Hortefeux était informé des déclarations à la police de l'épouse de Gaubert

Le Parquet de Paris a annoncé vendredi l'ouverture d'une enquête préliminaire pour violation du secret professionnel et recel de ce délit à propos des fuites sur l'affaire Karachi, qui continue à occuper le devant de la scène politique.
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L'opposition de gauche et les syndicats de magistrats réclamaient l'ouverture d'une enquête pour violation du secret de l'instruction après l'apparition d'éléments tendant à montrer que Brice Hortefeux et l'Elysée sont informés des actes d'investigation sur ce dossier sensible.

Tous visaient directement l'ancien ministre de l'Intérieur, qu'ils accusent d'avoir bénéficié de fuites sur les écoutes réalisées dans l'enquête sur le volet financier de l'attentat antifrançais de Karachi en 2002 et le financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995.

Le parquet a choisi d'ouvrir une "enquête préliminaire des chefs de violation du secret professionnel et de recel de ce délit qui sera confiée au directeur central de la police judiciaire".

Cette enquête concerne les fonctionnaires qui auraient pu divulguer le contenu des écoutes et leur recel, ce dernier fait visant Brice Hortefeux, dit-on de source judiciaire.

Ce développement sur les fuites autour du dossier est en passe de devenir une "affaire dans l'affaire" menaçante pour l'ancien ministre de l'Intérieur et le chef de l'Etat, dont deux proches ont été mis en examen cette semaine pour une présumée corruption en marge de la campagne d'Edouard Balladur en 1995, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole.

Une écoute téléphonique, révélée vendredi par Le Monde, laisse penser que Brice Hortefeux était informé des déclarations à la police de l'épouse d'un protagoniste-clef de l'affaire, avant que le procès-verbal d'audition soit versé au dossier.

ENTRAVE À LA JUSTICE ?

"Elle balance beaucoup apparemment Hélène", dit-il à Thierry Gaubert, proche de Nicolas Sarkozy mis en examen mercredi, à propos des déclarations de sa femme, Hélène de Yougoslavie.

Attaqué de toutes parts, l'ex-ministre de l'Intérieur a demandé à être entendu par la justice et a menacé de porter plainte pour diffamation.

Dans un communiqué, il "dément catégoriquement" avoir eu des informations sur la procédure judiciaire en cours. Il avait auparavant affirmé aux journalistes s'être basé sur "des rumeurs de presse" lors de sa conversation avec son ami.

Jeudi, l'Elysée avait laissé transparaître un accès exhaustif au dossier, dans un communiqué affirmant que le nom de Nicolas Sarkozy ne figurait dans aucune pièce ni aucun témoignage, ce qui est d'ailleurs inexact, selon les parties civiles.

Le juge d'instruction en charge du dossier suit la piste d'un arrêt des versements des commissions en marge de la vente de sous-marins au Pakistan, qui aurait provoqué en représailles l'attentat de Karachi, qui a fait 11 morts en 2002.

Une partie de l'argent serait revenu en France sous la forme de "rétrocommissions" qui, selon la piste suivie, auraient permis de financer la campagne d'Edouard Balladur.

Le président de l'Union syndicale des magistrats (USM), Christophe Régnard, a souhaité qu'on fasse la lumière sur ces fuites, susceptibles de constituer une violation du secret de l'instruction et du secret professionnel des policiers.

Mathieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature (gauche), réclamait, lui, une information judiciaire confiée à un magistrat indépendant.

Olivier Morice, avocat des familles de victimes de l'attentat de Karachi qui fit 11 victimes françaises en 2002, a également réclamé une enquête.

"C'est une immixtion directe d'un conseiller du président de la République, d'un membre de l'exécutif pour entraver le bon déroulement de la recherche de la vérité. C'est très grave", a-t-il dit sur RTL.

"FIN DE RÈGNE", POUR ROYAL

Elisabeth Guigou, ancien ministre socialiste de la Justice, a appelé Nicolas Sarkozy à s'expliquer sur son rôle en tant que ministre du Budget d'Edouard Balladur, entre 1993 et 1995.

Elle a jugé "absolument inouï" que Brice Hortefeux "très proche du chef de l'Etat dont il est le conseiller maintenant, ancien ministre de l'Intérieur" ait eu accès "à des pièces qui sont couvertes par le secret de l'instruction".

"Qu'il se permette ensuite d'alerter quelqu'un qui est susceptible d'être mis en cause par la justice, ça dépasse l'entendement", a-t-elle dit sur RTL.

Ségolène Royal, candidate à la primaire socialiste en vue de l'élection présidentielle de 2012, a jugé toute cette affaire "catastrophique" en marge d'une réunion publique à Strasbourg.

"Je trouve que l'on assiste à une fin de règne", a-t-elle dit. "C'est plus qu'une goutte, c'est un torrent qui fait déborder les choses et qui entraîne tout sur son passage."

En revanche, le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a fustigé les "amalgames" et les "insinuations" à l'encontre de Nicolas Sarkozy et de son entourage.

"Actuellement, il y a trop d'amalgames, il y a trop d'approximations, il y a trop d'insinuations qui sont graves et qui pervertissent notre vie démocratique", a dit le ministre de l'Intérieur à Nantes.

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