Gérard Bapt : « L’actuel dossier médical partagé n’est pas du tout adapté »

Si l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP Santé) défend le modèle du dossier médical partagé (DMP) qu’elle promeut, le parcours de ce dossier laisse apparaître des zones d’ombre et des erreurs de conception fort coûteuses. A commencer par une drôle d’histoire de conflit d’intérêt. Député de Haute-Garonne et président du groupe d’études "Numérique et Santé", Gérad Bapt explique les principale erreurs de ce qui est souvent qualifié de gâchis numérique : selon un document interne du Conseil national de la qualité et de la coordination des soins, cité par Le Parisien, le DMP a coûté 500 millions d’euros depuis 2004, alors qu’à peine 400 000 dossiers créés sur les 5 millions prévus à l’origine.
Pour le député (PS) Gérard Bapt, il faut « bien définir, avec les acteurs médicaux quels sont les besoins du médecin traitant qui sera le principal utilisateur du DMP en accord avec son patient. » | DR

Le DMP ne semble-t-il pas avoir été conçu dans des conditions dont on pourrait s'étonner ?

Gérard Bapt : C'est évident, puisque son hébergement centralisé a été attribué à l'entreprise qu'avait créée et que venait de quitter le nouveau directeur de l'Asip qui pilotait ce dossier. Mais le plus grave est le coût de ce contrat. Il a été établi sur une base d'hébergement de cinq millions de DMP dès l'origine, alors que quelques années plus tard, on compte moins de 500.000 dossiers. Ce contrat expire cette année, mais la nécessité a obligé à le prolonger d'un an…

Quels sont ses principaux défauts, selon vous ?

Il n'est pas du tout adapté à l'usage qu'en feraient les médecins traitants qui doivent mettre en place le parcours de soin des patients. Comme l'Asip a pris du retard pour mettre en place une messagerie sécurisée de santé, nécessaire à la transmission d'informations, ce sont ces derniers qui ont financé la création de leur propre système d'échange, « apicrypt », que plus de 30 000 médecins libéraux financent et utilisent. Même certains hospitaliers adoptent aujourd'hui ce système privé. Aujourd'hui, la messagerie sécurisée qui, avec le DMP, était une mission de l'Asip, n'est toujours pas en place !

La ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé le lancement d'une deuxième génération de ce DMP. Comment devrait-il évoluer pour être efficace ?

Il faut d'abord établir un réel pilotage politique et que l'Asip ne se comporte plus comme une autorité indépendante mais comme un opérateur sous la responsabilité du ministère. Et cesser de vouloir imposer du haut un outil technologique inadapté à l'usage attendu par les acteurs de terrain. La priorité est de bien définir, avec les acteurs médicaux quels sont les besoins du médecin traitant qui sera le principal utilisateur du DMP en accord avec son patient. Et de distinguer DMP et dossiers hospitaliers partagés, DPI, qui sont parfois très lourds avec des centaines d'examens non résumés. Imaginez, il faudrait une étagère de 170 km de long pour ranger tous les dossiers papiers des patients des hôpitaux de Paris ! Le médecin traitant a besoin d'avoir à sa disposition des éléments accessibles et structurés, avec des outils permettant le respect du secret médical et la liberté de choix du patient. C'est une condition principale pour qu'il commence à accepter d'utiliser ce dossier. »

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En application de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881, Mr Jean-Yves Robin, l'ancien Directeur Général de l'Agence des Systèmes Partagés de Santé, s'estimant mis en cause a demandé un droit de réponse à cette interview de Gérard Bapt. La Tribune le publie donc ci-dessous : 

 

DROIT DE RÉPONSE

« Vous avez publié le 14 janvier 2014 un article relatif au DMP - Dossier Médical Personnel - qui m'oblige, à raison de ses insinuations me touchant personnellement à vous demander la publication d'un droit de réponse.

Vous évoquez une « drôle d'affaire de conflit d'intérêt », propos appuyés par ceux d'un député, Monsieur Gérard BAPT, qui semble ignorer, jusqu'au nom du DMP : Dossier Médical Personnel terme arrêté dans la loi et non « partagé ».

Vous sous entendez un conflit d'intérêts parce que j'étais fondateur de la société attributaire du marché du DMP. Vous auriez été avisés de vous renseigner sur les modalités de ce marché. Il a en effet été attribué à un consortium industriel choisi par une commission des marchés, composée de représentants du ministère de la santé et de l'Assurance Maladie, à l'unanimité de ses membres et à laquelle le Directeur de l'ASIP Santé (en l'espèce moi-même à l'époque) ne siège pas.

Mes liens passés avec la société étaient connus, identifiés et toutes les précautions ont été justement prises pour éviter quelque favoritisme que ce soit ou influence de ma part dans les choix.

La société attributaire a été retenue parce qu'elle était la moins chère de toutes les offres reçues, selon les règles de la commande publique. Vos propos à l'égard de conditions de prix, présentées comme « graves », alors que celles retenues étaient les plus avantageuses, sont infondés . Toute allusion à un supposé conflit d'intérêt pouvant impliquer l'agence ou son directeur et toute remise en cause du prix traduit une méconnaissance du code des marchés publics et met en cause gratuitement la probité des membres de la commission.

S'agissant des coûts réels du DMP, ils sont détaillés dans les rapports d'activités de l'agence, et surtout ils sont attestés dans un rapport de la Cour des comptes et dans une note publique (www.esante.gouv.fr) et certifiés par le Contrôle Général Economique et
Financier du Ministère des Finances. Ils s'établissent à 187 Millions sur 8 ans, entre 2005 et 2013. Le chiffre de 500 Millions d'Euros que vous avancez, sans même avoir vérifié vos sources, est parfaitement inexact ne sert qu'à appuyer une mise en cause infondée.

Les coûts techniques du DMP ont été d'environ 10 Millions d'euros pour la construction du système en 2010 et son hébergement coûte 4,2 Millions d'euros par an. Nous sommes donc très loin des montants annoncés.

Selon les propos publiés dans votre article Le DMP actuel ne serait « pas adapté à l'usage qu'en feraient les médecins » mais votre interlocuteur se garde bien de dire en quoi il n'est pas adapté et semble ignorer les travaux menés avec les professionnels de santé depuis 2005 et qui ont abouti au système actuel.

Enfin, votre interlocuteur omet de préciser que le programme de travail et les orientations stratégiques de l'ASIP concernant notamment le DMP sont arrêtés par un Conseil d'Administration composé majoritairement des représentants de l'Etat ainsi que de l'assurance maladie. .

Le DMP, autorisé par la CNIL en 2010, est par ailleurs conforme au droit et notamment aux règles relatives au consentement des personnes et au partage des données de santé entre professionnels de santé. Votre article ne sert donc pas la cause de la vérité et met inutilement en cause les personnes concernées. ».

Commentaires 8
à écrit le 20/01/2014 à 6:39
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ce n'est pas un dossier de travail qui est mis en place , mais un cimetière de données, non hiérarchisées, sans pertinence vérifiée, et en plus masquables à volonté par le patient, de quoi donner toute confiance aux médecins dans un"outil de travail"

à écrit le 17/01/2014 à 11:55
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Au mois de décembre 2013, la messagerie Apicrypt* a franchi le cap 47 500 utilisateurs, avec plus de 4 millions de messages échangés sur le mois et 47,5 millions de messages échangés sur une année. L’ensemble de ces échanges pourrait à moindre coû...

à écrit le 16/01/2014 à 14:21
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Oui le DMP est certainement un fiasco, si l'on compare son déploiement au DP (dossier pharmaceutique), mais la faute à qui ou à quoi? Communication, marketing, technique? Rien que la procédure pour créer/ouvrir son DMP est laborieuse... De plus, la ...

à écrit le 15/01/2014 à 13:56
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ASIP MDP 2 usines à gaz à supprimer. Il existe déjà le carnet de santé, et les patients sont pas obligatoirement gâteux au point de devoir ficher leur dossier de façon systémique. On doit faire des économie non? encore un foyer de perte facile à étei...

à écrit le 15/01/2014 à 11:48
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le dossier sur la réforme de la fin de vie , seule une minorité se dit favorable Je et nous sommes contre cette loi .

le 15/01/2014 à 13:59
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En se qui me concerne je veux avoir le choix le moment venu. Donc je suis pour.

le 15/01/2014 à 23:33
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je suis contre car ils vous soulagent malgre tout -

le 23/01/2014 à 15:21
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C'est quoi le rapport avec le schmilblick ?

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