100 jours pour réussir : la dette

François Hollande n'a aucune marge de manœuvre financière. Le tournant de la rigueur, pour la France, c'est maintenant. Les premières mesures redonneront un peu de pouvoir d'achat aux plus modestes. Le reste dépendra du retour de la croissance et du succès de la politique de désendettement.
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« Je n?ai rien promis que je ne puisse tenir »? François Hollande l?a dit dans la campagne : il ne sera pas le président de la faillite de la France, dont un autre, François, Fillon, avait annoncé la venue il y a cinq ans. Son programme économique et budgétaire porte la marque de la crise profonde qui a frappé les finances publiques. Il prévoit des dépenses nouvelles, certes, dont certaines très volontaristes, comme la création de 60 000 postes dans l?éducation, mais elles seront soit autofinancées, par de nouveaux impôts (comme le retour à la retraite à 60 ans pour ceux ayant commencé à travailler à 18 ans), soit par des économies. Il ne faudra pas longtemps pour vérifier la cohérence entre le discours et les actes. les premières mesures du quinquennat, en dehors de la réduction, symbolique, de 30 % du salaire du président et des ministres, viseront à redonner du pouvoir d?achat aux Français les plus modestes : hausse de 25 % de l?allocation de rentrée scolaire (400 millions d?euros), blocage temporaire pour trois mois du prix des carburants (environ 500 millions d?euros), coup de pouce au smic (qui augmentera le coût des allégements de cotisations sociales à la charge de l?État), voilà ce que le nouveau président devra financer dès cette année. Viendront ensuite les promesses les plus coûteuses, comme le contrat de génération (entre 1,9 et 2,6 milliards en année pleine selon le chiffrage de l?Institut de l?entreprise), les retraites (4,5 milliards de dépenses supplémentaires, censées être financées par des cotisations employeurs et salariés), les 150 000 emplois d?avenir (3 milliards)

« Calmer les ardeurs »

Mais le candidat a bien prévenu que tout ne sera pas possible tout de suite. en dehors des mesures d?urgence sur le pouvoir d?achat, le reste du programme sera étalé sur le quinquennat, et sera subordonné au respect des engagements budgétaires pris par la France. De fait, à Tulle, dans son premier discours, François Hollande a bien pris soin de citer la réduction des déficits publics parmi ses priorités. Comment va-t-il faire ? Pour commencer, un audit des finances publiques sera demandé à la Cour des Comptes, présidée par le socialiste Didier Migaud, pour faire un état des lieux réel de la situation. Une méthode éprouvée puisque c?est ainsi qu?avait procédé Lionel Jospin en arrivant au pouvoir en juin 1997. L?audit ne devrait rien révéler que l?on ne sache déjà sur l?état calamiteux des comptes publics. Mais l?avantage de l?exercice est double. D?abord mettre le projecteur sur la gestion des sortants : pour parer le coup, François Baroin et Valérie Pécresse envisagent d?ailleurs publier leur propre audit avant de quitter Bercy. Et surtout calmer les ardeurs de son propre camp sur le souhaitable et le possible. François Hollande a ainsi d?ores et déjà prévenu que si des coupes ou des gels de dépenses sont nécessaires pour tenir le budget 2012, il n?hésitera pas à le faire, y compris pour financer ses propres priorités. En juillet, un collectif budgétaire devrait donc remettre les compteurs à zéro entre la gestion Sarkozy et la gestion Hollande. Le projet de budget prévoit de ramener les déficits publics de 5,2 % en 2011 à 4,4 % cette année. L?exercice est rendu périlleux par les incertitudes sur la croissance, même révisée de 0,5 % à 0,7 % en mars.

2013, l?année décisive

Mais le plus difficile reste à venir. En juillet, François Hollande enverra à la commission une nouvelle mouture de la projection triennale des finances publiques qui fixera la trajectoire du retour à l?équilibre en 2017, soit un an de plus que la programmation Sarkozy. Là encore, pas de surprise, ce délai supplémentaire avait été annoncé pendant la campagne. Ce décalage d?un an, qui redonne une petite marge de man?uvre au président, ne change toutefois pas la donne pour 2013, puisque François Hollande s?est engagé à respecter la parole donnée par la France de ramener le déficit à 3 % du PIB l?an prochain. Le vrai rendez-vous avec les marchés financiers sera donc celui de la présentation du projet de budget, de l?état et de la sécurité sociale, pour 2013, en septembre. Pour être crédible, l?affichage de l?objectif des 3 % devra s?appuyer sur des prévisions de croissance réalistes. C?est là que le programme du candidat socialiste pèche par optimisme puisqu?il s?appuie sur une croissance de 1,7 % l?an prochain, encore très incertaine vu le contexte européen. L?année 2013 sera donc décisive : elle concentre, sans doute de façon excessivement rigoureuse, l?essentiel de l?effort structurel de réduction des déficits des cinq années qui viennent (? 1,4 point sur une seule année, puis 3 points répartis sur quatre ans). Toutes choses égales par ailleurs, cela ressemble un peu à l?effort qu?avait dû consentir la France en 1997, l?année de la qualification pour l?euro, lorsque Lionel Jospin avait dû tenir les engagements pris un an plus tôt par une majorité de droite. Servi par la chance, à savoir une amélioration de la conjoncture mondiale, le gouvernement socialiste avait tenu le pari à un dixième de point de PIB près. Pour François Hollande, le pari n?est donc pas impossible. Surtout avec les hausses d?impôts prévues, qui représenteront 1,4 point de PIB rien qu?en 2013. Mais il sera rendu plus difficile par les contraintes que s?est ajouté le candidat : arrêt de la RGPP (non-remplacement d?un fonctionnaire sur deux), nouvelles dépenses comme les emplois d?avenir, contrat de génération, embauches de 12 000 fonctionnaires à l?éducation nationale et autres promesses sociales. Son atout : l?objectif d?enrayer la spirale de la dette qui, même avec une gestion rigoureuse va culminer au-dessus des 90 % du PIB en 2013 ou 2014, fait consensus. Mais il devra tenir compte de la pression des marchés financiers. La stratégie macroéconomique de la gauche au pouvoir repose sur l?espoir, celui d?une initiative de croissance européenne qui équilibrera la nécessaire austérité budgétaire. François Hollande a d?ailleurs prévenu : qu?on ne compte pas sur lui pour une relance budgétaire à la mai 1981. Le tournant de la rigueur, c?est maintenant qu?il faut le faire, pour retrouver des marges de man?uvre. La redistribution des éventuels fruits de la croissance, ce sera pour plus tard, si le pari réussit.

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