La crise financière peut elle aller jusqu'à provoquer la faillite d'un Etat ? C'est bien le risque que court l'Islande. Confrontée à sa plus grave crise économique de la période moderne, l'île-Etat souffre de son secteur financier en très grandes difficultés.
Ce mardi, on a appris que la Russie allait octroyer un prêt de 4 milliards d'euros à la banque centrale d'Islande, afin de venir justement en aide au secteur financier islandais. "Ce prêt va considérablement dynamiser les réserves de changes de la banque centrale et soutenir la stabilité du taux de change de la couronne (islandaise)", explique la banque.
La couronne islandaise est en effet en chute libre. Elle a perdu 30% de sa valeur lundi, s'établissant à près de 230 pour un euro, avant de remonter un peu ce mardi à la suite de cette annonce.
Face à la crise, le pays s'est également doté en urgence lundi soir d'une législation extraordinaire destinée à éviter un chaos financier. L'alliance au pouvoir et les partis de l'opposition ont ainsi d'un commun accord adopté un projet de loi qui confère à l'Etat des pouvoirs étendus sur le système bancaire national.
Dans une allocution à la nation, le Premier ministre, Geir Haarde, a annoncé que l'instance de régulation financière du pays aurait désormais une autorité étendue pour imposer certaines opérations à une banque, et qu'elle pourrait même la contraindre à fusionner avec une autre société, ou la déclarer en faillite. Bref, cet arsenal législatif sans précédent en Europe donne la possibilité à l'Etat de diriger tout le système bancaire.
"Nous étions confrontés à un risque réel de voir l'économie nationale emportée dans la tourmente bancaire internationale et de finir par une faillite nationale", a-t-il également déclaré devant les députés. "La législation était nécessaire pour éviter une telle issue".
La première mesure prise dans ce cadre législatif n'a d'ailleurs pas tardé. Dès ce mardi, l'autorité des marchés annonce avoir pris le contrôle de Landsbanki, la deuxième banque du pays en terme de capitalisation. Tous les dépôts des particuliers seront garantis et les activités domestiques de la banque seront ouverts comme d'habitude.
De son côté, la première banque du pays Kaupthing Bank a reçu un prêt de 500 millions d'euros de la part de la Banque centrale du pays nordique afin de faciliter ses opérations.
Par ailleurs, le fonds d'investissement islandais Exista a annoncé la vente de sa participation (20%) détenue dans l'assureur finlandais Sampo pour une valeur de 1,41 milliard d'euros. "Au vu de la détérioration prolongée sur les marchés internationaux, il est prudent de réduire notre exposition", a indiqué dans un communiqué le PDG d'Exista Lydur Gudmundsson.
Pour bien comprendre la situation extrême que vit l'Islande, il faut savoir que le pays a prospéré sur un système financier bénéficiant d'une politique ultra-libérale. Au cours de la dernière décennie, le pays, qui est passé d'une économie essentiellement fondée sur la pêche à une économie tournée vers la finance à l'issue d'une vague de privatisations, a connu une croissance moyenne de son PIB de 4% par an, avec un pic en 2004 à 7,7%, et de 4,9% l'an passé. Son secteur financier représente une large part de sa croissance économique et si le secteur va mal, c'est donc toute l'économie qui est menacée.
De quoi inquiéter vivement les investisseurs ainsi que les autorités financières internationales. Le Fonds monétaire international (FMI) a ainsi dépêché une équipe sur place. L'agence de notation financière Standard and Poor's a, elle, abaissé de deux crans la note de long terme en monnaie étrangère de l'Islande, la faisant passer de "A-" à "BBB".