Emprunts toxiques : l’État français doit-il la jouer à l’américaine ?

L’appréciation du franc suisse laisse augurer de lourdes pertes pour l’État ou les collectivités locales. La seule issue qui épargnerait les contribuables serait de sanctionner les banques qui ont créé et sont contreparties de ces produits toxiques sur les marchés financiers. Comme les États-Unis, il serait peut-être temps pour la France de faire jouer une justice transactionnelle.
Mathias Thépot
L'Etat français aura-t-il les moyens de négocier avec les banques d'investissement internationales pour solder l'affaire des emprunts toxiques?

L'appréciation du franc suisse par rapport à l'euro jeudi dernier fait peser de gros risques financiers sur plus de 900 collectivités locales françaises. A 1 franc suisse l'euro, les taux d'intérêt de leurs emprunts qui sont indexés sur la parité euro-franc suisse peuvent côtoyer les 30%... Pour les sortir de la torpeur, le coût global estimé avant l'appréciation du franc suisse était de 6 milliards d'euros. Il s'est désormais renchéri de plusieurs milliards. Si les collectivités devaient assumer seules ce coût, certaines pourraient tomber en faillite. Et si leur banque assume les pertes... ce sera l'État puisque cette banque, la Sfil qui a remplacée Dexia, est désormais publique.

Toute condamnation en justice de la Sfil dans les conflits qui l'opposent aux collectivités  reviendrait donc à faire payer l'État. Bref, représentants des contribuables nationaux et locaux s'entretuent désormais pour savoir qui paiera à la fin.
Dans cette affaire, les autres banques s'en sortent pour l'instant à très bon compte.Les pouvoirs publics leur ont juste imposé de contribuer - par le biais de la taxe sur le risque systémique - à un fonds d'aide aux collectivités insuffisamment doté, et que l'appréciation du franc suisse a de toute façon rendu obsolète.

La Sfil est seule dans cette affaire...

En parallèle, elles ne risquent plus grand chose en justice puisque les deux autres banques françaises actives sur le marché des prêts aux collectivités, les Caisses d'Épargne et Crédit Agricole, ont soldé leurs contentieux en trouvant des accords avec les élus, sentant peut-être le mauvais coup venir. Il ne reste guère que quelques banques étrangères, une entité résiduelle de Dexia et la Sfil qui possèdent dans leur bilan des emprunts vendus aux collectivités françaises indexés sur la parité euro-franc suisse. La Sfil se retrouve en fait bien seule dans cette affaire.

La tournure négative que prennent les événements pose une question: y-a-t-il une solution pour éviter aux contribuables de payer une nouvelle fois la note des errements de Dexia ? Oui, mais cela dépendra de la volonté politique de l'État français qui devra se montrer ferme.
Car il y a une autre catégorie d'acteurs qui est impliquée dans cette affaire et qui en tire d'importants bénéfices financiers : les banques d'investissement qui sont contreparties des emprunts toxiques sur les marchés financiers. Selon nos informations, elles sont françaises (BNP Paribas, Société générale CIB...) et étrangères (UBS, Goldman Sachs, JP Morgan, Deutsche Bank...)

A Milan, les banques d'investissement ont payé

Est-il envisageable de leur faire payer au moins une partie la note dans cette affaire ? En tout cas à l'étranger, cela a déjà été le cas : des collectivités locales italiennes qui ont souscrit des emprunts toxiques directement sur les marchés financiers ont en effet obtenu gain de cause. La ville de Milan a par exemple gagné un procès face à quatre banques d'investissement : Depfa Bank, Deutsche Bank, JP Morgan et UBS car elles avaient omis de communiquer des informations concernant les marges réelles dégagées sur les produits financiers adjacents des prêts au moment de leur signature. Autrement dit, ces collectivités ont gagné en arguant le fait qu'elles ont acheté des produits financiers dont on leur a caché le prix.

Certes, en France, la donne est différente car les collectivités n'ont pas emprunté directement sur les marchés financiers mais auprès d'une banque (Dexia, Caisse d'épargne, Crédit Agricole...) Mais comme certaines pour les collectivités italiennes, les contreparties sur les marchés financiers ont aussi caché leur marge et les modalités de calcul des indemnités de remboursements de leurs emprunts structurés.

Comment alors remonter la chaine des responsabilités jusqu'aux banques d'investissement ? Il faudrait en fait que la Sfil, donc l'État, qui a hérité des prêts de Dexia menace d'attaquer en justice ces banques d'investissement pour avoir caché leurs marges... à Dexia.
Elles pourront s'appuyer pour ce faire sur un rapport secret de l'Autorité de contrôle prudentiel de 2010 qui indiquait que Dexia ne savait pas combien valaient les produits financiers qu'elle achetait aux banques d'investissement et qu'elle vendait par manque de moyens et d'outils ! Ce qui expliquerait par ailleurs en grande partie sa faillite.

suivre l'exemple des États-Unis

Selon les inspecteurs de l'ACP, à l'époque, "le stock de produits dérivés sans modèle de valorisation (était) très important" dans le bilan de Dexia, et d'autres produits étaient "valorisés avec des méthodes non satisfaisantes ou tout le moins non validées en interne". La Sfil pourrait donc mettre en avant les lacunes de Dexia et le fait que les banques d'investissement en ont profité pour faire condamner celles-ci.

Pour l'instant, ces banques d'investissement ne sont pas inquiétées. Mais au regard de l'urgence de la situation et du risque budgétaire pour la France, il serait peut-être temps que l'État français impose sa loi aux banques, comme les États-Unis ont pu le faire en instaurant le principe de justice transactionnelle. Washington a en effet usé à plusieurs reprises de tout son pouvoir pour solder les conflits juridiques contre des amendes de plusieurs milliards de dollars payées par les grandes banques américaines. Mais l'État français aura-t-il les arguments et la volonté pour agir de la sorte ?

Mathias Thépot
Commentaires 28
à écrit le 05/02/2015 à 16:37
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"La SFIL est seule dans cette affaire.. " dites-vous ? Avez-vous vérifié si seulement elle s'y trouve ? faites le donc et dites nous comment les collectivités ayant contracté avec Dexia Crédit Local (DCL) passeraient des "transactions" avec la SFIL...

à écrit le 03/02/2015 à 16:19
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L'APCR en tant que régulateur a là une bonne occasion de se rendre utile et l’Etat pourrait mieux cerner les vrais responsables de la situation, et comme l’ont fait les autorités américaines avec certaines de leurs grandes banques, les amener à prend...

à écrit le 01/02/2015 à 22:58
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a partir du moment ou il s'agit d'une escroquerie, il n'y a rien à rembourser !

à écrit le 22/01/2015 à 15:04
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Le risque de contrepartie existe. Les banques d'investissement internationales le savent bien. Elles ont cessé de se faire confiance entre elles en 2008. Ici l'état français garantit toutes ces opérations : la Sfil et les collectivités locales. La se...

à écrit le 22/01/2015 à 13:22
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Les collectivités et particuliers perment des prets suisse pourquoi ? pour leur taux intérressant. Ils ont fait un choix maintenant il ne faut pas pleurer qu'ils ont fait le mauvais. On ne peut pas gagner a tous les coups.

à écrit le 22/01/2015 à 12:28
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L'Elysée va s'attaquer à des banques américaines ultrapuissantes et les faire payer. À la limite les banques françaises. Qui en retour, licencieront ou retarderont certains investissements. Tout le monde peut perdre sauf les banques. Elles sont ins...

à écrit le 22/01/2015 à 11:27
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a quand les responsables, élus et banques iront ils en prison??? Nous avons des élus non qualifiés pour ces postes ( d'ailleurs ils ne maitrisent pas grand chose en fin de compte ) et les banquiers gangsters privés ou celles de l'état. Pourquoi le co...

à écrit le 22/01/2015 à 11:08
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Je cite " la banque qui a tout raté sauf les stress tests." Maintenant, on peut continuer dans le blabla. Les contribuables paieront et point barre. C'est déjà acquis.

à écrit le 22/01/2015 à 10:13
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peut-être que les banques n'ont pas été irréprochables, mais ce n'est pas entièrement de leur faute si les Français sont nuls en économie et et en finance. En ce qui me concerne je n'aurait jamais pris de tel risque de change et de taux, les élus ont...

le 22/01/2015 à 11:09
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Les élus avaient trouvé le moyen d'obtenir de l'argent pas cher au début pour financer des promesses pour être réélus. Le reste, ils s'en fichent.

à écrit le 22/01/2015 à 10:00
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Confier le financement de l'Etat et des collectivités publiques à des établissement bancaires privés, c'est ouvrir la porte au pillage, aux magouilles et faire payer ensuite les contribuables, selon le principe de la privatisation des bénéfices et de...

le 22/01/2015 à 11:10
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Surtout pas. Limitons plutôt le pouvoir de nuisance des élus

le 01/02/2015 à 23:05
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ce système est né en 1974 sous un président ancien haut dirigeant de banque privée et a été rédigé par un résident de Chamalière......

à écrit le 22/01/2015 à 8:57
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C'est pour quand le procès des responsable de Dexia et des politiques qui les ont laissé faire

le 22/01/2015 à 9:39
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Le procès des politiques ? Pourquoi pas le procès des électeurs qui les ont portés au pouvoir ?...

à écrit le 22/01/2015 à 8:52
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Les elus qui ont emprunté en chf méritent de payer de leur poche et d'aller en prison. Ce qu'ils ont fait est irresponsable!

le 22/01/2015 à 9:56
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Tout personne un peu sensé ne signe une offre de prêt dont le taux est indexé sur la parité euro/CHF car depuis des dizaines d'années le CHF ne fait que se valoriser ! Pour moi, les élus sont responsables et incompétents.

le 22/01/2015 à 11:44
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réponse à LCOUF. les élus ont suivit les conseils de la banque pour emprunter au meilleur taux et dans l'interêt de leurs communes, si quelqu'un doit payer c'est la banque ! bon courage aux endettés (trompés) seuls les usa arrivent à taxer les banqu...

le 22/01/2015 à 15:39
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Entièrement d'accord, on ne signe pas ce que l'on ne comprend pas.

à écrit le 22/01/2015 à 8:17
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Comme d'habitude, les élus qui ont signé ces emprunts sans même lire les conditions, sans même réfléchir, refusent de prendre leur responsabilité et accusent les autres. Et l'état, a laissé se créer ces emprunts sans faire la moindre mise garde! Irre...

le 22/01/2015 à 13:17
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auraient -ils signé ce même genre d'emprunt pour l'achat de leur maison ? Je n'ose imaginer le budget "frais de réception et cadeaux de fin d'année" de Dexia, ça devait être quelque chose.

à écrit le 22/01/2015 à 7:57
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Si les collectivités sont aussi incapables de juger des conséquences de leur emprunt, il faut les mettre sous tutelle. Sinon, c'est qu'elles ont bien profité des "formules" qui leur ont été proposées, en toute connaissance de cause, et qu'elles sont...

le 22/01/2015 à 8:06
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Je suis entièrement d'accord avec ce commentaire. Les collectivités publiques ont fait jouer la concurrence et ont souscrit des crédits avec des contrats où tout est précisé. Faut il encore savoir le lire et le comprendre. Il ne faut pas que les banq...

le 22/01/2015 à 13:53
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Non mais elles ont un role de conseil auprès de leurs clients....

à écrit le 22/01/2015 à 7:22
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C est bien le mal Français pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. Pourquoi les communes ayant contractées ces prêt ne les rachètent pas compte tenu des taux bas actuels.

le 22/01/2015 à 8:34
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Vous parlez de mal français alors que l'article passe tout son temps à dire que le problème a eu lieu dans tous les pays. Dans le monde de l'autoflagellation le franchouillard reste roi...

le 22/01/2015 à 12:33
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@Hoi Dommage : votre flagellation finit en autoflagellation...

le 22/01/2015 à 13:41
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Certainement pas franchouillard mon cher plutot partisan de la révolution culturelle façon chinoise des années 70...

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