Budapest sous enquête de Bruxelles pour son impôt sur les firmes étrangères

La Commission européenne étudie une plainte formelle contre la Hongrie, qui vient de prendre pour six mois la présidence de l'UE. En cause: la nouvelle taxe ponctionnant surtout les grandes firmes étrangères comme Axa, EDF, GDF Suez ou Vinci
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La présidence hongroise de l'Union européenne (UE) commence décidément dans un fort contexte de polémique. Après avoir été vivement critiquée en fin d 'année 2010 pour sa nouvelle loi sur les médias, Budapest se voit maintenant mise sous enquête par la Commission européenne pour la taxe qu'elle ponctionne depuis octobre dernier sur les entreprises étrangères présentes dans le pays. Bruxelles a annoncé ce lundi avoir ouvert une enquête sur la légalité de cet "impôt de crise" hongrois.

Un porte-parole de la Commission européenne, Olivier Bailly, a déclaré lundi que Bruxelles avait écrit dès octobre à la Hongrie pour demander des informations et obtenu une réponse avant d'être sollicité par les entreprises concernées. "Nous étudions maintenant la plainte formelle et la lettre du gouvernement hongrois" a-t-il précisé.

Le ministre fédéral allemand de l'Economie, Rainer Brüderle critique lui aussi cet impôt, d'après le quotidien bavarois Süddeutsche Zeitung: "Les taxes qui visent en priorité  les firmes étrangères sont fondamentalement problématiques pour le marché intérieur européen" indique-t-il. 

Plusieurs grands groupes allemands comme l'assureur Allianz, les groupes d'énergie E.on, RWE, EnBW, le géant des télécoms Deutsche Telekom (via sa filiale Magyar Telekom) ou le groupe de distribution Rewe sont en effet touchés par cet impôt destiné à remplir les caisses de l'Etat hongrois notoirement en difficultés financières.

Mais les investisseurs français en Hongrie ne sont pas épargnés: Axa, EDF, GDF Suez, Vinci, Auchan ou les petits magasins Cora, Match, Profi du groupe Delhaise sont aussi parmi les ponctionnés.

Un impôt provisoire promet Budapest

Cette taxation est qualifiée de "provisoire" par l'éxécutif de droite de Viktor Orban. Elle doit prendre fin en 2013, après avoir rapporté près d'un demi-milliard d'euros.

Une douzaine de patrons de grandes entreprises européennes, dont celui d'Axa, ont adressé, selon le quotidien allemand Die Welt, le 15 décembre une lettre de cinq pages au Président de la Commission européenne  Jose Manual Barroso, et à tous les Commissaires européens leur demandant "de convaincre le gouvernement hongrois de la signification de conditions légales stables pour les investisseurs" et "de l'amener à retirer cette charge [fiscale, NDLR] injuste".

Ces firmes auraient parallèlement déposé plainte auprès des directions générales de la Commission compétentes pour violation du droit européen et afin qu'une procédure soit lancée contre Budapest à ce sujet.

"Nous voyons dans les récentes décisions du gouvernement hongrois une tendance à utiliser certains secteurs et en particulier les firmes étrangères pour assainir les finances publiques", remarquent les PDG dans leur lettre à la Commission européenne.

Magyar Telekom, filiale de Deutsche Telekom, indique avoir dû acquitter pour 100 millions d'euros d'impôts supplémentaires l'an dernier au titre de cette nouvelle taxe.

Cette dernière est calculée sur le chiffre d'affaires net et sur une base progressive - plus le chiffre d'affaires est élevé, plus le taux d'imposition est fort - pour les secteurs des télécoms et de la vente au détail.

Une imposition qui, de facto, ne touche que les grands groupes étrangers

Nombre d'entreprises hongroises réalisant un chiffre d'affaires inférieur au plancher fixé par cette nouvelle taxe ou bien ayant un statut juridique particulier, seules de grandes firmes étrangères sont dans les faits touchées par cet impôt. Les assureurs (Allianz, Axa, ING, Aegon) protestent, eux, contre la nationalisation d'une partie des fonds de pension privés du pays, dont ils sont les gestionnaires.

Le gouvernement de Viktor Orban exige de trois millions de Hongrois cotisant à une caisse de retraite privée de choisir entre la possibilité de rejoindre le système public avec le pécule accumulé ou bien de rester fidèle au système privé, ce qui les priverait de tout droit à la retraite d'État, tout en les obligeant à continuer à cotiser au système public.

Au-delà de l'objectif de réduction du déficit public (pour se qualifier notamment à l'euro), ces mesures étonnent car elles pénalisent les investissements directs étrangers (IDE) en Hongrie alors qu'au premier semestre 2010 690 millions d'euros de capitaux avaient (solde net) quitté le pays.

Le niveau record d'IDE avait été atteint en 2005 avec une entrée de capitaux pour un montant de 6,1 milliards d'euro. Depuis la tendance est à la baisse. Depuis la chute du communisme en Hongrie, quelques 65,5 milliards d'euros auraient été investis dans le pays par des firmes étrangères.

L'Allemagne 1er investisseur étranger

Rapporté au nombre d'habitant, la Hongrie aura ainsi été la troisième destination préférée des investisseurs étrangers en Europe centrale depuis la libéralisation de l'économie, le volume d'IDE par habitant s'y élevant à 6.538 euros en moyenne, après la République tchèque (8.598 euros) et la Slovaquie (6.752 euros).

Ces investissements provenant, pour la Hongrie, à 75 % de pays euroépens, ont permis à l'économie magyare de se moderniser, d'augmenter sa productivité et de renforcer sa capacité d'exportations. 

Les principaux investisseurs en Hongrie (données 2008) proviennent d'Allemagne (14,1 milliards d'euros, 22,4% du total ), d'Autriche (9,1 milliards d'euros, 14,5%), des Pays-Bas (8,4 milliards d'euros, 13,4%), du Luxembourg (6,7 milliards d'euros, 10,7%) et de France (3,8 milliards d'euros, 6,1%).

Commentaire 1
à écrit le 06/01/2012 à 14:02
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J'estime légitime qu'un pays à l'écnomie aussi faible que celle de la Hongrie cherche à protéger ses entreprises nationales et par consequent son économie. Commemt arriver à un budgét équilibré si les bénéfices réalisés par les entreprises étrangères...

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