La prime Sarkozy repose sur une idée fausse

Le montant total des dividendes versés cette année par les firmes du CAC 40 (40 milliards d'euros) a été mis en avant comme preuve de l'injustice sociale qui régnerait en France. Or, ce montant ne représente que 3,5 % de la capitalisation boursière des actions des firmes du CAC 40.
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Les entreprises de plus de cinquante personnes qui haussent leurs dividendes verseront une prime à leurs employés. Cette décision du président Sarkozy repose sur l'idée simpliste que les dividendes augmentent avec les bénéfices des entreprises et que les salariés ne reçoivent pas la juste part de ces derniers. Ou, formulée autrement, qu'un partage injuste de la valeur ajoutée par les firmes entre travail et capital appelle une intervention de l'État.

 

Or, le résultat du partage de la valeur ajoutée entre salariés et détenteurs du capital ne découle pas de leur seul rapport de force comme le prétend la vulgate néomarxiste, mais également de conditions économiques. Ainsi, les volumes respectifs de ces deux facteurs de production de même que leur composition (ouvriers non spécialisés ou ingénieurs, financement de la firme par actions ou obligations) constituent des déterminants essentiels de la répartition.

La prise en compte du seul résultat de ce partage est de toute façon trompeuse dans la mesure où les salariés obtiennent immédiatement la totalité de leur part même si une fraction de ce qui leur revient, un bon tiers, est reversée en cotisations obligatoires diverses (assurance chômage, retraite, allocations familiales, etc.).

En revanche, les actionnaires ne perçoivent en espèces qu'une petite fraction de ce qui, en théorie, leur revient. Ce sont les dividendes. Le reste de la rémunération du capital est soit versé aux obligataires (intérêts et remboursement du principal), soit réinvesti dans la firme. Et ce réinvestissement profitera aussi aux salariés. N'oublions pas que la productivité dont dépendent les salaires est fonction du capital investi et que celui-ci augmente avec la mise en réserve d'une partie des bénéfices.

Donc, seuls les dividendes actuels constituent au cours d'une période donnée la rémunération du capital par l'entreprise. La somme de 40 milliards d'euros, montant total des dividendes versés cette année par les firmes du CAC 40 et supposée excessive, a été mise en avant comme preuve de l'injustice sociale qui régnerait en France. Or, ce montant ne représente qu'environ 3,5 % de la capitalisation boursière des actions des firmes du CAC 40.

 

À cette rémunération sous forme de dividendes de la période s'ajoute la plus ou moins-value que l'investisseur réalise sur les actions qu'il détient (dont la valeur est égale, en principe, à la valeur présente des dividendes futurs tels qu'ils sont estimés à un moment donné). Malheureusement, les valeurs des actions sont extrêmement variables en même temps qu'imprévisibles.

C'est ainsi que la valeur boursière d'un portefeuille comprenant tous les titres de l'indice CAC 40 s'est appréciée de 1 % au cours de l'année qui vient de s'écouler. L'actionnaire détenant ce portefeuille aurait reçu au total une rémunération de 4,5 % en un an sur son placement avant frais, contributions sociales et impôts.

Mais il y a un an, la Bourse française était encore déprimée. En revanche, il y a dix ans, elle était en pleine forme. L'indice CAC 40 se situait alors vers 5.500 points. Un portefeuille représentant l'indice constitué à ce moment-là et conservé depuis aurait aujourd'hui perdu 28 % de sa valeur initiale ; en incorporant les dividendes reçus, son rapport sur dix aurait été inférieur à 1 % par an ! En valeur réelle, compte tenu de l'inflation, il aurait perdu de l'argent.

 

Dans un cas de figure diamétralement opposé au précédent, un investissement effectué au début de l'année 2003 dans ce même portefeuille, à un moment où l'indice CAC 40 se situait quasiment au niveau le plus bas de la décennie passée, aurait rapporté, hors dividendes, 33 % sur huit ans (soit quelque 7,5 % par an, dividendes compris).

On constate donc que la rémunération nominale du capital des grandes entreprises françaises a été comprise récemment, selon les périodes considérées, entre 1 % et 7,5 % par an. Ce qui est très peu, compte tenu de sa forte variabilité, c'est-à-dire du risque pris par les actionnaires. Très peu également eu égard à la moyenne observée historiquement sur très longue période (soit 6,5 % en rendement réel).

Certains estiment pourtant, nous l'avons vu, que les actionnaires français sont trop payés. Mais ils doivent savoir que, s'il est insuffisamment rémunéré, le capital va chercher fortune sous d'autres cieux. Et sans capital, il n'y a ni investissements, ni emplois, ni salaires.

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