Delphine Batho a réglé ses comptes. L'ex-ministre de l'Environnement, du Développement durable et de l'Energie a donné une conférence de presse, jeudi 4 juillet, pour justifier son éviction du gouvernement Ayrault."Certaines puissances économiques n'acceptaient pas le niveau d'ambition que je fixais pour la transition énergétique"; a critiqué la député des Deux-Sèvres.
Dephine Batho avait lancé une polémique, mardi 2 juillet sur RTL, en dénonçant les coupes budgétaires de son ministère. Refusant de s'excuser, elle avait ensuite dû prendre la porte. Jeudi soir, Matignon a répondu aux accusations de son ancienne ministre en assurant que son éviction était "uniquement liée à ses déclarations sur son budget".
La protégée de Ségolène Royal cherche-t-elle une excuse ou dit-elle la vérité ? "Cela n'est pas impossible", estime Corinne Lepage, députée européenne et fondatrice du mouvement écologiste Cap 21. La Tribune a questionné l'ancienne ministre de l'Ecologie d'Alain Juppé sur le poids des lobbies énergétiques.
L'éviction de Delphine Batho est-elle liée, comme elle l'affirmait jeudi, aux pouvoirs des lobbies énergétiques?
Ce n'est pas impossible. Le ministère de l'Ecologie a toujours été plus touché que les autres par les pressions des lobbies. Surtout depuis qu'il renferme également le portefeuille du Développement durable. Delphine Batho travaillait sur les questions liées au gaz de schiste, à la fermeture de la centrale de Fessenheim... Après, elle n'a pas adopté de position flamboyante sur ces dossiers !
Depuis son élection, le gouvernement n'a pas vraiment avancé sur ces questions. Il a même pris toute une série de décisions pronucléaires en allouant par exemple des crédits au projet Astrid, qui serviront notamment à financer les recherches sur les réacteurs de quatrième génération. On ne peut pas dire que Delphine Batho ait vraiment voulu bousculer les choses! Une fois évincée, elle critique le gouvernement et le pouvoir des lobbies... Pourquoi ne l'a-t-elle pas fait avant ?
Quel est le véritable pouvoir de ces lobbies énergétiques ?
Les lobbies nucléaires et pétroliers sont les plus puissants lobbies de France. Un ministre de l'Environnement affronte aussi ceux de l'industrie agrochimique ou des laboratoires pharmaceutiques, mais ils ne sont pas aussi puissants. Dans notre pays, le nucléaire et l'Etat ne font qu'un. C'est bien ce qui est en train de nous couler sur le plan industriel... Regardez Fessenheim, Henri Proglio (président d'EDF, ndlr) fait tout pour retarder sa fermeture et il y arrive !
Comment peut-on en sortir ?
Le pouvoir des lobbies énergétiques a tendance à stagner. Il n'y a pas vraiment de différence entre ce gouvernement et le précédent. François Hollande a beau avoir pris des décisions comme sur la fermeture de Fessenheim, le dossier n'avance pas... Nous avons besoin d'hommes et de femmes politiques qui acceptent enfin de composer sans eux. Pour cela, il faut du courage ! Cela passe notamment par le soutien des ONG, de la société civile et des spécialistes de l'énergie renouvelable. Delphine Batho n'a jamais essayé de s'appuyer sur eux. J'espère que son successeur le fera.
