ExpoFrance 2025, l'Expo de tous les possibles !

Réconcilier les Français et le progrès, montrer au monde une France hospitalière : en visant l'Exposition universelle de 2025, Jean-Christophe Fromantin, le maire de Neuilly-sur-Seine, est en train de réussir une étonnante mobilisation droite/gauche et privé/public. Une « Expo.fr », connectée et innovante, se voulant un tremplin de communication pour le Grand Paris et son nouveau métro express. Le projet vise à rompre la spirale du déclin et offrir au monde, mais dans... dix ans, le visage d'une renaissance française.
Jean-Christophe Fromantin, à droite, était l'invité vendredi du Club entreprise La Tribune - CCI Paris - Ile de France.

Et si la France s'offrait un gigantesque lavage de tête ? Une surdose de vitamines du bonheur ? L'économiste Marc Giget, spécialiste des processus d'innovation, l'a très fortement suggéré aux députés :

« Si la France invitait la terre entière sur le thème du progrès, cela pourrait constituer pour elle une bonne psychothérapie. Elle ne peut pas continuer à répandre sur le monde son horrible pessimisme. »

La France doit se réconcilier avec le progrès, se rappeler Louis Pasteur qui ne pensait qu'à une chose « faire que tout aille mieux » et surtout se souvenir d'une année bénie, l'année 1900 : la France positiviste et confiante en elle organisait à Paris l'Exposition universelle (50 millions de visiteurs, quand même !), les Jeux olympiques d'été et une méga exposition sur l'art religieux au Petit Palais (6 millions de billets vendus). Le tout, en même temps, sur les mêmes lieux et dans un parfait oecuménisme.

« L'État sera au rendez-vous »

Bien évidemment irréaliste aujourd'hui. « Je ne crois pas que les Français aient perdu foi en la science. Il semble qu'ils aient perdu confiance dans la capacité de nos institutions publiques et privées à faire bon usage des découvertes scientifiques et des innovations », estime Jean Pisani-Ferry, le commissaire général à la stratégie et à la prospective, auteur d'un rapport sur... la France de 2025. Alors faisons-en bon usage, réconcilions la France et le progrès à travers une Exposition universelle : l'idée de Jean-Christophe Fromantin, pour l'instant, convainc de plus en plus de monde.

Le député-maire de Neuilly avance prudemment, aussi bien avec le public que le privé. Mais, il avance. Son projet est en effet hors normes, absolument pas dans l'ADN des Expositions universelles avec leur kyrielle de pavillons qu'a toujours privilégié le Bureau international des expositions (voir nos focus sur Milan 2015 et Dubaï 2020). Jean-Christophe Fromantin avance car il n'a « rien à perdre » et qu'il est

« un peu en politique par hasard ». Il vient de l'entreprise et il peut y retourner - « Je ne suis pas accroché aux lustres », sourit-il - et il choisit des projets qui ont du sens.

Il a ainsi travaillé sur une restructuration des régions françaises en fonction des flux économiques et sociaux, autour de 8 métropoles connectées au monde. Belle réflexion, long travail. Torpillé par François Hollande et son annonce surprise d'une diminution de 22 à 13 Régions. Le tenace des Hautsde-Seine reviendra un jour à la charge. Il ne lâche pas.

Il ne lâchera pas non plus l'Expo 2025 qu'il porte à bout de bras. Un dossier qui « demande du bon sens et de la liberté intellectuelle », qui est transpolitique et où tout doit se construire pas à pas et sans a priori. L'exemple même du projet qu'il faut mener pour présenter au monde une France réformée en 2025 :

« Un schéma de transports du Grand Paris, c'est bien sûr structurant, la création d'une métropole aussi. Mais, franchement, vous trouvez que cela soulève l'enthousiasme ? », ironise-t-il.
« Lorsque j'ai découvert l'idée de Fromantin par une dépêche AFP, j'ai immédiatement fait un communiqué de soutien, raconte Luc Carvounas, sénateur PS du Val-de-Marne. Je ne le connaissais pas, mais je savais qu'il fallait un projet tête de gondole pour le Grand Paris, qu'il fallait lui donner de la chair. On s'est rencontrés, ça a fonctionné. Je n'imaginais pas qu'un sénateur socialiste de l'est de Paris puisse s'entendre avec un député de droite de l'ouest riche de Paris... C'est arrivé. En plus, en mai 2012. »

Les deux hommes, désormais associés dans le dossier, savent que l'Expo universelle a un sens symbolique fort, permet d'incarner une réforme et un changement culturels. Plus que des Jeux olympiques, manifestation formatée, dont l'impact est aussi nul sur le tourisme que catastrophique sur les finances publiques. Jean-Christophe Fromantin a toujours voulu, lui, une Exposition axée sur l'innovation, essentiellement digitale, qui ne coûte pas un euro au contribuable. Luc Carvounas lui a apporté le soutien du Premier ministre, ses réseaux et sa connaissance de l'industrie touristique et, depuis, tout le monde accourt, collectivités et privé. Car Manuel Valls a apporté un fort soutien à ce « grand projet métropolitain » susceptible selon lui de fédérer les énergies du Grand Paris.

« Je vois dans la candidature à l'Exposition universelle 2025 une magnifique opportunité pour l'image dans le monde du Grand Paris et de la France », a déclaré le chef du gouvernement lundi 13 octobre.

« L'État sera au rendez-vous de cette grande ambition », a-t-il assuré.

Les candidatures pour l'organisation de l'Expo universelle doivent être déposées en 2016 et le Bureau international des expositions prendra sa décision en 2018.

Aucune infrastructure à construire, ni à amortir

L'idée forte de Jean-Christophe Fromantin est simple : aucun pavillon de pays, mais une exposition quasi virtuelle basée sur l'existant, avec un patrimoine hérité en partie des précédentes Expositions universelles. À chaque pays d'offrir son territoire à voir en numérique, en réalité augmentée, aux 40 à 50 millions de visiteurs qui vont flâner sur les Champs-Élysées et le Champ-de-Mars. L'innovation la plus pointue dans le plus beau patrimoine du monde.

Avantage évident pour le pays organisateur : aucune infrastructure à construire, aucune infrastructure à amortir. Désavantage : Dubaï 2020 a déjà défloré le thème avec « Connecting Minds, Creating the Future » et la création d'un site « à la croisée du patrimoine et de l'innovation ». Les Émirats vont même engloutir des dizaines et des dizaines de milliards pour épater le monde.

Expofrance ne pourra pas renchérir financièrement. Elle est sur une autre logique.

« Nous n'avons aucune idée de ce que seront les technologies de 2025, explique Luc Carvounas. Ce serait contre-productif de se bloquer sur ce que l'on a aujourd'hui. Il faut chercher, comme dit Fromantin, à créer de l'enthousiasme, à mettre les gens et les cerveaux en relation, à travailler en réseaux, et on verra ce qui en sort. »

Un plaidoyer fervent de Joël de Rosnay

Aucun des partenaires d'Expofrance n'a ainsi d'idée précise sur ce qu'il souhaite faire en 2025. Mais de Georges Plassat, le patron de Carrefour qui a été le premier à avoir apporté son soutien, à Sébastien Bazin, patron d'Accor, ils rêvent tous un peu. Ne serait-ce que par leur côté profondément « anti-français » : dans un pays d'ingénieurs rigoureux qui savent construire des trains, des avions et des fusées, se lancer dans un gigantesque chantier évolutif à plusieurs milliards et pas vraiment planifié va à contre-courant de l'habituelle pensée systémique. Et cela les attire. Marc Giget, encore lui, a ainsi un jour expliqué devant Jean-Christophe Fromantin et Bruno Le Roux (le patron du groupe socialiste est rapporteur de la mission parlementaire sur l'Expo) qu'en 1900, la France organisait 85 % de tous les congrès de la terre, et que les premières Expositions universelles et tous les premiers congrès de physique ont eu lieu à Paris, qui était un peu le living lab de la Belle Époque.

Joël de Rosnay, prospectiviste, en a rajouté une louche pour bien faire comprendre aux hommes politiques qu'il s'engageait dans un travail passionnant mais ardu :

« Si l'Exposition a l'intention d'expliquer aux visiteurs ce qu'il faut comprendre de la France de 2025, elle sera à côté de la plaque. Elle doit faire en sorte que les jeunes créent de l'émotion, de l'expérience et du partage. Ils ont des outils pour cela, ils s'en servent déjà tous les jours. Malheureusement, nombre de politiques, d'industriels et de grands universitaires sont encore dans la culture du silo, de l'utilisation d'un logiciel particulier, et ignorent les applications combinées entre elles. »

Et il leur a longuement expliqué qu'il ne fallait pas se tromper sur les idées de progrès et d'innovation :

« L'Exposition de 2025 et la France se situent dans une autre dimension culturelle que celle, exprimée ici, du progrès et de l'innovation. Le progrès n'existe pas, dans la mesure où il est lié à un jugement de valeur. Le progrès sans valeur n'est donc pas du progrès, c'est simplement une mesure quantitative. D'autre part, l'innovation n'existe pas : il n'existe que des systèmes innovants. Aujourd'hui, tout ce qui change la société résulte de fusions, de convergences, de catalyse et d'émergences.

Internet n'est pas une innovation, c'est un système innovant, fait de réseaux de télécommunication, de TCP/IP, de protocoles informatiques, de boîtes à messages, de bêta testeurs et de moteurs de recherche... Les termes d'innovation et de progrès sont déjà en euxmêmes dépassés, s'ils sont conçus en dehors d'une vision systémique - pour l'innovation - et d'une vision dynamique - pour le progrès ».

Les élus ont compris qu'il leur restait un bout de chemin à faire... Les interventions des scientifiques à l'Assemblée nationale sur le progrès et l'innovation, le 26 février, devraient d'ailleurs être diffusées dans les collèges, tant elles sont lumineuses.

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Commentaires 2
à écrit le 28/10/2014 à 10:22
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L'énergie permet de remplacer le travail en utilisant l'outillage; le progrès dépend de la relation entre cout du travail et prix de l'énergie.

à écrit le 28/10/2014 à 10:16
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Je pense qu'il faut analyser la vision systémique exprimée par Joel de Rosnay et qui doit concerner la relation entre démographie, capital humain et énergie L'exposition universelle doit aborder le role de l'énergie dans le développement de l'économi...

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