FMI : quand les pays émergents tapent du poing sur la table

Les puissances émergentes reprochent à l'organisation internationale une forme de laxisme vis-à-vis de ses principaux bailleurs de fonds, à commencer par les Etats-Unis. Elles appellent à "une surveillance plus ferme et impartiale visant à détecter les facteurs de vulnérabilité dans les grands pays avancés."

Les puissances émergentes ont remporté une bataille samedi au sein du Fonds monétaire international (FMI) avec un appel en faveur d'une surveillance accrue des pays riches. Tout en essayant d'apaiser les tensions sur les marchés des changes lors de leur réunion à Washington, les responsables financiers des 187 pays membres du FMI ont exprimé la frustration ressentie de longue date par les pays émergents, qui reprochent à l'organisation internationale une forme de laxisme vis-à-vis de ses principaux bailleurs de fonds, à commencer par les Etats-Unis.

"Une surveillance plus ferme et impartiale visant à détecter les facteurs de vulnérabilité dans les grands pays avancés fait partie des priorités", est-il ainsi écrit dans le communiqué publié à l'issue de la réunion du comité monétaire et financier international du Conseil des gouverneurs du FMI.

Cette déclaration reflète les arguments des puissances émergentes, selon lesquelles le mauvais état des finances publiques et la faible croissance des Etats-Unis sont l'une des causes principales des déséquilibres économiques dans le monde.

Ces mêmes pays reprochent aux politiques américaines de contribuer à l'affaiblissement du dollar, ce qui pèse sur les devises des économies émergentes. Ce point de vue a été défendu samedi par le gouverneur de la Banque centrale de Chine, Zhou Xiaochuan, qui a recueilli un large soutien.

"Le FMI n'est plus une institution destinée à surveiller uniquement les pays en développement", a insisté le ministre thaïlandais des Finances, Korn Chatikavanij. "Son rôle doit être élargi et il doit prendre conscience que les erreurs commises dans les grandes économies ont des conséquences sur le monde entier."

Toujours pas d'accord sur les taux de change en vue

Pour leur part, les Etats-Unis ont souligné la responsabilité de la Chine en affirmant que ses énormes réserves de devises et la sous-évaluation artificielle de sa monnaie, le yuan, étaient en partie responsables des déséquilibres économiques internationaux et de la faiblesse du dollar.

Ces positions divergentes sur les responsabilités de chacun ont alimenté les craintes d'une "guerre des changes", par laquelle chacun tenterait de s'engager dans des dévaluations compétitives qui ne veulent pas dire leur nom. De telles politiques sont destinées à stimuler les exportations pour relancer les économies de ceux qui les mettent en oeuvre.

Les participants à la réunion du FMI ne sont pas parvenus à un accord sur les taux de change, même si leur communiqué manifeste une volonté d'apaiser les tensions en exposant les points de vue de chacun.

Si ce document souligne l'importance d'une surveillance accrue des pays riches, il contient aussi des éléments réclamés par Washington sur la "rigueur" et la "franchise" que devrait manifester le FMI dans ses conseils de politique économique, ce qui, pour les Etats-Unis, concerne la Chine et sa monnaie.

Le communiqué ne détaille cependant aucune mesure concrète qui permettrait de s'attaquer aux déséquilibres de la croissance mondiale et par conséquent aux tensions sur les marchés des changes.

De son côté, Timothy Geithner, le secrétaire américain au Trésor, a jugé qu'il y avait un lien direct entre la réforme du FMI censée donner davantage de poids aux puissances émergentes et les politiques de taux de change. Selon lui, si les puissances émergentes veulent avoir plus voix au chapitre par plus de quotes-parts, elles doivent desserrer leur emprise sur l'évolution de leurs monnaies.

Que signifierait une surveillance "renforcée" ?

Le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, espère parvenir à un accord sur un renforcement du poids des pays émergents au sein de son organisation avant le prochain sommet du G20 en novembre à Séoul, en Corée du Sud.

Un grand flou entoure encore les dispositions qui permettraient au FMI d'exercer une surveillance renforcée des politiques économiques menées dans les pays riches.
"De nouvelles mesures s'imposent d'urgence pour renforcer le rôle et l'efficacité de l'institution en tant qu'organe mondial au service de la surveillance macrofinancière et de la collaboration en matière de politique économique", est-il écrit dans le communiqué.

Eswar Prasad, ancien haut fonctionnaire du FMI aujourd'hui chercheur associé à la Brookings Institution, ne cache pas son scepticisme face à des intentions qui lui sont étrangement familières.

A ses yeux, "le FMI tente à nouveau de réinventer la roue ». Eswar Prasad qualifie même ces propositions "de nouveaux noms raffinés donnés à de vieux mécanismes de surveillance" et ajoutant qu'elles ne donnent pas davantage d'autorité au FMI pour muer en action ses conseils.

"Les grandes économies encouragent chacune le FMI à accentuer la pression sur les autres mais ne montrent aucun empressement à accorder au FMI des moyens de pression équivalents sur leurs propres politiques", résume-t-il.

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