« D’ici à 2020, 600.000 recrutements dans l’économie sociale et solidaire »

Entretien avec Carole Delga, secrétaire d’État au Commerce, à l’Artisanat, à la Consommation et à l’ESS

LA TRIBUNE - Qu'attendez-vous concrètement de la loi sur l'économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014, notamment en termes d'emplois ?

CAROLE DELGA - Que l'économie sociale et solidaire (ESS) soit mieux connue et puisse exprimer tout son potentiel de création d'emplois. Nous maintenons notre objectif de dépasser la part de 10% du PIB français, mais de manière très pragmatique en soutenant chaque initiative.

Lors des dix dernières années, les entreprises de l'ESS ont créé en proportion près de cinq fois plus d'emplois que l'économie classique. Ces emplois sont plus stables sur la durée car les structures de l'ESS ont des capacités d'adaptation et de résilience plus fortes. Les salariés y sont en effet parties prenantes des décisions et mesurent pleinement les tenants et les aboutissants des adaptations à opérer.

Par ailleurs, pour pallier les nombreux départs à la retraite qui sont à attendre dans un avenir proche, 600 000 recrutements d'ici à 2020 sont prévus dans l'ESS.

LT - Comment concrètement atteindre ces objectifs ?

CD - Nous avons développé de nouveaux outils dans la loi ESS du 31 juillet 2014 par le biais de la banque publique d'investissement, qui est prête à s'engager dans un fonds d'investissement dédié aux coopératives d'une capacité d'au moins 50 millions d'euros ainsi que dans un fonds pour l'innovation sociale de 40 millions d'euros. Bpifrance participera également à la mise en oeuvre des prêts participatifs sociaux (50 millions d'euros) en se portant garant des emprunteurs auprès des réseaux bancaires. En plus, une enveloppe de 100 millions d'euros, en grande partie déjà engagée, a été prévue pour soutenir l'ESS dans le cadre du programme d'investissements d'avenir de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Nous avons en outre instauré des outils juridiques, notamment la SCOP d'amorçage, qui va permettre aux salariés de pouvoir reprendre leur entreprise sans disposer au départ de la majorité du capital tout en étant majoritaire en voix et de disposer d'un délai de sept ans pour réunir les capitaux nécessaires à l'obtention de la majorité. Les regroupements de sociétés coopératives et participatives (SCOP), les coopératives d'activité et d'emploi (CAE) et les sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) sont également favorisées dans la loi.

Tout ceci constitue un panel assez innovant de statuts pour permettre à une initiative qui réponde à un besoin territorial d'éclore, tout en donnant la possibilité aux structures de l'économie classique qui le souhaitent d'aller vers l'ESS. Grâce à ces outils juridiques et financiers, nous souhaitons aussi répondre à ce besoin de sens de nos concitoyens et de nos entrepreneurs.

LT - Avez-vous l'ambition de déplacer le curseur de l'économie classique vers une nouvelle forme d'entrepreneuriat plus sociale et solidaire ?

CD - L'ESS ne dit pas haro sur l'économie classique. Au contraire, elle veut s'insérer en complémentarité pour se diffuser progressivement et efficacement. L'ESS a un fort potentiel de développement qu'il faut soutenir et structurer.

La mesure sur le droit d'information des salariés deux mois avant la reprise ou la transmission de leur entreprise fait polémique. Le gouvernement va-t-il conserver sa posture initiale en faisant fi des arguments du Medef qui est vent debout contre la mesure ?

Ce dispositif s'applique déjà depuis le 1er novembre. Il résulte d'une concertation d'envergure pour mettre en place une procédure pragmatique et sécurisante pour les entreprises et les salariés. Nous avons prêté attention aux remarques des organisations professionnelles et syndicales pour ne pas créer d'usine à gaz. Nous sommes donc à l'écoute des partenaires sociaux et souhaitons porter haut ce droit d'information préalable des salariés. Nous avons prévu de confier une mission à des parlementaires pour une première évaluation de la mise en oeuvre du dispositif.

Cette mission devra aussi élargir les propositions pour favoriser la transmission et la reprise d'entreprises. Car les entreprises françaises rencontrent des difficultés pour réussir ce moment délicat de leur vie : 26.000 emplois ont ainsi été supprimés en 2012 dans notre pays, faute de repreneurs. La reprise par les salariés n'est pas le seul levier. La mission parlementaire nous proposera, je l'espère, des modalités d'accès aux financements plus favorables qu'actuellement, notamment pour des jeunes qui souhaitent reprendre des entreprises et qui ne sont jusqu'ici pas suivis par les banques - un vrai problème.

LT - On voit parfois poindre dans les arguments du Medef la conviction que les salariés ne sont pas capables de gérer une entreprise...

CD - À mon sens, les salariés sont une richesse dans une entreprise et non une menace. Il est temps de sortir de cette vision binaire de l'entreprise où il y a ceux qui savent et ceux qui exécutent. Un dialogue social fructueux au sein d'une entreprise est tout de même un point positif lors d'une transmission. Avoir un climat social apaisé quand on reprend une entreprise, c'est un atout.

LT - Cette mesure peut-elle être bénéfique économiquement pour les entreprises françaises ?

CD - Oui, car ce droit d'information est couplé avec un droit de formation des salariés. Il ne serait pas raisonnable de leur donner une seule information sans un minimum de bases juridiques et financières. Nous sommes dans la mise en place d'un dispositif opérationnel.

LT - Plus grand pourvoyeur d'emplois dans l'ESS, le secteur associatif subit de grandes difficultés. Comment le sortir du marasme économique ?

CD - Nous avons permis des avancées pour les associations, par une définition plus précise de la subvention, qui est clairement identifiée comme la rémunération d'un service d'intérêt général, et par la reconnaissance légale des dispositifs locaux d'accompagnement. Les titres associatifs pourront aussi permettre aux grandes associations de lever in fine des montants plus élevés pour leur développement.

Mais nous devons aller plus loin, notamment sur la fiscalité du secteur non lucratif, qui n'est parfois pas adaptée à certains modèles économiques spécifiques. C'est par exemple le cas du secteur médicosocial, où coexistent des entreprises à but lucratif et des associations. Les premières bénéficiant du CICE, car elles sont assujetties à l'impôt sur les sociétés, ce qui n'est pas le cas des secondes. Par ailleurs, nous allons également réfléchir à améliorer la formation des bénévoles.

LT - Êtes-vous pour la libéralisation du modèle associatif, qui est avancée comme une solution en ces temps de réduction des financements publics ?

CD - On ne peut pas être sur un modèle à l'anglosaxonne de social impact bonds.Même s'il ne faut pas être fermé à de nouvelles propositions, la notion de service public à la française doit être préservée. Les associations assument souvent pour les pouvoirs publics des missions d'intérêt général, en répondant à des besoins fondamentaux des ménages quel que soit leur niveau de ressources. Nous devons être attentifs à la sauvegarde de ces valeurs.

Commentaires 8
à écrit le 29/11/2014 à 10:16
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Mine réjouissante surtout après de telles annonces, des fonctionnaires en veux tu en voilà.

à écrit le 27/11/2014 à 8:17
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chers contribuables associés ,préparez votre porte- monnaie.Un petit espoir cependant avec le licenciement fracassant des socialistes en 2017

à écrit le 26/11/2014 à 19:07
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A ça y est le gouvernement rend publique les resto du coeur? Ils se sont rendus compte que de plus en plus de famille et même de travailleur qui avec un salaire ne devrait pas en avoir besoin...

à écrit le 26/11/2014 à 18:28
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avoir des électeurs à vie ! voila la bonne solution .

à écrit le 26/11/2014 à 17:22
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Mais bien sur, c'est vrai qu'elle a une grande expérience de l'entreprise. Sans doute que les EES sont en fait ce qu'elle a toujours connu : une extension de l'administration. J'aime quand des gens donnent des lecons d'entreprise, surtout quand ils n...

à écrit le 26/11/2014 à 16:50
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Et pendant ce temps là, faute de moyens de la mairie, c'est Moscou qui sauve Notre-Dame de Paris d’un Noël sans sapin. Merci, M. le Prés. Poutine, on va continuer à vous faire du Russia bashing, quand-même.

à écrit le 26/11/2014 à 16:25
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L'économie associative suppose un minimum de subventions... Ça va devenir problématique...

à écrit le 26/11/2014 à 15:03
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Elle se trouve devant un chantier immense , espérons que nos énarques ont déjà commencé à jeter les bases , il semble qu elle n a pas répondu pertinemment aux problèmes de gestion mais des solutions peuvent être trouvé par le biais des CCI et des com...

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