Début du G20 : le pronostic pessimiste d'un grand analyste

« Le G20 n'empêchera pas une nouvelle crise de cette ampleur ». C'est l'analyse de Richard Bove, de Rochdale Securities, l'un des analystes bancaires les plus respectés à Wall Street, à retrouver ce jeudi dans La Tribune.

Pour avoir anticipé la crise du crédit, Richard Bove, de Rochdale Securities, a été consulté par la Maison-Blanche et les régulateurs de son pays. Il juge que les réformes prônées au G20 pèseront sur la reprise et n'empêcheront pas un futur krach.

La Tribune - Les gouvernements du G20 gèrent-ils bien la sortie de crise financière?

Richard Bove - Au quatrième trimestre de 2008, les gouvernements américain et européens ont pris des mesures très énergiques pour éviter que la crise se mue en dépression. Mais leurs objectifs de réglementation vis-à-vis de l'industrie bancaire vont aujourd'hui bien trop loin. Contrairement aux idées reçues, l'avidité des banquiers et les fraudes ne sont pas à l'origine de la crise des crédits « subprime ». Quand l'économie croît à un rythme très rapide pendant une période prolongée, elle développe des excédents de liquidités qui mènent à la spéculation, puis au krach. Ce fut le cas lors des crises financières des 400 dernières années et celle-ci n'est pas différente. Pas plus qu'ils n'élimineront les cycles, les gouvernements du G20 ne pourront éviter qu'une crise de cette ampleur se reproduise un jour. C'est impossible.

Pourquoi le Trésor américain a-t-il milité avant Pittsburgh pour des normes prudentielles plus restrictives que les Européens?

Parce que nos dirigeants sont populistes! Les autorités fédérales et les élus qui siègent à la commission bancaire du Sénat, que ce soit le démocrate Christopher Dodd ou le républicain Richard Shelby (qui avait mené la fronde contre le plan de sauvetage financier, Tarp), font preuve d'une incompétence inhabituelle en matière de banques. C'est aussi le cas du président et de son secrétaire au Trésor, Timothy Geithner qui, lorsqu'il présidait la Réserve fédérale de New York, a facilité tout ce qui allait mener le système bancaire dans le mur. Cet adepte de la dérégulation veut maintenant tout sur-réglementer en dupliquant des garde-fous existant déjà. En imposant aux banques des normes de capitalisation plus contraignantes, les pouvoirs publics vont pénaliser une reprise saine et pérenne de l'économie. Parmi les réformes proposées, celle inhérente aux normes prudentielles est la pire. En prenant une perspective historique, on observe que les banques américaines sont déjà surcapitalisées. Elles ont substantiellement renforcé leurs fonds propres, leurs liquidités, leurs provisions... du coup, elles ne prêtent plus d'argent !

Le G20 a-t-il raison de vouloir encadrer les bonus ? Sont-ils intrinsèquement dangereux pour le système financier?

Chaque travail mérite salaire ! Les modes de rémunération ne devraient pas du tout être réglementés. Les gouvernements du G20 sur-réagissent sur les bonus car ils sont incapables de réanimer l'économie. La structure des bonus n'est pas non plus responsable de la crise financière qui a eu lieu. Les Américains sont sous le choc de la récession mais chaque génération en connaît une, même si celle-ci est particulièrement sévère. Aux Etats-Unis, personne ne s'indigne du fait qu'en moyenne, un basketteur de la NBA gagne cinq millions de dollars par an, mais les gens sont furieux que, dans le même temps, un employé de Goldman Sachs touche en moyenne 800.000 dollars. C'est illogique.

Ben Bernanke assure que le « shadow banking system » (désignant les activités hors bilan et offshore des banques ainsi que les acteurs para-bancaires tels les hedge funds) ne regagnera pas sa taille d'avant la crise. Le croyez-vous?

Il a tout faux. La masse monétaire combinée de l'Europe, des Etats-Unis, du Japon et de la Chine s'élève à 40.000 milliards de dollars. Si les pays du G20 augmentent les ratios de solvabilité des banques tout en en faisant tourner la planche à billet, où vont aller les excédents de liquidité sinon vers le « shadow banking system »? Il ne va pas se contracter mais au contraire se développer. Pour vous en convaincre, vous n'avez qu'à regarder le rendement des « junk bonds », qui est revenu au niveau précédant la chute de Lehman Brothers. L'aversion au risque a disparu: le marché du papier commercial s'ouvre à nouveau, les introductions en Bourse ont lieu à un rythme soutenu en Chine... espérons que les opérations de marché soient organisées de manière plus scrupuleuse qu'il y a trois ans ! Je vous garantie que, d'ici à vingt ans, nous connaîtrons une crise financière de la magnitude de celle que nous traversons et qu'elle aura lieu pour des raisons analogues. Même le président Obama, lorsqu'il s'est exprimé à Wall Street, a reconnu que certaines habitudes d'avant la crise étaient de retour.

Malgré les efforts du G20, un retour des instruments toxiques est-il inéluctable ?

Des produits innovants continueront à être développés sur le « shadow banking market » et certains d'entre eux seront extrêmement dangereux. Mais nous sortons d'une récession majeure, les changements réglementaires sont en cours et les établissements financiers cherchent à renforcer leurs fonds propres. De fait, vous ne verrez vraisemblablement pas de produits aussi dangereux que la titrisation de crédits « subprime » se populariser d'aussi tôt. Toutefois, les choses évolueront certainement d'ici à quelques années. Les réformes qui ont eu lieu après les krachs de 1929 et de 1987 n'ont pas empêché que des bulles se forment quelques années plus tard.

La Fed devrait-elle assumer le rôle de régulateur du risque systémique ?

Non. La Fed ne devrait pas obtenir davantage d'autorité sur l'industrie bancaire. Elle dispose de pouvoirs qu'elle a délibérément choisis de ne pas employer avant la crise. Elle n'a, par exemple, rien fait pour davantage réglementer certains instruments financiers complexes. A quoi servirait de lui accorder des pouvoirs supplémentaires si elle n'en fait rien ?

Un an après la chute de Lehman Brothers, quelles sont les perspectives du secteur bancaire aux Etats-Unis?

Dans les six prochains mois, il est clair que les banques américaines vont présenter des résultats assez médiocres. Plus de 60% des banques régionales ne renoueront pas avec la profitabilité avant le courant 2010. D'ici là, les grandes banques dégageront des bénéfices mais seront, en majorité, plutôt proches de l'équilibre. Si vous vous projetez d'ici deux à trois ans, lorsque l'économie sera sortie de la récession, les pertes associées aux portefeuilles de créances auront significativement chuté et les bénéfices des banques doubleront, voire quadrupleront. Faut-il investir dans le secteur bancaire ? Oui, mais dans une perspective à long terme !

Commentaires 29
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La faillite finale du capitalisme est en marche. Le capitalisme basé sur le seul productivisme à outrance est moribond. D'autres modes de vie vont se mettre en place où l'argent sera remplacé par le troc. Petit à petit.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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@Marty: d'accord! Mais cela ne change rien à l'observation; je serais curieux de connaître l'opinion de Jacques MARSEILLE; je ne la présume pas très différente

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Enfin une bonne analyse.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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je pense que cet homme n'a jamais connu un travail au SMIC pour 39 heures par semaine à se casser le physique et le moral sans pouvoir évoluer et cela pendans 42 ans.... Quand on vit une réussite sociale sans difficultés, on ne se rend plus compte de...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je suis, moi-aussi, très pessimiste sur l'issue de ce G20, mais pour des raisons très différentes de celles exposées par M. Richard Bove. Ce Monsieur est un suppôt de Wall Street. Alors comment espérer qu'il ose pointer les véritables causes de la c...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Hallucinant ce discours...continuons donc ainsi rien ne changera la prochaine crise sera inévitable...vous, état et peuple du monde qui avez sauvé la finance, même pas un merci!!!! laissez nous faire...nous savons, mieux que vous, gérer tout cela...c...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bien que fort probablement certains vont trouver mon discours très utopiste et complètement déconnecté de la réalité , du moins de LEUR conception de la réalité , l'on ne peut être que consterné d'entendre toujours les mêmes rengaines. Visiblement, n...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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J'adhère totalement aux propos de Richard Bove. Bravo !! Il est temps que les français bolchévisés par l'enfer fiscal ou ils vivent entendent un autre son de cloche se basant sur le bon sens et sur le libéralisme humaniste, source te toutes richesses...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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une analyse différente: sur les 40 000 milliards de dollars cités par votre analyste près de 15 % ont été exclu du marché en 2007-2008 par la chine ,les producteurs de pétrole et de gaz, les pays fournisseurs de matières premières. ces sommes tourne...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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A la prochaine crise faut les laisser dans leur merde.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Voulez vous bien vérifier la qualité des gens que vous interrogez SVP? Cet individu me rappelle le verbiage entendu dans les salles de marché tenu par des traders hystériques. Mélange de lieux communs, de sophismes et de bêtise. Les fraudes ne seraie...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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TRes bonne analyse. Malgre les commentaires un peu violent de certain, cet analyste a parfaitement raison...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Que veut dire "surcapitalisées" , Dans quelles perspectives ? Du risque ? Pour l'actionnaire ? Quels sont "les composants comptables" de ce capital ? Quelles banques et quels métiers de la banque d'investissement, de détail ? etc... Les actionnaires...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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EN REPONSE A ENFIN UNE BONNE ANALYSE...CRISE INTERNET DES ANNEES 2000,CRISE DES SUBPRIMES DES ANNEES 2008,CHUTES BOURSIERES ,OUI BRAVO ON VA REMPLACER LES MAUVAISES GESTIONS ET LA SPECULATION A COURT TERME PAR DES DEFICITS ET DE LA DETTE PUBLIQUE.OUI...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je ne crois pas que le rôle de R. Bove soit de pointer les coupables. Le constat qu'il fait de la situation est lucide et renforce la conviction d'une crise en W. D'ailleurs, même Obama laisse tomber sous la pression d'une finance plus puissante que ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Ce qui est vraiment consternant, c'est que tout le monde financier se complaît à dire que la crise est finie. COMMENT, avec un chômage à 9.7% aux USA et environ 9.5% en Europe (et en croissance svp), peuvent-ils affirmer que cette crise d'une ampleur...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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" Ce grand analyste " n'a pas de nom ? il faut dire que pour débiter ce qu' il nous écrit l'anonymat est de rigueur. Connaissant bien nos dirigeants et leurs propension à la fête, les problèmes des gens dans la crise leurs passent par dessus la tête...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Une analyse non un constat bof aucune proposition innovante tout sera comme avant "même Obama l'a constaté"? quand il y a connection entre finance et politique le terme mafia s'impose.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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En gros si on l'écoute, on laisse passer la crise sans en tirer les conséquences...Personnellement je serai pour que les banques maintiennent simplement des activités de détails (c'est à dire le financement de l'économie) ainsi que des activités de c...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Le jour où les traders, travaillant sans risque personnel, seront filmés dans leur job et que ça passionnera les foules, alors oui, ils meriteront un salaire de basketteur de NBA. Les remarques de M. bove sont parfois interessantes, mais à l'emporte ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Comment peut-on croire encore à la fin du capitalisme? Le capitalisme n'est pas une religion; elle n'est que le fait de regrouper des signes monétaires du crédit non consommé immédiatement; c'est même l'épargne du temps. bien au contraire, le capital...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Beaucoup de vérités dans cet entretien, mais aussi beaucoup d'arrogance injustifiée et d'indifférence totale à la justice. Ce n'est pas parce que les basketteurs touchent des salaires abusifs que les traders doivent faire de même. Ce genre d'individu...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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il n 'y a qu'un commentaire à faire : c'est une interview CONSTERNANTE !

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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mort de rire devant le commentaire de fabjacky

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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le G20 accouchera d'une souris , on mettera au banc les vilains traders , mais les chefs des banques eux seront epargnés pire ils pourront recommencer leurs betises sans prejudice reels , comme on ne peut plus nationaliser de banques privées ( traité...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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tant qu'il a eu le communisme en face de lui comme proposition d'une autre forme de société, le capitalisme s'est lui-même auto-régulé. Maintenant qu'il n'a aucune autre proposition de société en action, en face de lui, le capitalisme ne peut que re...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bravo fabjacky! Mais vous prechez dans le desert (intellectuel) malheureusement...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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non ce n est malheureusement pas une crise financiere qui est la cause de ce merdier. La concurrence d'un employe a 100 euros par mois suffit a faire exploser tous les systemes (l auto l industrie puis les services)...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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COMPARER LE SALAIRE DES TRADERS ET CELUI DE QUELQUE FOOTBALLER, CE N'EST PAS SERIEUX : CHACUN PEUT CONSTATER PAR LUI MEME LE SERVICE RENDU (SERVICE DE LOISIR) PAR LES UNS, ALORS QU'IL N'Y A AUCUN LIEN POSSIBLE ENTRE LE MILLION ET QUELQUES DOLLARS PER...

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