Arnaud Montebourg n'est pas à un paradoxe près. Héraut de la démondialisation lors des primaires socialistes en 2011, ardent défenseur de la filière automobile face à « l'invasion » des véhicules sud-coréens en 2012, chantre du libéralisme en 2013 lorsqu'il s'en prend à la Direction européenne de la concurrence qui demandait à la SNCM de rembourser une partie des aides reçues, le ministre de l'Economie prépare actuellement un projet de texte de loi qui, présenté à la rentrée, risque de mettre le feu aux poudres puisqu'il s'attaquerait notamment aux professions règlementées. Les premiers contours de ce texte devraient être dévoilés après la Conférence sociale et avant l'allocution traditionnelle du 14 juillet du président de la République, François Hollande.
" Nous pouvons imaginer aujourd'hui de nouveaux rapports économiques dans tout un tas de secteurs. Il faut réformer les mécanismes profonds de l'économie ", a-t-il déclaré dimanche sur BFM TV, évoquant " des phénomènes de rentes, de monopoles ". Dans son viseur : les notaires, les taxis, les avocats, les pharmaciens... En dérèglementant ces professions - il s'en est déjà pris aux notaires en juin - , le ministre espère rétablir un peu de concurrence, concurrence qui permettrait de faire pression à la baisse sur les prix. La rentrée promet d'être chaude...
Deux rapports sur le bureau d'Arnaud Montebourg
Pour rédiger son projet de loi, Arnaud Montebourg dispose du rapport commandé en 2012 à l'Inspection générale des finances (IGF) par Bercy, rapport non rendu public par Pierre Moscovici, alors ministre de l'Economie. Il peut également parcourir le rapport de la Commission pour la libération de la croissance française ou " rapport Attali " remis en janvier 2008 à Nicolas Sarkozy.
Toutefois, s'il devait s'inspirer du rapport Attali pour " libérer " les professions règlementées, Arnaud Montebourg ne ferait pas preuve d'une originalité débordante. Ce ne serait en effet pas la première fois que l'exécutif s'inspire de ce document qui avait pour mérite d'embrasser l'essentiel des problématiques économiques et sociales dans laquelle se débat la France.
Un « ramasse-poussière »
Certes, François Hollande, alors Premier secrétaire du parti socialiste avait eu des mots plutôt durs en commentant ce rapport. " Chacun sait que ce rapport va devenir un ramasse-poussière (...) qu'on cesse de faire des mesures gadgets (...) le rapport contient certaines propositions qui mériteraient d'être engagées, qui peuvent même être engagées consensuellement mais qu'on cesse de dire à telle ou telle profession: 'on vous a vus, c'est vous qui êtes les responsables de ces défauts de croissance ". Néanmoins, les récentes mesures destinées à redresser la compétitivité, à réformer le système de santé - via notamment le développement de l'hospitalisation à domicile -, à simplifier les démarches administratives ou encore à réduire le mille-feuille territorial font en effet partie des 316 " décisions fondamentales " proposées par la Commission.
Un pacte avec les frondeurs ?
Ce projet de loi ne se contenterait pas de s'attaquer aux professions règlementées. Un volet serait également consacré au pourvoir d'achat, notamment des plus modestes, reprenant en partie les propositions de la trentaine de députés socialistes frondeurs parmi lesquels Christian Paul, le député socialiste de la Nièvre et Jean-Marc Germain, le député PS des Hauts-de-Seine. Comment cette initiative sera-t-elle perçue par l'Elysée et Matignon alors que le départ d'Arnaud Montebourg du gouvernement alimente les rumeurs de puis quelques jours ? Une chose est certaine, la date choisie par le ministre de l'Economie, entre la Conférence sociale et le 14 juillet, pour dévoiler son projet n'a pas été fixée au hasard. En procédant ainsi, Arnaud Montebourg signale aux partenaires sociaux et à l'Elysée qu'il avait son propre agenda...