Pour désengorger les prud'hommes, la loi Macron introduit le règlement "à l'amiable"

La Loi Macron cherche à alléger la procédure prud'homale. Le règlement des conflits, à l'amiable, via la médiation et l'arbitrage, va être facilité. Par ailleurs, le juges prud'homaux disposeront d'un "référentiel" pour fixer le montant des indemnités.
Jean-Christophe Chanut
La loi Macron veut mettre fin au grand embouteillage d'affaires qui freine la justice prud'homale

Dans la loi Macron, destinée à faciliter la croissance et l'activité, il y a des articles "vedettes": ceux relatifs aux professions réglementée, ou encore, ceux modifiant les règles du travail dominical ou en soirée... Puis, il y a d'autres dispositions, moins commentées, mais pourtant tout autant susceptibles d'avoir un impact sur la vie quotidienne. Il en va notamment ainsi des articles relégués à la fin de cet interminable texte et qui concernent la procédure prud'homale et les licenciements économiques. Des sujets qui commencent à être examinés par les députés.
Concernant la justice prud'homale, tout l'objectif du ministre de l'Économie est de parvenir à l'alléger et à la simplifier. De fait, tous les rapports le démontrent -Cour de cassation, Direction du Trésor-, la justice prud'homale est trop lente.

Pis, en treize ans, devant l'embouteillage, la durée moyenne des litiges a progressé de 6 mois. Il faut 15 mois en moyenne pour attendre un jugement, puis encore 14 mois pour espérer la décision éventuelle du juge départiteur quand celui-ci a dû être saisi. Et, pour peu qu'il y ait appel -ce qui est le cas de 62,1% des décisions prud'homales-, il faudra encore patienter 16 mois. Au total donc, une affaire peut durer près de quatre ans.
La loi "Macron" se donne donc comme objectif de fluidifier la procédure.

Les règlements à l'amiable hors prud'hommes sont encouragés

Aussi, grande nouveauté destinée à désengorger les prudhommes: les recours aux voies de règlement à l'amiable des litiges seront fortement facilités en droit du travail.

Concrètement, si elles en sont d'accord, les parties pourront convenir d'une procédure autre que les prud'hommes pour solder les différends. Avec cette novation, la porte s'ouvre donc, en droit du travail, à la procédure dit de l'arbitrage, un dispositif plutôt connu en droit des affaires.

Dans ce modèle de résolution des conflits, les deux parties s'accordent via une convention, appelée clause compromissoire, sur une voie exceptionnelle de résolution des conflits et choisissent un juge chargé de rendre une décision de justice. L'arbitrage aboutit à une décision obligatoire appelée sentence arbitrale.

Mais jusqu'ici, en droit du travail, ce système était un peu compliqué à mettre en œuvre car un salarié gardait toujours le droit de saisir le conseil des prud'hommes.

Le projet de la loi Macron consiste donc à modifier ce point. La sentence arbitrale, ou tout autre mode de règlement des conflits à "l'amiable", mettrait fin, à l'avenir, au différend.

Autrement dit, aucune des deux parties n'auraient alors plus le droit de saisir les prud'hommes. Ce serait la première fois que la justice du travail pourrait être ainsi contournée.

Des expériences sont cependant déjà menées. Ainsi, à l'initiative de Maître Hubert Flichy, président de l'association Avosial, qui regroupe les avocats en droit social qui défendent les entreprises, un Centre d'arbitrage du travail a été inauguré le 21 octobre 2014 à Paris.

Mais la loi Macron comprend d'autres nouveautés. Ainsi, pour améliorer la qualité de la procédure, la loi prévoit de renforcer la formation des juges paritaires -ils représentent les salariés et les employeurs-, non professionnels et bénévoles. S'il n'est pas question de confier la justice prud'homale à des magistrats de profession, en revanche, les juges actuels devront davantage obéir à certaines règles déontologiques et ils bénéficieront d'une formation initiale à leur fonction.

Par ailleurs, le statut de "défenseur syndical" sera affirmé. Il s'agit d'une personne qui n'est pas un professionnel du droit (ni avocat ni conseil) mais qui est en droit d'assister un justiciable (employeur ou salarié) et qui l'accompagne durant toute la procédure. Il lui revient souvent de plaider. Désormais, il pourra également suivre le "plaignant" en appel si nécessaire.

Le bureau de conciliation pourra orienter les affaires directement vers un juge départiteur

Mais le plus important concerne le déroulement de la procédure. Le bureau de conciliation (obligatoirement saisi, mais qui ne concilie actuellement que 6% des affaires) va désormais être également un bureau "d'orientation".

C'est à lui de préparer les dossiers, ce que l'on appelle la "mise en état". Mais il va aussi bénéficier d'un nouveau pouvoir d'orientation des affaires.

Pour gagner du temps, il pourra en effet, selon la nature du litige, décider d'affecter des dossiers directement à un "bureau de jugement restreint". C'est-à-dire une formation où ne siègent que deux juges prud'homaux (un salarié et un employeur), au lieu de quatre dans le bureau de jugement classique.

Ceci est censé considérablement accélérer la procédure. Selon le ministère de l'Économie, une affaire qui arriverait devant une formation de jugement "restreinte" devait être soldée en trois mois. Car il s'agit de dossiers relativement simples.

A l'inverse, le bureau de conciliation aura également la possibilité d'envoyer les affaires les plus délicates directement devant un juge départiteur, un magistrat professionnel siégeant normalement dans un tribunal d'instance ou -nouveauté de la loi "Macron"- dans un tribunal de grande instance. La "case" bureau de jugement, sera donc sautée.

Les juges disposeront d'un "référentiel" pour fixer le montant des indemnités

Autre grande nouveauté qui répond, en partie, à une demande patronale ancienne: les juges prud'homaux du bureau de jugement pourront, s'ils le souhaitent, utiliser un  "référentiel"  pour fixer le montant des indemnités à accorder.

Ce "référentiel", qui n'est pas encore élaboré, sera établi en fonction de la jurisprudence existante. Le montant de l'indemnité sera égal à la moyenne accordée dans les affaires du même type mais aussi en fonction de l'âge du salarié et de son degré de proximité par rapport à son retour dans un nouvel emploi.

Autrement dit, plus un salarié aura peu de chance de retrouver un nouveau poste, plus importante sera son indemnité... Étrange dans le cadre de la réparation d'un préjudice.

A noter que, si ce sont les parties qui se mettent d'accord sur l'utilisation de ce "référentiel", les juges ne pourront pas le refuser.

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 14
à écrit le 07/11/2016 à 7:50
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personne ne respecte la lois et le code du travail, même pas le ministre.Alors à quoi servent les prudhommes? un salarié qui a un problème avec une entreprise ne peut pas se défendre contre un patron qui, de toute façon aura sans doute gains de cause...

à écrit le 18/02/2016 à 11:15
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IL FAUT REFORME LES PRUDHOMES AFIN QU ILS SOIT PLUS RAPIDE? RESTE TROIS AQUATRE ANS ATENDRE UNE INDEMITE ALORS QUE VOUS AVAIS RAISON AUX PRUDHOMES C EST SCANDALEUX?? LES PATRONS ONT LES MOYEN DE FAIRE APPEL SET DE FAIRE TRAINE LA JUSTICE? DEUXIEME...

à écrit le 21/05/2015 à 12:26
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Ne serait il pas plus simple de demander aux conseillers prud'homme plus de professionnalisme en les sélectionnant par rapport à leur connaissance en droit du travail ,à leur nombres d'années d'expérience en entreprise ,etc .....?

à écrit le 21/05/2015 à 12:26
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Ne serait il pas plus simple de demander aux conseillers prud'homme plus de professionnalisme en les sélectionnant par rapport à leur connaissance en droit du travail ,à leur nombres d'années d'expérience en entreprise ,etc .....?

à écrit le 21/05/2015 à 12:26
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Ne serait il pas plus simple de demander aux conseillers prud'homme plus de professionnalisme en les sélectionnant par rapport à leur connaissance en droit du travail ,à leur nombres d'années d'expérience en entreprise ,etc .....?

à écrit le 18/02/2015 à 14:29
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je suis assez d acccord avec Francois, cette loi n arrangera en rien la lenteur de la procedure. Quid du delai, quand on sait qu un juge departiteur professionnel ne peut prendre que 3 dossiers /mois !!! et que parfois il n y a qu un seul juge par TI...

à écrit le 15/02/2015 à 16:06
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honteux, ce projet prud'homal! sur de fausses vérités, sur ses attaques, sur ses remèdes! délais trop longs? Qu'en est il des délais de rendus de jugements des juges pros départiteurs: bien plus longs! autres juridictions: les scandales financiers d...

à écrit le 15/02/2015 à 6:13
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Eh bien voila. Un article bien fait relatant des efforts réels pour améliorer certaines choses qui ne marchent pas bien dans ce pays. Un projet certes pas parfait et qui ne traitera pas tous les problèmes et en face 100% de commentaires négatifs. C'e...

à écrit le 15/02/2015 à 1:38
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Le Référentiel : formidable épouvantail de plus à l'embauche, à l'encontre de "séniors" au chomage, puis à la misère de 45 à 67 ans, et à l'encontre des personnes perdant leur emploi, et sans formation. Ces Prudhommes sont un épouvantail à l'embauche...

à écrit le 14/02/2015 à 13:04
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La seule solution pour se débarrasser de ce gouvernement Valls d'incapables notoires, inexpérimentés, voir immatures comme Macron, et les autres c'est une motion de censure votée pour renverser le gouvernement Valls.

à écrit le 14/02/2015 à 10:32
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L' idee du bareme pourrait etre interessante. Pour le reste, on est encore dans des details qui ne reglent pas le fond des dysfonctionnements des cph.....

à écrit le 14/02/2015 à 10:07
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Les objectifs officiels affichés par Monsieur Macron sont de réduire les délais et de réduire le taux d'appel. Au vu du contenu du projet de loi, on peut légitimement se demander si l'objectif n'est pas en réalité d' affaiblir significativement la j...

à écrit le 14/02/2015 à 9:55
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Macron joue le jeu des patrons faut, tous les cph n'ont pas cette durée de jugement;si ça traine, c'est la faute des avocats qui ne sont jamais près . Maintenant on procède à la radiation . prendre les cph parisien pour exemple est scandaleux . M...

le 14/02/2015 à 11:41
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François et Juge ont bien résumé la situation. Évaluer et juger les conseils de Prud'hommes nécessite de connaitre la réalité du fonctionnement de tous les jours, l'engagement et le professionnalisme de ces bénévoles face aux critiques. La réalit...

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