Le plaidoyer choc de DSK pour plus d'Europe... et une TVA commune

Le directeur général du FMI a lancé vendredi plusieurs propositions choc pour relancer la zone euro et l'Union européenne. Dominique Strauss-Kahn propose notamment l'instauration d'une TVA européenne et la mise en place d'une autorité budgétaire centralisée. Il plaide pour un transfert de pouvoirs des États-membres vers la Commission.
Dominique Strauss-Kahn (DSK) directeur général du FMI

C'est un véritable plaidoyer programme pour une plus grande intégration de l'Union européenne (UE) que le directeur général du Fonds Monétaire International (FMI), Dominique Strauss-Kahn (DSK) a prononcé ce vendredi à Francfort (www.imf.org/external/np/speeches/2010/111910.htm.)

"L'Europe doit briser les chaînes de la faible croissance et cesser de se contenter du second choix" a lancé DSK.

Selon lui, "la zone euro a souffert d'une récession plus profonde que partout ailleurs au monde, y compris aux Etats-Unis, pourtant épicentre de la crise - et elle est plus lente à rebondir ".

Un constat corroboré par les prévisions de l'OCDE qui indiquent que la zone euro connaîtra une croissance économique de seulement 1,7 % en 2011 (et 2010 d'ailleurs) contre 2,2 % pour les Etats-Unis.

"L'Europe a aujourd'hui un sérieux problème de croissance, un problème amplifié par le tremblement de terre de la crise financière mondiale. (...) Si rien n'est fait, le modèle social européen pourrait être réduit à néant ".

LE CHOIX DE TRAVAILLER MOINS D'HEURES

"Les citoyens [européens] ne sont pas à leur plein potentiel. Dans une certaine mesure, cela reflète un choix conscient social de travailler moins d'heures. Il n'y a rien de problématique ici, après tout, le bonheur ne vient pas du seul revenu. Mais il y a un côté sombre. Le taux de chômage en Europe est chroniquement élevé, et le taux de l'emploi est toujours faible, surtout chez les femmes, les travailleurs âgés et les jeunes. " juge DSK.

Pour le chef du FMI, " la gouvernance inadaptée de la zone euro rend les choses pires".

Sa remarque coïncide avec l'appel jeudi du président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet à "un changement conséquent dans la gouvernance" de l'Union européenne et notamment de la zone euro, se disant «"inquiet ".

C'est justement sur ce point de la direction économique du Vieux Continent que DSK fait ses propositions les plus audacieuses et prend ses distances de la plupart des chefs d'Etat et de gouvernement européens actuels.

" Réparer le secteur financier prend trop de temps, notamment car les gouvernants ne font pas suffisamment attention à la dimension européenne" du problème, a-t-il indiqué lors du congrès bancaire Euro Finance.

FISCALITE DU TRAVAIL, PRESTATIONS SOCIALES, PROTECTION DE L'EMPLOI

Il exhorte par ailleurs au lancement "d'une initiative pour un marché du travail unique au niveau européen ": "la zone euro ne peut réaliser son vrai potentiel avec cet ahurissant patchwork de marchés du travail segmentés (...) il est temps de créer des conditions égales pour les travailleurs européens, en particulier dans le domaine de la fiscalité du travail, systèmes de prestations sociales et la portabilité des prestations, et de la législation de protection de l'emploi. " demande l'ancien ministre socialiste français de l'Economie.

Celui que beaucoup en France voient déjà comme le principal rival du président Nicolas Sarkozy pour les élections de 2012, prend directement le contre-pied de l'actuel locataire de l'Elysée sur l'immigration : "La croissance à long terme bénéficierait également d'un coup de pouce par une approche moins restrictive sur l'immigration. L'Europe semble mener une bataille démographique perdue d'avance, sa population active devant diminuer sensiblement dans les prochaines décennies. Cela fait sens de miser sur l'immigration pour remédier aux pénuries de main d 'oeuvre, comme cela a été fait en Amérique du Nord. Cela pourrait aussi rendre le modèle social plus durable. Aussi intéressant cela puisse paraître d'un point de vue politique de court terme, l'Europe ne peut pas résoudre ses problèmes en verrouillant ses portes" a souligné DSK.

Lors de son intervention mardi dernier, le président français avait lui mis en avant qu'"on n'a pas maîtrisé les flux migratoires et accueilli sur notre territoire plus de gens que nous ne pouvions intégrer", précisant que " Michel Rocard en son temps avait dit justement que " la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde".

PLUS DE POUVOIRS A LA COMMISSION

Pour sortir l'Europe de la crise, DSK propose un modèle de gouvernance simple mais peu consensuel : donner plus de pouvoirs à la Commission européenne.

"Quand l'ordre du jour est fixé par le centre, les choses avancent. Il suffit de penser au marché unique, ou à l'union monétaire. Mais quand l'ordre du jour est laissé aux Etats- nations [membres de l'UE, Ndlr], les choses traînent. Pensez aux réformes des marchés du travail et des services, notamment à travers l'agenda de Lisbonne. (...) Il est temps de changer de cap. Le centre doit prendre l'initiative dans tous les domaines clé pour assurer le destin commun de l'Union, notamment en matière de politique financière, économique et sociale. Les pays doivent être disposés à céder plus d'autorité au centre. Des mécanismes doivent être repensés pour inciter à réformer. " a-t-il déclaré ce vendredi.

UNE AUTORITE BUDGETAIRE ET UNE TVA EUROPEENNES

Et DSK de proposer " la création d'une autorité budgétaire centralisée, aussi indépendante politiquement que la Banque centrale européenne (BCE). L'autorité fixerait les orientations budgétaires de chaque pays membre et allouerait les ressources provenant du budget central pour mieux atteindre le double objectif de stabilité et de croissance."

La proposition est si "audacieuse", que DSK s'empresse de la qualifier de "peu probable dans un avenir proche "

D'ici là , il veut "ôter la responsabilité principale du maintien de la discipline budgétaire et des réformes structurelles au Conseil "de l'UE, réunissant les Etats-membres, afin "de réduire le risque que des intérêts nationaux étroits interférent avec la mise en ?uvre effective des règles communes ". "Dans le cadre institutionnel actuel, la Commission - en tant que gardienne des traités de l'Europe - pourrait jouer un tel rôle" ajoute Dominique Strauss-Kahn, en une nouvelle pique à la politique de Nicolas Sarkozy dont des ministres avaient récemment remis en cause la fonction de " gardienne des Traités " de la Commission européenne...

Et comme si ce programme révolutionnant le cadre institutionnel européen ne suffisait pas, DSK plaide pour une augmentation "ressources budgétaires allouées" à la Commission. Il faut "aller au-delà de l'actuel budget de l'UE, strictement limité par le traité, pour aller vers un système qui utilise des instruments plus transparents au niveau européen, comme une TVA européenne, ou une taxation et tarification du carbone".

Le directeur général du FMI s'oppose ainsi aux positions défendues actuellement non seulement à Paris mais aussi à Londres et Berlin. Les trois poids lourds européens sont vivement contraires à une hausse importante du budget de l'UE, a fortiori de celui de la Commission au point que le budget 2011 de l'UE est en ce moment bloqué mettant en péril plusieurs programmes gérés par Bruxelles.
Quant à un impôt européen, comme une TVA commune, récemment évoqué par le Commissaire européen au budget Lewandowski, ces trois capitales y sont fermement opposées.

Aussi " la seule réponse, une plus grande coopération et une plus grande intégration" martelée par DSK ce vendredi à Francfort ne fera à coup sûr pas plaisir dans ces différents pays.

S'il est candidat aux présidentielles française en 2012, ces propositions choc seront-elles encore dans son programme ? Et s'il était élu, est-il prêt à guerroyer avec ses homologues européens, en premier lieu allemands, pour les faire appliquer ?

Beaucoup de questions d'ici au printemps 2012. Mais le débat est lancé.
 

Commentaire 1
à écrit le 01/02/2011 à 16:19
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La mise en harmonie des tva européenne va de paire avec l' harmonisation des prélèvements sociaux et du droit à être soigné et secouru en cas de besoin dans les mêmes conditions .

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