Marché du travail, investissement... que propose le rapport Pisani-Ferry - Enderlein ?

Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie et Sigmar Gabriel, son homologue allemand ont reçu ce mercredi le rapport rédigé par Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein. Paris et Berlin semblent tomber d'accord sur la nécessité de collaborer pour relancer leurs économies. Vraiment ?
Fabien Piliu
Quelles mesures proposées par le rapport Pisani-Ferry - Enderlein seront retenues par Bercy ?

Reçu ce jeudi par Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie et Sigmar Gabriel, son homologue allemand, le rapport rédigé par les économistes Jean Pisani-Ferry, côté français, et Henrik Enderlein, côté allemand, est-il explosif ? Tout dépend de quel côté de la frontière on se trouve. En effet, le gel triennal des salaires et la réforme du SMIC préconisés en France par les deux économistes, selon les fuites parues dans la presse cette semaine, ont ému l'opinion de ce côté-ci du Rhin.

Mais ce rapport ne peut se résumer à ces deux solutions. L'objectif principal de ce travail était de détecter les défis qui se posent aux deux économies - et les moyens d'y répondre ensemble.

Les mesures chocs se seront pas retenues

Pour la France, il s'agissait de répondre à des urgences de court terme en flexibilisant le marché du travail, en relevant la compétitivité-prix des entreprises et ciblant mieux l'investissement public. Le remède de cheval suggéré par le rapport est-il retenu par Bercy ? Non. En effet, la question des négociations triennales des salaires est laissée à la discrétion des partenaires sociaux. Quant à la réforme du SMIC qui, selon le ministre, explique en grande partie la rigidification de la dynamique salariale, elle n'est pas à l'ordre du jour. C'est l'aile gauche du Parti socialiste qui devrait être contente. Une chose est certaine, bien que dénoncées par Emmanuel Macron, les fuites dans la presse ont permis au gouvernement de tester ces idées sur l'opinion....

Faut-il prolonger les mesures pour réduire le coût du travail dans l'Hexagone, notamment via une baisse des prélèvements obligatoires  ? Jean Pisani-Ferry estime que l'essentiel a été fait. Cette fois-ci, c'est le Medef qui ne devrait pas être content....

Que restera-t-il donc de ce rapport ?

En France, les deux économistes plaident pour une transition vers un nouveau modèle de croissance, basé sur un système combinant "plus de flexibilité avec de la sécurité pour les employés et une réforme du système juridique, une base plus large pour la compétitivité et la construction d'un Etat moins lourd et plus efficace".

En Allemagne, ils estime urgent de relever "les défis démographiques, notamment en préparant la société allemande à une immigration supérieure et en augmentant la participation des femmes sur le marché du travail, la transition vers un modèle de croissance plus inclusif, fondée sur l'amélioration de la demande et un meilleur équilibre entre épargne et investissement", indique le rapport.

"Ces réformes ne visent pas à plaire au voisin respectif, mais à créer de meilleures conditions pour l'emploi, la croissance à long terme et le bien-être dans chaque pays ainsi qu'en Europe. (...) Nos derniers mots sont simples : la France et l'Allemagne passent beaucoup de temps à des déclarations communes et des initiatives conjointes. Ce qui nous manque, ce sont les actes", insistent les deux économistes.

L'investissement, la réponse pour relancer l'offre et la demande ?

Pour répondre à ces défis, le rapport insiste sur la nécessité pour les deux pays de travailler conjointement pour trouver des solutions communes, avec l'investissement comme force de frappe. De ce point de vue, le plan de relance détaillé mercredi par Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, qui repose sur la mise en place d'un fonds de 315 milliards d'euros, tombe de ce point de vue à point nommé. S'il se révèle efficace...

"L'investissement s'est imposé comme une réponse faisant l'unanimité. Il est vrai qu'il présente de nombreux avantages, car il contribue à la fois à renforcer l'offre et à stimuler la demande. Depuis 2007, la faiblesse de l'investissement en Europe a amputé significativement la production potentielle et la demande globale. Une reprise de l'investissement renforcerait la compétitivité, la croissance et les créations d'emplois. Même si le sous-investissement est un vrai problème, le résoudre ne se limite pas à un volet financier. Nous ne pensons pas que le principal obstacle à l'investissement soit le manque de mécanismes de financement. Pour investir, les entreprises doivent anticiper un environnement favorable, avoir de bonnes perspectives de demande, une rentabilité suffisante et une prévisibilité réglementaire. Si ces conditions ne sont pas réunies, des financements moins chers et plus sûrs se substitueront simplement à d'autres plus coûteux et plus incertains", explique le rapport des deux économistes qui veulent mettre en place des "packs" de réformes ciblant les domaines prioritaires dans chaque pays.

Jugées indispensables par les deux experts, ces mesures, et notamment celles qui doivent permettre de lever les obstacles à l'activité, permettraient de relancer l'activité et de relancer l'économie de la France, de l'Allemagne mais aussi de de la zone euro.

Reformer les liens entre Paris et Berlin

Au ministère de l'Economie, où l'on assure qu'aucune décision n'est arrêtée et que ce rapport n'est pour l'instant qu'un document de travail pour nourrir les réflexions, on souhaite avec cette étude dépasser les divergences politiques sur les dossiers budgétaires et reformer le couple économique franco-allemand sans lequel une reprise de la croissance de la zone euro est impossible. Berlin serait donc prêt à lâcher du lest sur le respect des engagements communautaires des membres de la zone euro en matière de respect de déficit public et de dette publique ?

L'Allemagne peut-elle jouer le jeu ?

En outre, cette coopération peut-elle être totale ? A Paris, on l'espère vivement, espérant qu'une reprise de l'investissement outre-Rhin profite en partie aux entreprises françaises. Certes, la faiblesse actuelle de croissance allemande oblige Angela Merkel et son gouvernement à assouplir sa politique budgétaire et à entrouvrir, au moins, les vannes de la dépense publique qui permettrait de relancer l'activité en Allemagne, d'abord, et dans la zone euro, éventuellement.

Reste que cette preuve de "solidarité" de la part de l'Allemagne, même si celle-ci est de second rang, serait plutôt inhabituelle - si elle se concrétise. En effet, n'est-ce pas la politique de désinflation compétitive menée par l'Allemagne depuis le début des années 2000 pour améliorer les coûts relatifs de production qui a fait chuter la compétitivité prix de ses partenaires européens, déjà affectée par l'entrée en scène et la montée en puissance des pays émergent dans le commerce international ?

Pour contraindre Berlin de jouer réellement le jeu, il faudrait que s'imposent des institutions communes, des mécanismes de coordination adéquats pour empêcher les comportements opportunistes de certains membres de l'Union européenne. Pour l'instant, ils n'existent pas. Et si c'était la principale explication de la panne de croissance de la zone euro ?

Fabien Piliu
Commentaires 14
à écrit le 28/11/2014 à 19:36
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Les rapports proposent toujours choses intéressantes, ce qui manque ensuite c'est le courage politique pour la mise en oeuvre !!!

à écrit le 28/11/2014 à 8:54
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De toute façon on en a marre des rapports de scribouillards ce que l'on veut ce sont des vrais reformes chocs!!!

à écrit le 28/11/2014 à 5:58
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Tout cela rédigé par des gens grassement payés par le contribuable pour imprimer du blabla. Moi aussi j'ai des idées d'économies....

à écrit le 27/11/2014 à 22:38
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Il est préférable d'aller voir ce que font les vrais pays libéraux septentrionaux comme UK, la Suède ou le Canada...plutôt que de rester embourbés dans de vieilles idées continentales.

le 28/11/2014 à 6:46
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Le problème concerne la comparaison entre le cout du travail et le prix de l'énergie. Cela est abordé dans la note n°6 du conseil d'analyse économique

le 28/11/2014 à 6:51
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Nos économistes ne comprennent rien en ce qui concerne les retraites et conseillent mal les politiques.

le 28/11/2014 à 7:05
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Ils n'y connaissent rien aussi dans le domaine de l'énergie!

à écrit le 27/11/2014 à 19:40
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CE rapport ne change rien mais va dans le bon sens.

à écrit le 27/11/2014 à 18:05
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Je crois que dans un pays où l'on peut être ministre de l’Économie avant d'aller étudier les prémisses de l'économie à l'INSEAD est une preuve que le ridicule ne tue plus. Je crois que la gente politique (droite/gauche) devrait laisser la main à la s...

le 27/11/2014 à 18:39
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"Prémisses de l'économie à l'INSEAD" ? On voit que vous savez de quoi vous parlez ....

à écrit le 27/11/2014 à 17:04
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Réduisons les dépenses, et allégeons les cotisations point barre, ça redémarrera tout seul. 10 sénateurs pour écouter Jean Tirole...tout est dit sur la compréhension de l'économie par nos politiques...

le 27/11/2014 à 22:42
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Non ça ne redémarrera pas tout seul. On va payer des machines ainsi que quelques ingénieurs ou brillants travailleurs manuels mais la majorité des cols blancs restera sur le carreau.

le 28/11/2014 à 6:02
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Jean Tirole l'universitaire et fonctionnaire qui donne des leçons de souplesse aux salariés du privé. Il mérite bien un prix Nobel mais pas dans la section économie...

le 28/11/2014 à 6:41
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D'accord, mais qui financera le déficit des caisses de retraite: l'emprunt, la capitalisation, la TVA sociale, l'impot sur l'énergie, la réduction des retraites. Choisissons!

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