ESS : un « titre associatif » trop bien rémunéré ?

La loi ESS instaure une rentabilité plus élevée pour les titres associatifs. Mais est-ce compatible avec la finalité sociale du monde associatif ?
Mathias Thépot
Le ministère de l'Économie et des Finances s'est montré plein de sollicitude face aux demandes du secteur associatif. Peut-être trop...

La situation financière des associations inquiète. « Le besoin de fonds propres des associations se fait de plus en plus fortement sentir, soit pour leur permettre de faire face à de nouveaux développements de leur activité associative, soit pour garantir des emprunts bancaires, soit pour surmonter des problèmes passagers de trésorerie », explique-t-on au secrétariat d'État à l'Économie sociale et solidaire (ESS). Pour remédier à cela, il a notamment été décidé dans la loi ESS de moderniser le titre associatif, un outil qui permet aux associations de trouver des financements auprès d'investisseurs.

« La loi du 31 juillet 2014 a réformé le régime du titre associatif car il n'avait été que très peu utilisé depuis sa création, en 1985 », constate Hugues Sibille, vice-président du Crédit coopératif.

En effet, la version ancienne du titre associatif n'avait « été mise en oeuvre que pour un petit nombre d'émissions » (quelques dizaines depuis l'origine, essentiellement sous forme d'émission privée), note-t-on à Bercy.

Résultat, « selon une étude du CNRS, les produits financiers représentent seulement 1 % de la structure actuelle du financement des associations », déplorait le gouvernement. « Avec la réforme du titre associatif, des associations qui prévoient d'adopter des trajectoires de croissance dynamiques pourront ainsi bénéficier d'outils de financement adaptés », se réjouit-il désormais.

Concrètement, les contrats de titres associatifs seront à l'avenir plus rentables, le plafond légal sera relevé de 5 % à un peu plus de 7 %. Cependant, « seuls les titres associatifs répondant à des situations particulières [financement de stratégie de croissance des associations émettrices justifiant une rémunération plus élevée des investisseurs] bénéficient de ce relâchement du plafond de rémunération des titres », justifie le cabinet de Carole Delga, la secrétaire d'État à l'ESS. Sachant que les titres associatifs ne sont remboursables qu'à l'issue d'un délai minimal de sept ans, soit un « délai cohérent avec la nature même d'un quasifonds propres », ajoute-t-il. De quoi susciter un nouvel élan chez les investisseurs.

« C'est tout simplement impossible »

Ce texte soulève toutefois les interrogations des acteurs du monde associatif. C'est le cas de Thiery Guillois, membre du bureau du Haut Conseil pour la vie associative, qui s'est montré perplexe lors d'une audition au Parlement :

« Les banquiers estimaient que le risque qu'ils prennent avec les titres associatifs est insuffisamment rémunéré. Le ministère de l'Économie et des Finances les a fort bien entendus et ouvre la possibilité d'une meilleure rémunération (...) Lors de réunions avec des agents du Trésor, nous avons cherché des solutions. Il a finalement été décidé de permettre par la loi un supplément de rémunération pour ces titres, ce qui porte leur rémunération totale à 7 % ! »

Un taux bien trop élevé, à son sens :

« Une association est une entreprise qui doit pouvoir payer ses salaires, se doter d'un minimum de matériel, recruter des personnels compétents, investir... Comment imaginer qu'elle puisse, demain, rémunérer des titres à 6 ou 7 % ? C'est tout simplement impossible ! »

Mathias Thépot
Commentaire 1
à écrit le 27/11/2014 à 15:00
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Visiblement, les associations sans but lucratif peuvent être lucratives pour les financiers qui les plument...

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