Négociation sur le dialogue social : malgré quelques concessions, le projet patronal bouscule le Code du travail

Dans le cadre de la négociation entre patronat et syndicats sur le dialogue et les seuils sociaux dans l’entreprise, les dernières propositions patronales instaurent une représentation des salariés dans les très petits établissements et suppriment dans les plus grandes toutes les instances existantes au profit d'une structure unique: le "Conseil d'entreprise". La négociation devrait se prolonger tard ce vendredi.
Jean-Christophe Chanut
Jusqu'ici, il n'existe aucune obligation d'instaurer une représentation du personnel dans les entreprises de moins de 10 salariés

Simplifier les règles qui régissent le dialogue social en entreprise et, au passage, alléger les conséquences qu'entraînent le franchissement des « seuils sociaux . Voilà quatre mois que, à la demande du gouvernement, les organisations patronales et syndicales ont ouvert une négociation sur ce sujet. Pour l'instant sans aucun succès, alors que le temps presse. Une nouvelle réunion, peut-être l'ultime, a donc débuté le 15 janvier. Elle est censée prendre fin ce vendredi 16 janvier mais rien n'est moins sûr. Le patronat  s'est présenté avec retard en fin de marinée avec d'ultimes propositions destinées à amadouer certains syndicats (CFDT,CFTC, CFE-CGC) susceptibles de signer le texte.

Déjà, hier jeudi 15 janvier, pour tenter de débloquer la situation, le Medef et l'UPA (artisans employeurs) avaient remis de nouvelles propositions aux organisations syndicales en début de séance. A ce stade, l'autre organisation patronale, la CGPME, se démarquait car elle reste très dubitative sur l'idée de permettre une représentation des salariés dans les entreprises de moins de 11 salariés. Tour d'horizon de ce que propose ce vendredi  le nouveau projet d'accord qui viendrait chambouler l'actuelle organisation des institutions représentatives du personnel dans les entreprises.


Entreprises de moins de 11 salariés

Jusqu'ici, il n'existe aucune obligation d'instaurer une représentation du personnel dans les entreprises de moins de 10 salariés (un délégué du personnel peut être élu dans les entreprises franchissant le cap des 10 salariés). Or, ces entreprises emploient environ 4,5 millions de salariés.

Dans le projet d'accord, le Medef et l'UPA proposent aux branches volontaires de négocier par accords un "dispositif de représentation" là où il n'y en pas. De fait, de nombreuses branches ont, parfois depuis des années, négocié des accords sur la représentation du personnel. Résultat, in fine, ce ne sont pas 4,5 millions de salariés qui ne sont pas couverts... mais 1,5 million. En effet, les organisations patronales de l'artisanat, du secteur agricole, des professions libérales, des particuliers employeurs et de l'économie sociale et solidaire ont déjà conclu avec les syndicats des accords sur la représentation.

A noter que cette représentation est assurée à l'extérieure de l'entreprise, via des commissions, et non en interne. A cet égard, il convient de souligner à quel point le patronat de l'artisanat, l'UPA, avait était précurseur en signant un accord dès 2001 avec l'ensemble des organisations syndicales afin d'assurer un dialogue social via des « commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l'artisanat ».

Or, durant plus de 10 longues années le Medef, notamment via la Fédération française du bâtiment, et la CGPME ont mené une véritable guérilla juridique contre cet accord, saisissant toutes les juridictions possibles pour le faire annuler... Sacré retournement de l'histoire, 14 ans après, cet accord précurseur dans l'artisanat sert de modèle.
En effet, pour les branches qui n'auront pas, à l'avenir, signé leurs propres accords, le Medef propose alors d'instituer à compter du 1er juillet 2016, des « commissions régionales paritaires interprofessionnelles », véritable calque des CPRIA de l'artisanat.
Ces commissions régionales, composées de vingt membres, à parité entre représentants des employeurs et des salariés, seraient compétentes pour donner des conseils et des informations en droit social aux salariés et aux employeurs. Mais elles n'auraient aucun pouvoir pour négocier.


Entreprises de plus de 11 salariés

L'idée du Medef, dans ces entreprises, est de fusionner toutes les instances existantes (Comité d'entreprise, délégués syndicaux, délégués du personnel, CHSCT) au sein d'une seule structure dénommée : le « Conseil d'entreprise ». Ce Conseil d'entreprises serait obligatoire dans toutes les entreprises d'au moins 11 salariés. Mais un accord d'entreprise peut prévoir la création de plusieurs instances. Désormais, le projtet d'accord prévoit expressément que "le Conseil d'entreprise reprend à son compte l'intégralité des missions et prérogatives des délégués du personnel, du Comité d'entreprise et du CHSCT" dans les entreprises de plus de 50 salariés. Dans celles de 11 à 49 salariés, il reprend les missions des seuls délégués du personnel, unique instance obligatoire de représentation actuellement

A noter que dans les entreprises d'au moins 300 salariés, le conseil d'entreprise aurait l'obligation de créer en son sein une commission chargée de l'assister pour tout ce qui concerne les questions d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail. Une façon d'amadouer les syndicats qui s'étaient émus dans les précédents projets de la disparition de l'actuel CHSCT. Pour autant, le syndicats continuent d'estimer que ce seuil de 300 salariés est trop élevé et qu'il conviendrait de le baisser. En effet, selon la dernière mouture du texte, dans les entreprises de 50 à 300 salariés cette commission « hygiène » continue d'être seulement optionnelle.

Présidée par l'employeur, l'instance unique aura notamment vocation à négocier les accords d'entreprises. Ses membres sont élus par les salariés, selon les modalités actuellement en vigueur pour l'élection des représentants du personnel.
Les délégués syndicaux peuvent être élus dans ce conseil, à défaut, il y seraient intégrés de toute façon comme « membres titulaires supplémentaires ». Les délégués syndicaux resteraient "les seuls habilités à négocier et conclure les accords d'entreprise". Pour qu'un accord soit valable, les règles actuelles resterait en vigueur : le texte doit être signé par des syndicats ayant recueilli au moins 30% des suffrages exprimés lors des dernières élections du conseil d'entreprise ou 50%, selon la nature de l'accord

En revanche, en l'absence de délégués syndicaux dans l'entreprise, les élus du conseil auront la faculté de signer mais l'accord ne sera valable que s'il est paraphé par au moins la moitié des membres du conseil.  Si aucun conseil n'est créé, faute de candidats, des salariés pourront être mandatés par les syndicats de branche pour conclure des accords qui devront ensuite être approuvé par référendum par la majorité des salariés.
Par ailleurs, le projet d'accord met fin à l'obligation actuelle de la réunion mensuelle obligatoire du Comité d'entreprise.

A l'avenir, le nombre de réunions du Conseil d'entreprise serait fixé par un accord d'entreprise. A défaut, ce conseil se réunira « à l'initiative de l'employeur ou à la demande de la majorité des membres titulaires ». Mais ceci ne peut conduire « à réunir le conseil plus d'une fois tous les deux mois ».  Le Conseil d'entreprise garderait grosso modo les mêmes prérogatives que l'actuel Comité d'entreprise : expertise, examen des comptes, , etc. Il disposerait d'un délai de 1 mois (porté à deux en cas d'intervention d'un expert extérieur) pour rendre son avis.

Remise en cause de la périodicité des négociations obligatoires

Par ailleurs, toujours par accord, la périodicité des négociations obligatoires pourrait être modifiée dans la limite de 3 ans pour les actuelles négociations annuelles (salaires réels, par exemple) et 5 ans pour les négociations triennales (grille des qualifications par exemple).

 Mine de rien, en dehors d'une simplification affichée des « seuils sociaux », le projet d'accord touche également à de nombreux pans du droit du travail, comme, par exemple l'articulation entre les accords de branche et d'entreprise - ce que l'on appelle la « hiérarchie des normes » - ou la protection des représentants du personnel et le droit à l'information sur la marche de l'entreprise. A cet égard, les dernières propositions du Medef tentent de rassurer les syndicats en précisant que des accords d'entreprise pourront prévoir un nombre d'élus et d'heures de délégation supérieur à ce qui sera fixé, in fine, dans l'accord interprofessionnel. Pour l'instant, le socle d'heures de délégation par titulaire va de 120 heures dans les entreprises de 11 à 25 salariés à 216 heures pour les entreprises de 1.000 salariés et plus.

Le diable se cachant dans les détails, les syndicats sont actuellement en train d'examiner minutieusement les dernières avancées patronales. Les discussions risquent donc de durer encore tard ce vendredi.

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 21
à écrit le 17/01/2015 à 22:11
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ces "représentants" syndicaux ne sont que les drones des partis de gauche, il faut supprimer ces emplois fictifs qui coutent à l'entreprise et pour la détruire, rien à voir avec les syndicats des pays nordiques et pas étonnant qu'ils aient 80% d'adhé...

à écrit le 17/01/2015 à 22:09
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ils nous coutent 5 milliards de financement public et privé, et uniquement pour 5% de représentativité !! ils ne font que de la politique, il faut supprimer ces financements, ce qui les obligera à faire du bn travail pour avoir des adhérents cotisan...

le 18/01/2015 à 11:40
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je viens d'entendre que le budget de l'ONU c'est 5 milliards, c'est du même niveau que celui de nos syndicats politiciens !!! et payés par les entreprises !!! ensuite on s'étonne qu'elles sont plombées de charges de toute nature, qu'elles ne sont pas...

à écrit le 17/01/2015 à 11:50
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Aucune créativité! On reprend les bons vieux comités révolutionnaires staliniens qui géraient les villages en Union Soviétique ou chez les révolutionnaires asiatiques. Moins de monde pour gérer plus de personnes et diffuser la bonne parole.

à écrit le 16/01/2015 à 18:34
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Les patrons n'ont pas toujours tort : la multiplicité des instances au sein des entreprises ne servent qu' à assurer des heures de délégation à ceux qui en font partie, compliquent les discussions entre syndicats et patronat et coûtent cher aux entre...

à écrit le 16/01/2015 à 11:31
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C'est trop facile comme remarque ... Crée donc votre entreprise et vous allez comprendre a quel point l'emploi est un coût avant d'être un investissement ...

le 16/01/2015 à 11:54
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Je comprends bien votre point de vue. Créer une entreprise n'est pas la chose la plus facile. Mais si vous partez avec ce raisonnement, vous courrez à l'échec. Si vous avez des salariés, c'est que vous avez besoin d'eux. Si vous voulez avoir les m...

le 16/01/2015 à 15:43
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C'est trop facile comme remarque...Soyez embauché dans une grosse boite et vous allez comprendre que vous êtes à la merci d'une direction invisible mais omnipotente.

à écrit le 16/01/2015 à 8:30
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Le lobby de la "fumette" prend le pouvoir au Medef.

à écrit le 16/01/2015 à 8:19
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La solution tous fonctionnaires...

à écrit le 15/01/2015 à 21:38
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N'oubliez pas une chose : celui qui crée une entreprise, il ne le fait pas pour s'en faire déposséder par ceux à qui il aura offert un emploi !! A trop tirer sur la corde, les entrepreneurs ne créeront plus d'emploi... la délocalisation, l'intérim, ...

le 16/01/2015 à 8:16
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Il y a une chose qu'on ne peut pas délocaliser, c'est la vente... Et dans le sillage de la vente, il faut des services : infrastructures, informatique, logistique, comptabilité, formation, conseil, etc. Donc les délocalisations changent la nature de ...

le 16/01/2015 à 8:22
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"Offert un emploi"... Ben voyons ! Le patron est donc un père noël :) Si un patron ne recrute pas, il ne fait pas d'argent. S'il ne recrute pas, il n'a pas de clients. Quand les patrons suivront des cours d'économie, ils comprendront comment gérer le...

le 16/01/2015 à 8:58
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HUMOUR//PAS SI DINGO QUE CELA?C EST EXAT???

le 16/01/2015 à 10:05
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Réponse à Dingo, tout cela ils l'ont compris à l'étranger !!!

le 16/01/2015 à 11:24
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Tu portes bien ton nom! C'est vrai que l'instabilité d'un salarié, son absentéisme, son je m'en foutisme, son égoïsme, sa feneantise, sont des investissements... Comme les prud'hommes, les charges et taxes qui augmentent sans cesse et la réglementati...

le 16/01/2015 à 11:58
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Je ne crois pas que Dingo soit si dingue que cela. Un salarié ce n'est pas forcément de l'absentéisme, du je m'en foutisme, de l'égoisme ou de la fénéantise. Cela existe mais beaucoup sont travailleurs et s'investissent dans leur boulot. Ne pas le ...

le 16/01/2015 à 15:37
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@@dingo 11:24 : ca vous arrange bien d'oublier les patrons voyous, ceux qui partent avec la caisse, qui embauchent des stagières gratuitement en lieu et place de vrais salariés, qui payent les salaires en retard, etc...En gros dans votre petite bulle...

le 16/01/2015 à 15:41
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stagiaires (hum...)

le 16/01/2015 à 21:48
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@ Gerard71 +1

le 17/01/2015 à 8:34
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C'est à dire qu'on n'a pas encore suffisamment progressé dans les technologies de l'information ou le big data pour qu'un "patron" puisse complètement se passer de main d'oeuvre...mais ça viendra sans doute assez vite...

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