Martin Hirsch, l'intérêt général pour seul combat

Grand commis de l’État, l’actuel patron des Hôpitaux de Paris (AP-HP) est avant tout un combattant des inégalités. Une trajectoire atypique, qui fait de lui un électron libre, et désormais, un chevalier de la légion d’honneur. Cette distinction lui a été remise mercredi 29 octobre par la ministre Najat Vallaud-Belkacem.
Martin Hirsch agira dans l'ombre jusqu'à sa nomination en 2002 comme directeur d'Emmaus France, l'organisation créée par l'Abbé Pierre.

Fidèle à sa réputation, son bureau est en bataille. Un peu comme ses cheveux. Dossiers et journaux s'empilent pour former une montagne de documents. Le bazar est roi. Si Martin Hirsch apparaît désordonné, c'est qu'il ne ferme jamais les chapitres de ses engagements.  Lunettes rondes et cravate lui confèrent une posture dont il n'a que faire. À 50 ans, le directeur des hôpitaux de Paris a déjà épousé de multiples causes sans jamais demander le divorce. Sauf avec le gouvernement Fillon. Encore faut-il l'avoir un jour vraiment rallié. Martin Hirsch, chevalier de la légion d'honneur, est un homme à la trajectoire unique, qui zigzague entre les sphères, un pied dedans, un pied dehors, toujours aux intersections. "C'est le meilleur endroit pour être libre et indépendant. Ce que je déteste, c'est la dépendance."

Sa vie est également faite d'imbrications, d'enchevêtrements, une mosaïque qui prend corps au fur et à mesure. "Ma motivation est liée à une multitude de choses qui se nourrissent l'une de l'autre, dont ce que j'ai appris et ce qu'on m'a transmis". L'héritage familial d'abord. Dès son plus jeune âge, il se rend régulièrement avec sa famille en Haute-Loire, terre de résistance. Ses parents s'y réfugient pendant la guerre. Son père prendra le maquis, tandis que son grand-père rejoint de Gaulle à Londres, dès les premières heures de la France libre. Déjà la force de dire non. Son grand-père devient commissaire au plan après la guerre, puis il refuse de devenir ministre lors du retour du général en 1958.

"Contre les jeux de pouvoirs".

Les choses qu'il a "métabolisées", assimilées pour faire siennes, Martin Hirsch les a également apprises dans les plus grandes écoles de la République. L'ENS, l'ENA, le sacro-saint de l'enseignement républicain. Suite à son admission, son père - ancien directeur de l'École nationale des Ponts et Chaussées- lui écrira une lettre. Elle deviendra sa boussole. Une missive pour le mettre en garde contre l'univers particulier dans lequel il allait rentrer. Un message "contre la suffisance, contre les apparences, contre les jeux de pouvoirs".

Il la conserve toujours avec lui, jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans le désordre de son départ du Haut-commissariat en 2010. Séparé de son totem, les racines de son engagement refont surface, qu'il relate dans un livre, "La lettre perdue".

Et puis il y a ce que Martin Hirsh a façonné de ses propres mains. C'est dans un camp pour handicapés qu'il s'engage pour la première fois, à la fin de son adolescence. Davantage pour séduire une fille bénévole que par conviction. Qu'importe. À défaut de rencontrer l'amour, il découvre le plaisir du volontariat.

Apprendre à effacer le rapport de force

Puis les années Emmaüs. Il débarque comme bénévole en 1995 alors qu'il est directeur de la pharmacie centrale des hôpitaux de Paris. Cet énarque au chevet des plus démunis apprend à composer avec ceux qui ne sont pas de son milieu, à effacer le rapport de force.

Il agira dans l'ombre, comme les autres, jusqu'à sa nomination en 2002 comme directeur France de l'organisation créée par l'Abbé Pierre. "La ministre pour laquelle je travaillais (Martine Aubry) a découvert mon engagement dans le journal", s'amuse-t-il. Cette nomination scelle définitivement son alliance avec l'engagement, lui qui souhaitait arrêter Emmaüs par manque de temps. C'est désormais irréversible.

 Une structure pour casser les codes de l'aristocratie

Animé par la détermination d'être "utile", il se laisse convaincre en 2007, par Nicolas Sarkozy, après trois refus, d'entrer dans son gouvernement d'ouverture. Selon un ministre de l'époque, Martin Hirsch "est une crapule, il monte les sujets en épingle pour sculpter son propre rôle". Qu'importe. Il avance avec ses convictions et crée alors le revenu de solidarité active (RSA) puis, lorsqu'il hérite du portefeuille de la jeunesse, le Service Civique, un engagement volontaire au service de l'intérêt général.

Il imagine une structure qui puisse casser les codes de cette aristocratie. L'idée d'une grande école qui valorise l'engagement des jeunes volontaires germe dans son esprit. Ça sera l'Institut du service civique dont l'idée sera griffonnée sur une nappe de table lors d'un déjeuner. Autour d'une équipe pilotée par Claire de Mazancourt, ancienne directrice stratégique à Météo France, il s'y engage politiquement -auprès du président Hollande - et physiquement, auprès des lauréats: il se rend chaque année au séminaire d'intégration en Corrèze, comme il descend dans ses services hospitaliers au plus près des malades.

Son poste de directeur de l'AP-HP, qu'il occupe depuis novembre 2013, sonne alors comme une évidence. "C'est un lieu qui concentre toutes les qualités et les défauts de la société." Un lieu aussi bien politique que social, à la croisée des chemins.

Martin hirsch en dates :

  • 6 décembre 1963: naissance
  • 1988 : intègre l'ENA, promotion Jean Monnet
  • 2002 : Président France d'Emmaüs
  • 2007 : Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, démission d'Emmaüs
  • 2012 : création de l'Institut du service civique
  • 2013 : Directeur des Hôpitaux de Paris

Commentaires 7
à écrit le 04/11/2014 à 14:14
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Monsieur Hirsch est un très grand bourgeois, fils et petit fils de haut fonctionnaire, qui s’est fait de la pauvreté son fond de commerce. Emmaus, l’Assistance Publique et sans doute demain la Croix Rouge… C’est facile de répéter à l’envi que l’on...

à écrit le 03/11/2014 à 14:55
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Un portrait très distancié qui rend honneur au journalisme économique... A quand Hirsch au Panthéon à côté de Jaurès ?

à écrit le 03/11/2014 à 14:21
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6 décembre 1953: naissance •1988 : intègre l'ENA, promotion Jean Monnet intégrer l'Ena à 35 ans pas très brillant...et avoir 50 ans en 2014, là c'est plus fort...:)

le 03/11/2014 à 22:32
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Il est né le 6 décembre. Il aura donc 51 ans le 6 décembre 2014 ...

à écrit le 03/11/2014 à 13:35
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Qui se souvient des annonces triomphales de Martin Hirsch lorsqu'il a convaincu Nicolas Sarkozy de transformer le RMI en RSA .. on connait la suite, + de dépenses et peu d'effet. Monsieur Hirsch est avant tout un carriériste opportuniste, qui sait jo...

à écrit le 03/11/2014 à 13:17
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Beaucoup de vidéos d'archives sur youtube contredisent ce touchant plaidoyer,dont l'une avec Hollande qui montre le cynisme des 2.Combien touche ce monsieur pour s'occuper de la pauvreté????pas vraiment un Abbé Pierre ce monsieur Hirsch

à écrit le 03/11/2014 à 12:40
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Hirsch est surtout un arriviste qui vit au crochet de l'état depuis toujours. Venant de la gauche, il a servi Sarkozy pour devenir ministre et a rebondi après force magouilles à la présidence des Hopitaux de Paris, aidé en cela par les syndicats qui...

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