La France engluée dans une croissance molle

Soudée, bloquée, atone, les adjectifs ne manquent pas pour qualifier l'économie française. Est-ce grave ? Certes, par rapport à ses voisins, hors Allemagne et Royaume-Uni, le pays n'a pas à rougir. Reste que le tableau n'est pas glorieux. Le gouvernement espère un choc de relance salutaire en Europe qui accompagnerait une accélération des réformes pour déverrouiller la croissance.
Fabien Piliu
Pour le nouveau ministre de l'économie, Emmanuel Macron, la France est « malade » et il n'y a pas d'autre choix que de réformer.

En panne... Comme au premier trimestre, la croissance a été nulle au deuxième. Et promet de rester plate jusqu'à la fin de l'année. Une « performance » qui aurait pu être encore plus décevante si la consommation des ménages n'avait pas résisté, compensant en partie l'atonie désespérante du commerce extérieur et la chute de l'investissement des entreprises.

« Alors qu'il avait progressé au cours des trois derniers trimestres de l'année 2013, l'investissement productif a enregistré au printemps 2014 un second trimestre consécutif de recul, au rythme de 3,2% par an », observe l'économiste Philippe Crevel.

Résultat, avec un acquis de croissance de 0,3% seulement à mi-année, le gouvernement a été contraint de réviser deux fois sa prévision de croissance. Désormais,

Michel Sapin envisage une croissance annuelle de 0,4%, loin du 1% anticipé encore en avril. Pour 2015, au lieu du 1,7% escompté, le projet de budget 2015 ne tablera que sur 1%, avec pour conséquence le maintien des déficits publics au-dessus de 4 % du PIB pour encore deux ans. Une fois de plus, la France devra négocier avec Bruxelles et Berlin un délai pour revenir sous les 3%, désormais promis pour... 2017.

« La conjoncture est maussade comme l'a été la saison estivale dans de nombreuses régions. La stagnation du deuxième trimestre a tué dans l'oeuf tout espoir de reprise à court terme. Cette mauvaise passe a été confirmée par l'enquête de l'Insee sur le climat des affaires en France pour le mois d'août. Cet indicateur perd un point dans l'industrie, le bâtiment et les services. Il perd neuf points dans le commerce de détail », observe Philippe Crevel qui anticipe une croissance annuelle de 0,3 % seulement.

Publié en août par Markit, l'indice PMI des directeurs d'achats dans le secteur manufacturier n'est guère plus enthousiasmant puisqu'il s'est replié de 47,8 en juillet à 46,9 en août, affichant son plus faible niveau depuis mai 2013. Quant à l'indicateur de retournement de l'Insee qui permet d'apprécier un éventuel changement de conjoncture, il reste dans la zone indiquant une situation défavorable. Dans ce contexte, la hausse continue du nombre de demandeurs d'emploi ne peut surprendre.

Un coût du travail jugé trop élevé

L'année dernière, après avoir avoué son erreur de diagnostic sur l'état de l'économie française, quatre ans après la crise de 2008-2009, François Hollande a commencé à réagir. Le rapport Gallois fut le coup d'envoi d'une politique de l'offre visant tout particulièrement à abaisser un coût du travail dont le niveau jugé trop élevé serait, si l'on en croit le Medef, la cause essentielle des maux de l'économie française.

Pour amplifier le pacte de compétitivité, qui a créé le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), le chef de l'État a proposé un pacte de responsabilité et de solidarité en janvier. Voté en juillet dernier, il allégera sur trois ans de 30 milliards d'euros le poids des charges patronales, un allégement auquel s'ajouteront 11 milliards de baisses d'impôts. Rarement, sinon jamais, un gouvernement surtout de gauche n'aura fait autant en faveur des entreprises. Au risque de déstabiliser sa majorité et ses électeurs.

Pour autant, ce pacte ne suffira pas à lui seul à résoudre les difficultés de l'économie française, qui ne se résument pas à un problème d'offre. À quoi sert-il de restaurer la compétitivité si la demande est atone, d'autant plus que l'activité des entreprises sera mécaniquement touchée par les 50 milliards d'euros d'économies sur la dépense publique prévues d'ici à 2017 ?

Ceci est d'autant plus vrai que, dans le cas de la France, la dépendance européenne est forte. Près de 60% des exportations prennent la direction de la zone euro. Dans ce contexte, on comprend l'acharnement de l'exécutif à réclamer auprès de Bruxelles un plan de relance capable de sortir la zone euro de l'impasse économique dans laquelle elle se trouve actuellement.

Une marge de manœuvre limitée

En attendant que les 300 milliards d'euros du plan de relance proposé par Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, soient injectés dans les pays de la zone euro, quelles solutions s'offrent à Emmanuel Macron, le nouveau ministre de l'Économie, alors que se profile la présentation du projet de loi de finances 2015 ?

Austérité oblige - même si le gouvernement devrait à nouveau obtenir un peu de souplesse de la part de Bruxelles en matière de réduction du déficit public -, la marge de manœuvre de Bercy est limitée. Quelques baisses d'impôts accordées aux ménages modestes, voire aux classes moyennes, ne suffiront pas à relancer la machine. La seule bonne nouvelle, pour les exportateurs, est le repli de l'euro, depuis la baisse des taux de la BCE, mais en contrepartie, il augmentera la facture des produits importés.

Au pied du mur, le gouvernement a décidé d'accélérer les « réformes structurelles » pour lever certains blocages qui paralyseraient les énergies. Régulièrement réclamées par Bruxelles et les institutions internationales (FMI, OCDE...), celles-ci ont l'avantage d'être peu coûteuses. Mais elles bousculent l'opinion publique et les partenaires sociaux, au risque de provoquer un autre blocage, social celui-là.

Certes, certaines réformes, comme la simplification administrative et des normes, la flexibilité du marché du travail via l'Accord national interprofessionnel (ANI) signé en janvier 2013, ont d'ores et déjà été lancées. Mais l'exécutif voudrait aller plus loin, pour donner des gages à Bruxelles en échange de sa clémence sur la question de la réduction du déficit public.

« Il faut gagner en productivité »

Avant l'été, et avant sa démission du gouvernement, Arnaud Montebourg avait ainsi annoncé une loi de croissance et de pouvoir d'achat qui devait notamment s'attaquer aux professions réglementées, comme le suggérait le rapport Attali commandé sous Nicolas Sarkozy. Objectif, redonner 6 milliards d'euros aux Français en faisant baisser certains prix dans des secteurs en monopole. Sans surprise, Emmanuel Macron, qui fut le rapporteur de la commission pour la libération de la croissance, a promis de poursuivre ce chantier.

De son côté, pour redresser la compétitivité des entreprises exposées et réduire le déficit des échanges extérieurs de la France, France Stratégie propose de réformer le marché des biens et des services des secteurs abrités de l'économie comme l'immobilier, les services aux entreprises, les services juridiques et comptables.

« Il faut gagner en productivité dans ces secteurs et veiller à la modération salariale », explique le think tank du gouvernement dédié à la prospective, lointain successeur du Commissariat au plan.

La réforme annoncée du travail du dimanche, qui serait assoupli dans certaines zones, la modification des seuils sociaux sont aussi à l'étude. Quant à l'assouplissement du contrat de travail et à la réforme des 35 heures, on ne sait pas encore si le nouveau ministre de l'Économie osera s'y attaquer même si, depuis l'entretien accordé au Point fin août, on connaît avec précision le fond de sa pensée... Recevra-t-il l'aval de l'Élysée ? Il serait, sur ce point, sur la même longueur d'ondes que Laurence Boone, la nouvelle conseillère économique de François Hollande.

Les enjeux sont énormes

Si la panne de croissance se prolonge au cours des prochains trimestres, cela aura des répercussions graves sur un pays en pleine déprime. En particulier, si l'investissement - surtout les investissements innovants - ne repart pas, la France continuera de perdre du terrain dans le domaine technologique, effaçant les éventuels gains de compétitivité permis par le pacte de responsabilité.

D'autre part, une croissance molle ne pourra pas permettre à la France de respecter ses engagements vis-à-vis de Bruxelles en matière de réduction des déficits publics, écornant une crédibilité déjà entamée. Comment réagiront les marchés qui, jusqu'ici, permettent à la France de s'endetter au moindre coût (1,3% à dix ans) ?

Enfin, sur le plan politique, François Hollande ne pourrait sortir indemne si la conjoncture ne s'améliore pas, comme il en fait le pari depuis deux ans, sans succès pour le moment. Sans un redémarrage de la croissance et une véritable inflexion de la courbe du chômage, il reconnaît lui-même n'avoir aucune chance de se représenter en 2017.

Fabien Piliu
Commentaires 45
à écrit le 06/10/2014 à 7:33
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seule solution pour laisser respirer les français : baisser les prix de l'immobilier et les loyers de 50 % ! C'est le premier poste de dépenses. Arrêter de subventionner les spéculateurs immobiliers !

à écrit le 05/10/2014 à 16:02
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"too big to fail" répétent-ils en coeur pour se rassurer et prôner plus d'endettement pour déclencher un peu de croissance : les Français sont terrifiés par les perspectives et ils économisent le plus possible : quand la confiance a disparu, on ne l...

à écrit le 03/10/2014 à 0:06
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avec les "tortues à carapace molle" : non, aucun lien , c'est juste pour fair avancer le schmilblick !

à écrit le 02/10/2014 à 16:26
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Que des actions ponctuelles à objectifs électoraux. Pauvre France qui a un cancer incurable : l'administration politisée.

à écrit le 02/10/2014 à 14:29
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Comment expliquer que les salaires augmentent en même temps que le chômage ?

à écrit le 02/10/2014 à 11:50
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« veiller à la modération salariale » est le seul véritable enjeu pour les profiteurs qui nous gouvernent et nous exploitent. Ils semblent penser que la part du gâteau qu’ils s’accaparent n’est pas assez grande bien qu’ils en aient déjà la majeur p...

le 02/10/2014 à 13:36
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" jamais assez! ", c'est leur devise.

à écrit le 02/10/2014 à 11:40
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Ils vont le trouver où leur 1% de croissance quand revenus et retraites stagnent ou baissent et que impôts, taxes et prélèvements divers, énergie, dépenses contraintes, ..., explosent ? Gouvernement de menteurs et de rêveurs.

le 02/10/2014 à 13:25
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Bah! c'est le" réenchantement " promis ! il ne vous comble pas, apparemment....

à écrit le 02/10/2014 à 11:34
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on réduit les aides familiales, on bloque salaires et retraites ! le gouvernement n'aura plus suffisamment de recettes ! je réduis mes dépenses comme beaucoup de français !! alors quoi pour la croissance ????

à écrit le 02/10/2014 à 11:33
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Le MACRON SAUVEUR ECIONOMIQUE est-il devenu le "petit Micron" façon LOUIS XVI de Varennes, de l'Elysée, que dis-je du Château ?

à écrit le 02/10/2014 à 11:33
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comment produire,quand le système administratif fait obstacle en Taxes diverses et variées parfois farfelues Assurance maladie démente,pour couvrir une population à risque et à loisirs,ce qui n'a rien à voir avec le monde salarié contrainte empl...

à écrit le 02/10/2014 à 10:48
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les sanctions appliquees à la russie vont avoir un effet negatif aussi sur l'europe les consequences s'en font déjà sentir en allemagne et cela risque de peser beaucoup plus lourd si on n'arrive pas rapidement à un accord avec la russie

le 02/10/2014 à 11:21
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nous voulons toujours donner des leçons, cette fois, on l'a dans le baba" avec la Russie, mais on est fier de "tenir bon", n'est ce pas?

à écrit le 02/10/2014 à 10:27
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Vous voulez dire decroissance molle, n'est ce pas?

à écrit le 02/10/2014 à 10:23
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Au lieu de supprimer des postes de fonctionnaires qui ne créés pas de richesse, voir même qui creusent la dette, ils ont envoyé au chômage des salariés expérimentés pour les remplacer par des juniors, sous-payés et démotivés. Résultat mathématique : ...

le 02/10/2014 à 11:37
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Le système ne fonctionne plus en effet ! on baisse tout et on rabote la consommation et la croissance n'augmente plus....

à écrit le 02/10/2014 à 10:11
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L'état taxe mais ne se réformera pas car ça irait contre l'électorat protégé qui soutient le PS.

à écrit le 02/10/2014 à 10:02
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Il a le double langage comme tous les bourgeois socialistes. D'un coté il faut réformer et de l'autre il soutient les professions protégées. Allez y comprendre quelque chose. Il ferait très bien la couverture de LUI.

à écrit le 02/10/2014 à 9:40
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La France engluée avec des hommes politiques moues et un administration molle et en surnombre!!!

le 02/10/2014 à 11:24
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on ne peut pas penser en permanence, à sa "carrière, réelection, porte feuille", et penser aussi aux Français ! ça va pas ensemble, la preuve......

à écrit le 02/10/2014 à 9:30
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Tous dans la fonction publique ou au service de l'état, car c'est bien là, abrité par un état stratège, que l'on innove, et que l'on créé les business de demain..Il y a un vrai succès de constater que la croissance du PIB se fait grâce aux nouveaux e...

à écrit le 02/10/2014 à 9:30
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Au fait, qui s'occupe de la réforme fiscale?

à écrit le 02/10/2014 à 9:27
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Cette réforme fiscale est étudiée par Coe-Rexecode. Il faut vous y reporter.

à écrit le 02/10/2014 à 9:26
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Et pendant que nos médias s'entichent des bagnoles à paris, depuis le 30 septembre les échanges directs yuan-euro ont commencé en Chine et en Europe. Le yuan chinois ne fait plus référence aux cotes du dollar américain lors des échanges contre l'euro...

à écrit le 02/10/2014 à 9:11
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Il n'y a pas que la croissance qui soit molle. Tous nos dirigeants le sont aussi.

à écrit le 02/10/2014 à 8:59
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La situation n'est pas prête de s'améliorer, sauf pour comme d'habitude les professions protégées: notaires, fonctionnaires... Nous autres français sans avantages, on va galerer pour encore quelques années

à écrit le 02/10/2014 à 8:19
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Les médias n'acceptent pas que l'économie française est dans une récession. Alors la consigne est dès qu'on en parle d'utiliser des euphemismes : croissance minimum, stagnation, croissance molle…. Pathétique ou ridicule ?

le 02/10/2014 à 13:27
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hélas, c'est "à pleurer" !

à écrit le 02/10/2014 à 8:13
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Montez la TVA a 25 ou 30% et financez les retraites et secu avec. Versez 100% de leur salaire brut aux salariés et baissez très fortement les charges patronales. Pour 3000€ net il faut 6000€ au patron. après action ci dessus l'employé à 4000euros et...

le 02/10/2014 à 9:24
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Encore un petit effort pour accepter de payer votre énergie un peu plus chère et vous avez raison. Bravo!

le 02/10/2014 à 11:36
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tout le monde sait que des hausses de TVA vont pénaliser les plus pauvres aussi !! quoi d'autre ?????

le 02/10/2014 à 11:54
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Vous oubliez de dire une chose avec votre programme magique : qui va combler les 1500 € de cadeau faits au patron ? Certes, le salarié gagne plus en valeur absolue. Mais, sans cotisation, tout ce qui en dépendait va disparaître et devra donc bien en...

à écrit le 02/10/2014 à 8:07
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Il faut basculer la fiscalité du travail sur la fiscalité énergétique.

le 02/10/2014 à 8:15
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Sur la fiscalité de la consommation. Energétique ou pas. Un Ipad fabriqué en Chine acheté sur Amazon basé au Luxembourg doit servir à financer les retraites.

le 02/10/2014 à 9:18
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La TVA sociale n'est pas suffisante; il faut ajouter l'énergie pour des raisons écologiques.

à écrit le 02/10/2014 à 8:06
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Cette réforme fiscale doit être effectuée en même temps que la transition énergétique.

à écrit le 02/10/2014 à 8:05
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il faut dexindexer le patrimoine des francais (mobilier ,immobilier),les revenus,les prestations sociales de 27% ,quand aux retraites de 58%,interdire le droit de greve et manifestation de protestation

le 02/10/2014 à 9:05
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Et fusiller ceux qui diront le contraire et interner dans des camps ceux qui auraient l'idée de penser le contraire.....

à écrit le 02/10/2014 à 8:05
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Avec une fiscalité qui assomme les entreprises et les particuliers, les joies du RSI et les délices de l'URSSAF (entreprises) la CSG etc. plus l'inquisition fiscale aussi féroce ne comptez pas sur moi, petit entrepreneur, pour créer le moindre emploi...

à écrit le 02/10/2014 à 8:04
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La solution nécessite une réforme fiscale à niveau constant.

à écrit le 02/10/2014 à 8:03
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Il faut abandonner le rapport Attali au profit de la note n°6 du CAE.

à écrit le 02/10/2014 à 7:46
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François Hollande devrait démissionner. Il n'a pas la confiance des Français. Dans ce cadre, le moral des Français et la consommation ne peuvent pas revenir. FH est un boulet pour la France et sa croissance ! La déprime va continuer de s'installer...

le 02/10/2014 à 11:56
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Pas de croissance = normal. Il n’est ni souhaitable, ni possible de continuer à croître. Nous avons, collectivement, déjà bien trop et produisons bien plus que ce que peut offrir notre planète sur le long terme. Il nous fait penser une autre économ...

à écrit le 02/10/2014 à 7:41
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Doit on esperer une croissance forte? resultat d une 3eme guerre mondiale....la seule voie tout casser pour reconstruire...Les USA font tout pour et nous on suit....

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