Avez-vous dit "made in France" ?

L'ex-ministre et député UMP Yves Jégo souhaite mettre en avant un nouveau label destiné à mettre en avant la marque France. Une grande campagne devrait être lancée en juin. Stéphane Soumier, rédacteur en chef de BFM Business rappelle dans sa chronique hebdomadaire que le sujet suscite les passions à l'antenne de la première radio économique de France.
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Ringard ou pas ? Et si c'était le renouveau du système ? Et si c'était une solution à l'ensemble de nos grandes questions industrielles ? « Made in France ». Vous savez qu'une campagne est en cours, poussée notamment par le député Yves Jégo. L'idée, qui sera finalisée dans le courant du mois de juin, c'est de remettre à plat ce que veulent dire ces trois mots, de faire naître un nouveau label, que les industriels pourront choisir d'afficher sur leurs produits. On est encore en phase de négociation, mais l'idée générale, c'est que la production effective (et pas seulement l'assemblage) devra être réalisée en France (au moins 50 % des composants), tout comme la dimension immatérielle : marketing, études, recherche-développement. En gros, on ne parle pas seulement de « Fait en France », mais aussi de « Pensé en France ».

Et c'est là-dessus que le débat se déchaîne. Croyez-le ou pas, des sujets évoqués ces derniers mois sur l'antenne de BFM Business, c'est, de loin, celui qui suscite le plus de passion. C'est un peu notre laïcité à nous. D'un côté, certains gros industriels, qui se dévoileront au printemps, et qui pensent sincèrement que l'on tient là une clé essentielle pour défendre l'outil industriel. Bien sûr, disent-ils, la question sera très vite tranchée par les consommateurs : quel prix seront-ils prêts à mettre derrière le « Made in France » ? Acceptera-t-on de payer plus cher, et dans quelles proportions ? Mais l'enjeu va bien au-delà. Il faut, pour comprendre, rentrer dans le détail de l'implantation d'un site industriel, prendre conscience de la masse de décisions administratives, locales, logistiques, qui doivent parfaitement s'imbriquer dans un timing toujours trop court, pour réaliser combien cette marque « Made in France » pourrait mobiliser les énergies. « Pour de grands groupes internationaux, des décisions d'investissements peuvent parfois se jouer à quelques détails, me dit un important fabricant d'électroménager. Sentir concrètement que le pays en fait un enjeu national est un de ces éléments, il serait idiot de le nier. »

En face, tous ceux qui parlent d'un combat d'arrière-garde. C'est la formidable histoire des grands produits d'Apple. 85 % de la valeur ajoutée aux États-Unis, pour à peine quelques éléments négligeables fabriqués sur le sol américain. Alain Madelin, avec lequel j'ai le bonheur de partager cette page, en décortique parfaitement le mécanisme et en tire la conclusion que c'est un label « Pensé en France » qu'il faudrait créer, la fabrication pure étant un combat du siècle précédent.

Et pourtant ! Il faut absolument réfléchir sur les chiffres que publiait Pôle emploi la semaine dernière. La pente fatale n'a pas été enrayée. Nous sommes en train de devenir la Grande République des Marchands de Glaces. Bien sûr que nous devons, encore et toujours, former des ingénieurs qui changeront le monde, inventeront l'avenir.

Mais seules les usines, ou plutôt, pour voir plus large, les processus de fabrication, permettent de donner un avenir à la classe intermédiaire qui reste à l'écart des hautes études supérieures. Seul le contact de la machine, la confrontation avec la résistance de la matière, fait évoluer de réels « métiers ». Je frémis quand je réalise ce que le mot peut avoir de désuet. C'est peut-être d'ailleurs l'autre clé, pour parler autrement de l'industrie : raconter ce que sont aujourd'hui réellement ces métiers qui permettent seuls, par les gains de productivité, par la valeur ajoutée qu'ils dégagent, de sortir de la spirale de la « smicardisation ».

Voilà les enjeux du label. On pourrait même aller au-delà. Avec des « Made in Tunisie », « Made in Haïti » crédibles, on mettrait de véritables outils de développement entre les mains des consommateurs, alors, oui, le concept d'achat militant prendrait tout son sens ! Magnifique débat, non ? Je suis sincèrement ravi qu'il vous passionne.

Commentaire 1
à écrit le 19/05/2011 à 15:23
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il serait même intéressant que les appel d'offres public mettre en avant le critere made in France avant le critere prix ou delai

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