sein du pouvoir.

Le parquet général de Versailles a demandé vendredi le dessaisissement d'une juge qui mène depuis juillet dernier une enquête pour abus de faiblesse concernant l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt. Cette annonce, communiquée aux agences de presse en pleine nuit vendredi soir, est le dernier développement de la guerre entre magistrats qui entoure cette affaire de conflit familial ayant tourné en scandale politique pour la majorité.

L'initiative du parquet général de Versailles, lié hiérarchiquement au ministère de la Justice, fait suite à une procédure engagée contre Isabelle Prévost-Desprez, présidente du tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine), accusée d'avoir violé le secret de l'enquête en informant des journalistes du Monde. "Tirant les conséquences de cette situation et pour assurer les conditions d'une justice sereine, il va être sollicité de la Cour de cassation de se prononcer sur le renvoi de (...) la procédure visant François-Marie Banier vers une autre juridiction d'une autre cour d'appel, pour la bonne administration de la justice", lit-on dans le communiqué.

Cette initiative intervient alors que, selon une source judiciaire, la juge Prévost-Desprez, indépendante par son statut, venait de convoquer Liliane Bettencourt, 17e fortune mondiale, au palais de justice, pour audition. Isabelle Prévost-Desprez, saisie par une plainte de Françoise Meyers, fille de Liliane Bettencourt, enquête en premier lieu sur le photographe François-Marie Banier, qui a reçu plus d'un milliard d'euros de dons de Liliane Bettencourt entre 2002 et 2007. La magistrate tend cependant à étendre ses investigations à tout l'entourage de la milliardaire, notamment à son gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre. L'enquête a exploré des aspects plus politiques de l'affaire.

L'USM PARLE DE "DÉSTABILISATION"

Elle a ainsi entendu l'ex-comptable de Liliane Bettencourt Claire Thibout, qui affirme que le couple Bettencourt remettait usuellement de l'argent en liquide à des dirigeants politiques, et a parlé d'un financement illicite de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Après l'annonce de la mise en cause de la juge Prévost-Desprez, l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) a protesté.

"C'est procéduralement très douteux et ça ressemble à une manipulation. C'est une nouvelle tentative de déstabilisation, une forme de pression", a dit à Reuters Christophe Régnard, président de l'USM. L'enquête sur la supposée faute de la juge Prévost-Desprez a été lancée en septembre par le procureur de Nanterre Philippe Courroye (photo), qui revendique son amitié avec Sarkozy, et qui est lié aussi par son statut au ministère de la Justice. Après une plainte de Me Georges Kiejman, avocat de Liliane Bettencourt, visant un article du journal Le Monde publié sur internet le 1er septembre, le procureur a saisi l'Inspection générale des services (IGS, la "police des polices").

Ce service, point délicat, a examiné les relevés de communications téléphoniques de deux journalistes du Monde, Jacques Follorou et Gérard Davet et mis en évidence des communications entre eux et Isabelle Prévost-Desprez. Ces investigations sur la presse pourraient selon des juristes être illégales, le secret des sources des journalistes étant protégé par la loi. Le procureur doit légalement demander l'autorisation des journalistes pour examiner leurs appels. Le Monde a annoncé vendredi soir qu'il porterait plainte. Le parquet dit avoir seulement fait "des vérifications sommaires".

Si la Cour de cassation dessaisit la juge Prévost-Desprez, la procédure pour "abus de faiblesse" pourrait connaitre dans une autre juridiction des retards, voire un enlisement. Les autres aspects de l'affaire, notamment concernant l'actuel ministre du Travail, Eric Woerth, restent sous le contrôle du procureur Courroye, en enquêtes préliminaires. Eric Woerth, qui recevait des dons de Liliane Bettencourt pour l'UMP en qualité de trésorier du parti, est soupçonné d'avoir fait embaucher sa femme en 2007 chez Patrice de Maistre.

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