La politique, cela consiste souvent à concilier des intérêts contraires. Parfois, cela ne marche pas. Le gouvernement, qui a bien du mal à accréditer l'idée lancée par François Hollande d'une pause fiscale, a voulu éviter d'ouvrir un nouveau front sur la taxation des carburants. Alors que les rapports officiels suggèrent fortement de réduire l'écart de taxation entre le diesel et le super sans plomb (12 centimes), ce ne sera pas le cas en 2014, a annoncé le ministre de l'Ecologie, Philippe Martin, provoquant l'ire des écologistes.
Certes, une contribution climat va être mise en place, qui montera en puissance progressivement : ce ne sera pas un nouvel impôt, il s'agira de faire dépendre des émissions de carbone les impôts qui frappent actuellement les carburants (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, TICPE, qui a remplacé la TIPP). En théorie, chaque litre de gazole émettant plus de carbone qu'un litre d'essence, il devrait être plus taxé, C'est ce que défendent les écologistes. Mais ce ne sera pas le cas, en tous cas pas l'année prochaine. C'est ce que tout le monde a compris, même si Philippe Martin est revenu en arrière en fin d'après midi, affirmant n'avoir fait aucune annonce.
Les taxes sur les carburants dépendront des émissions de carbone
"Je peux vous confirmer que le principe d'une introduction d'une composante carbone dans la taxe intérieure de consommation (TICPE,) est bel et bien acté et figurera dans la loi de finances", a déclaré le ministre de l'Ecologie, Philippe Martin (PS), lors d'une conférence de presse. Le gouvernement suit en cela les recommandations de l'économiste Christian de Perthuis, qui préconise de faire évoluer les taxes à prélèvement obligatoire global constant, selon les émissions de carbone de tel ou tel carburant.
Mais, a ajouté le ministre, "il n'y a pas de disposition qui concerne de manière spécifique ce qu'on peut appeler la convergence fiscale du diesel et de l'essence, inchangée en 2014 sur le gazole, .". Autrement dit, l'écart de taxation entre le gazole et le super ne bougera pas.
15.000 morts par an à cause du diesel, selon le ministre Pascal Canfin
Les écologistes ont réagi aussitôt. Pascal Canfin (EELV), ministre délégué au Développement, s'est dit "très surpris" de l'annonce, par son collègue, d'une fiscalité inchangée pour le gazole.
"Il y a 15.000 morts par an par le diesel", a-t-il déclaré à l'AFP, "c'est un cancérigène certain, on ne peut pas ne rien faire sur ce carburant comme on n'a rien fait sur l'amiante". "Le diesel est un problème de santé publique. Si la porte est fermée sur la fiscalité diesel, qu'est-ce que le gouvernement propose comme solution pour qu'on arrête de subventionner un produit aussi meurtrier ?", a insisté le ministre écologiste.
"Très surpris" par cette annonce, il a assuré que ni lui, ni Cécile Duflot (ministre EELV du Logement) n'étaient au courant de cette disposition qu'ils ont apprise en lisant une dépêche, "malgré des réunions régulières" avec leurs collègues.
EELV réclame la fin progressive de l'avantage fiscal consenti sur le gazole qui conduit, selon ce parti, à "sur-subventionner" cette forme d'énergie à hauteur de 7 milliards par an, et donc, une convergence fiscale entre le gazole et l'essence, plus chère.
Même réaction pour la Fondation Nicolas Hulot.
"On est très désagréablement surpris de cette annonce sur le fond, mais aussi sur la manière dont c'est annoncé, à quelques heures du Conseil national de la transition écologique", organe instauré officiellement ce mercredi, a déclaré à l'AFP son porte-parole Mathieu Orphelin. "Depuis quelques jours, on sentait que l'arbitrage était défavorable, mais on pensait que ça pouvait encore changer", a-t-il ajouté.
"Elu en 2012, rien avant 2015, ça commence à n'être pas très crédible sur ce thème là", a encore commenté M. Orphelin, estimant que cette annonce "n'est pas un bon signal à dix jours de la deuxième conférence environnementale.
