Coup de vert sur l'agriculture

L'édition 2015 du Salon international de l'agriculture, qui ouvre aujourd'hui samedi 21 février à Paris, met en avant de nombreuses innovations visant à limiter l'influence du secteur sur le climat.
L'équipe de la start-up AirInov, dont les agridrones calculent à partir de photos les besoins en engrais du blé et du colza, pour chaque mètre carré de terrain.

À quelques mois de la Cop21, la grande conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre, le Salon international de l'agriculture qui ouvre ce samedi 21 février Porte de Versailles, à Paris, est placé sous le signe du climat, avec lequel le secteur entretient des liens étroits et complexes.

Labours, déforestation, engrais issus de produits pétroliers, digestion des ruminants... l'agriculture et l'élevage représentent le quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et il en va de même en France. Mais c'est aussi le secteur le plus affecté par la multiplication et l'amplification des phénomènes extrêmes : sécheresses, inondations, nouvelles maladies, variabilité accrue et baisse globale des rendements...

Aussi, même s'il s'efforce de réduire son incidence par des mesures d'atténuation, le secteur de l'agriculture et de l'élevage doit s'adapter à ces évolutions. D'autant plus que l'agriculture fait face à un défi majeur : nourrir une planète qui comptera plus de 9 milliards d'habitants en 2050, ce qui implique une hausse de 70% de la production agricole, sur une surface globalement réduite.

« Nous sommes au pied du mur, avec un pas de temps d'environ trente ans», martèle Michel Eddi, président du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

C'est dans ce contexte qu'a vu le jour l'alliance Climate Smart Agriculture, en 2009, à l'initiative de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Avec trois objectifs concomitants : répondre aux défis de l'atténuation et de l'adaptation au changement climatique tout en préservant la sécurité alimentaire. La France a rallié cette initiative soupçonnée par certains d'être à la solde des géants américains ou brésiliens de l'agriculture industrielle et du négoce agricole. Michel Eddi reconnaît la difficulté de parvenir à une vision partagée, au regard des disparités entre les 45 pays membres.

« Mais face à l'enjeu, nous n'avons d'autre choix que de parier sur son succès.»

Les sols, un des principaux stocks de gaz à effet de serre

Comme l'a rappelé Stéphane Le Foll en amont du forum «Agriculture et changement climatique» organisé en marge du Salon, le «secteur des sols», qui constitue l'un des principaux stocks de gaz à effet de serre, détient aussi une part de la solution face au changement climatique. Selon une étude de la coopérative InVivo, « le stock de CO2 entretenu par les agriculteurs dans leur sol, est 100 fois supérieur aux émissions annuelles liées aux pratiques culturales» et l'adoption de nouvelles pratiques lui permettrait d'améliorer encore cette capacité de stockage.

Selon un rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), le secteur français pourrait aussi diviser ses émissions par deux en limitant le changement d'utilisation des sols, en luttant contre le gaspillage alimentaire, en favorisant l'agroécologie et en adoptant une gestion dynamique de la sylviculture.

Parallèlement à ce retour à des pratiques plus naturelles, les pistes pour améliorer l'effet global de l'agriculture sur le climat reposent de plus en plus sur des technologies innovantes. Plusieurs projets sélectionnés pour le «challenge Climat» organisé par le Cirad et l'Agence française de développement (AFD) améliorent leurs pratiques traditionnelles de pays en développement grâce à des techniques plus récentes : l'énergie solaire pour transformer le riz en Papouasie-Nouvelle Guinée, le biogaz domestique pour restaurer des forêts dégradées au Cameroun...

Méthanisation, gestion de la biomasse et amélioration de l'efficacité énergétique

La production d'énergie renouvelable à partir des déchets agricoles par méthanisation permet au secteur de contribuer positivement à la lutte contre le changement climatique.

Alors que Ségolène Royal vient d'annoncer la prochaine réunion du comité national sur la biomasse pour en favoriser le développement, Veolia et la FNSEA ont signé un protocole d'accord englobant méthanisation, gestion de la biomasse et amélioration de l'efficacité énergétique des processus agricoles, mais aussi gestion des usages de l'eau en agriculture par stockage, utilisation de ressources alternatives, optimisation de techniques d'irrigation, préservation de captages d'eau potable...

À côté de ces solutions venues d'acteurs traditionnels, des applications déclinées du numérique, de la robotique et de l'imagerie font leur apparition.

« La technologie rend possible les transformations dont l'agriculture a besoin pour relever les nombreux défis auxquels elle fait face»,

affirment ainsi Éric Mestre et Jérémie Veron, associés et managers au sein d'Accenture, évoquant un contexte réglementaire de plus en plus strict, une pression des consommateurs pour des pratiques plus respectueuses du milieu naturel, la volatilité des cours des matières premières, des normes de qualité et de nouvelles exigences de traçabilité des produits.

En Inde, le recours au numérique pour favoriser les échanges entre agriculteurs, entreprises et producteurs d'intrants a permis d'améliorer à la fois la productivité, la vente des produits et le rendement par une utilisation mieux ciblée - en quantité, qualité et chronologie des engrais et pesticides.

Panneaux solaires, micro-robots et systèmes d'information géographique

En France, l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea) collabore avec l'Institut national de recherche agronomique (Inra) et le producteur d'électricité photovoltaïque Sun'R pour positionner des panneaux solaires sur des ombrières afin de produire une énergie renouvelable tout en protégeant les cultures du soleil et en limitant la consommation d'eau ; il utilise des systèmes d'information géographique pour élaborer avec la PME Akajoule les scénarios de méthanisation les plus adaptés aux besoins d'un territoire ; il a fabriqué, avec l'Institut français de la vigne, une vigne artificielle conçue pour optimiser les performances des pulvérisateurs et réduire les pertes de produits phytosanitaires dans le milieu naturel.

Toujours dans la viticulture, le Vinerobot mis au point par un consortium européen de recherche parcourt les vignes pour les surveiller (rendement, croissance, niveau d'eau, composition des grains de raisins) tandis que le microrobot tondeur de la startup girondine Vitirover, qui fonctionne à l'énergie solaire, permet au viticulteur d'optimiser lui-même ses parcelles grâce à son application sur smartphone.

Des drones agricoles aux lunettes intelligentes

L'exploitation des images satellitaires et le recours aux drones, qui permettent de surveiller d'immenses parcelles à la vitesse de 3 hectares par minute, favorisent cette agriculture de précision. Plusieurs entreprises françaises sont positionnées sur ce créneau : Azur Drones qui mixe des méthodes visuelles et thermiques, ou encore la start-up AirInov (1,4 million d'euros de chiffre d'affaires en 2014 et 25 salariés) qui grâce à son capteur adapté et à ses modèles agronomiques intégrés, calcule à partir de ses photos les besoins en engrais du blé et du colza, pour chaque mètre carré.

« Si la quantité d'engrais correspond à son besoin, elle est intégralement consommée par la plante et ne pollue pas le milieu naturel», affirme son jeune président Florent Mainfroy, qui annonce travailler actuellement sur une solution de détection des mauvaises herbes.

« Il n'existe pas encore de technologie de bout en bout allant jusqu'au traitement des données collectées par les drones et à l'élaboration d'outils d'aide à la décision, soulignent Éric Mestre et Jérémie Véron d'Accenture. Mais les économies potentielles sont gigantesques, pour les intrants, mais aussi pour détecter des épizooties dans l'élevage ou anticiper des variations de production et limiter leurs répercussions financières.»

Plus innovants encore, des prototypes de lunettes intelligentes. Celles développées par la coopérative en ingénierie informatique pour l'agriculture Arsoe sont destinées à compter les pucerons et les parasites, celles mises au point par AgroTic à aider les éleveurs d'ovins à identifier, sélectionner et effectuer le suivi sanitaire des moutons...

De quoi accorder un certain crédit au président de l'Irstea Jean-Marc Bournigal lorsqu'il affirme que « l'agriculture sera bientôt un monde plus connecté encore que les villes».

Commentaires 8
à écrit le 23/02/2015 à 11:51
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Il était temps de se pencher sur la réorganisation de la filière agricole qui pour le moment mondialement prouve chaque jour sa faillite : - OGM potentiellement cancérigène, adaptation des insectes et champignons aux cultures susdites qui ruinent le...

à écrit le 22/02/2015 à 18:10
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Vous avez oublié Naïo Technologies ....

à écrit le 22/02/2015 à 15:54
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MOI fils d agriculteur BIO ..j aurai aime poursuivre l exploitation MAIS chasse par ces colons pollueur subventionnes . aventages .. a outrance j ai du rejoindre les chômeurs .... a ce jour qu'ils crèvent

à écrit le 21/02/2015 à 19:09
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Rappel de quelques "bienfaits" de la PAC : - Mise en concurrence déloyale des agriculteurs français avec le reste du monde, - Autorisation des OGM contre la volonté des consommateurs, - Obligation à un productivisme insensé contredisant la notion ...

à écrit le 21/02/2015 à 18:06
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Une bonne solution pour les agriculteurs serait de prévoir une TVA sociale sur les produits agricoles, mais comme tout le monde serait contre, alors n'en parlons plus.

à écrit le 21/02/2015 à 17:26
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Rappel de quelques "bienfaits" de la PAC : - Mise en concurrence déloyale des agriculteurs français avec le reste du monde, - Autorisation des OGM contre la volonté des consommateurs, - Obligation à un productivisme insensé contredisant la notion ...

à écrit le 21/02/2015 à 15:02
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On parle réduction de la pac, des salaires agricoles, de l’abandon des terres ou bien des nouvelles taxes sur la profession au pesticides ? Vive les taxetout !

à écrit le 21/02/2015 à 13:43
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Avec Monsieur Le Foll, le green-washing se prend en effet un coup d'accélérateur.

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