Brigitte Taittinger : "j'ai peur qu'on retrouve vite nos mauvaises habitudes"

PDG des parfums Annick Goutal, repris par le fonds américain Starwood lors de la vente de l'empire familial par son père Claude, Brigitte Taittinger, dirige avec goût la maison de la créatrice trop tôt décédée. Mère de six enfants, elle a épousé la cause européenne de son second mari, Jean-Pierre Jouyet, président de l'AMF, avec qui elle forme une famille recomposée de dix enfants.

Brigitte Taittinger, vous êtes PDG des parfums Annick Goutal. Rien ne sera plus comme avant, après la crise ?

Pour déboucher sur un monde nouveau, il faudrait une vraie volonté de transparence et de redistribution. Une réelle volonté politique et des politiques. Or on constate de fortes résistances du monde ancien, cela ne se fait pas de façon naturelle ne peuvent plus prétendre gouverner seuls l'humanité. Le G7 n'est plus suffisant. Le G20, qui sert à dessiner les bases d'un système financier international plus sain et plus durable, doit être pérennisé. Avec d'abord plus de transparence : la lutte contre les paradis fiscaux est effective et efficace (150 signatures et des sanctions dès mars 2010). Plus de responsabilité collective ensuite : nous avons progressé pour établir des règles du jeu communes en matière de normes prudentielles et comptables. Les règles de Bâle 2 seront appliquées partout et dans les principaux centres financiers dès 2011, ce qui est un pas essentiel. Un retour au principe de réalité enfin : la rémunération des opérateurs de marché doit être connectée à leur performance et à la solvabilité de la banque, les bonus seront encadrés, et incluront un bonus-malus, ce qui est vraiment une révolution culturelle pour nos partenaires anglo-saxons. Cela, nous le devons à la position pionnière de la France et au volontarisme sans faille du président de la République. Quels sont les nouveaux risques ? Le retour au « business as usual » nous est interdit. Que ceux qui pensent que les décisions politiques du G20 et spontanée. Les gouvernements se heurtent à des lobbies puissants, comme l'est le monde de la finance. La tenue de trois G20 depuis un an montre qu'il y a une ambition de départ forte, mais il y a encore peu de résultats concrets. Le choc de la crise a été tel que beaucoup de gens ont accepté, en paroles, de se remettre en question. Mais en actes, j'ai peur qu'on en revienne vite aux mauvaises habitudes... Nous y verrons plus clair peut-être dans un ou deux ans. Car on n'est pas sorti de la crise. Je le vois bien comme dirigeante d'une petite PME. Nos fournisseurs et sous-traitants travaillent de façon tendue, avec des chiffres d'affaires en baisse et des difficultés de trésorerie.

Le monde sortira-t-il meilleur ?

Je ne suis pas très optimiste. Ce qui m'inquiète le plus, c'est la montée du chômage, surtout pour les jeunes. Mieux vaut recréer des emplois- jeunes plutôt que de leur verser une allocation. Un autre danger de l'après-crise est la montée des extrêmes et des intégrismes. Nous entrons dans un monde de plus en plus compétitif. Nos enfants vont y être confrontés. L'idée de refermer les frontières est absurde. Notre responsabilité est de les y préparer, de les armer.

Quels sont les changements indispensables ?

La confiance entre le public et le monde bancaire est rompue. Il faut une plus forte responsabilisation des acteurs de la finance, y compris au niveau des régulateurs, face au consommateur final qui est très mal informé. Quand je vends un produit Annick Goutal, un parfum ou une bougie, je suis responsable à l'égard de celui qui l'achète. Il faut aussi plus de morale. Les écarts immenses de rémunérations sont injustifiés. Il y a eu une sorte de fuite en avant vers la cupidité, basée sur des critères plus quantitatifs que qualitatifs. Il faut bâtir un monde où l'on partage plus, accélérer le pas sur la participation dans les entreprises.

Est-ce une crise d'un monde masculin ?

Il est dans la culture et peut-être la nature des femmes d'être plus prudentes et plus avisées que les hommes. Parce qu'elles sont ancrées dans le concret. Elles gèrent le budget familial, prévoient l'avenir. Elles sont moins joueuses et plus conscientes des conséquences à long terme de leurs actes. Plusieurs études ont montré que quand des femmes dirigent une société, elles sont souvent plus performantes que les hommes. J'ai personnellement assez confiance dans la gestion d'une femme.

Nommer plus de femmes dans les conseils d'administration ou à la tête des grandes entreprises serait donc une solution ?

J'ai toujours été contre l'idée de légiférer pour imposer des quotas de femmes. J'ai changé d'avis. La France est en quinzième position, à égalité avec la Turquie, pour son ratio hommes-femmes (9 %) dans les conseils d'administration. C'est un vrai problème de société et ce domaine nécessite lui aussi une meilleure régulation. Plus que sur les bonus ou les salaires des patrons, je légiférerais pour imposer et faire respecter des quotas de femmes dans les entreprises et la vie politique. C'est, en France en particulier, un monde machiste, qui ne produit pas naturellement l'égalité hommes-femmes. Regardez l'Europe du Nord...

Commentaire 1
à écrit le 19/10/2013 à 14:47
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encore l'Amerique, le fonds américain Starwood Madame Desgranges, professeur de philosophie

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