Pourquoi l'Europe ne doit pas avoir peur de la Chine

La peur des investissements chinois dont fait preuve l'Europe est un non-sens. C'est la thèse d'Arnaud Dupui-Castèrès, président de Vae Solis Corporate et d'André Loesekrug-Pietri, président de A Capital. Mieux vaut, selon eux, favoriser l'accueil de ces investisseurs, les sensibiliser à nos contraintes, plutôt que d'importer toujours plus de produits venant de Chine.
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Il a été très amusant de lire, ces derniers jours, la prose de certains "experts" annonçant que 2010 est l'année qui a vu la Chine émerger. Rappelons que, en 2010, la Chine est devenue la deuxième puissance mondiale ! Il faut donc devenir la seconde puissance du monde pour que certains perçoivent enfin l'émergence d'un pays... La Chine, comme d'autres pays, est "émergée" depuis plusieurs années. Seul notre affligeant ethnocentrisme nous aveugle sur un constat qui, à bien des égards, est assez déprimant.

L'Europe et surtout la France font le chemin inverse, elles "immergent" doucement mais sûrement. Alors, nous cherchons à nous protéger. Les récentes déclarations du commissaire européen à l'Industrie, Antonio Tajani, suggérant la création d'une autorité européenne visant à contrôler les investissements étrangers en Europe, sont symptomatiques de l'inquiétude des continentaux partout où la présence d'une société chinoise est annoncée.

Il faudrait rappeler un précédent : les cris d'orfraie qui avaient accompagné la création du fonds souverain chinois en 2007. Les Européens ont mis leur honneur dans leur poche quand on voit aujourd'hui les sollicitations empressées - presque parfois gênantes - de nombreux pays de voir une partie de leur dette rachetée par la Chine. Pour probablement s'émouvoir dans quelques mois de notre soi-disant "dépendance".

Absence de vision, approche ultra-court terme à nouveau. Pourquoi ne pas s'interroger sur les raisons du déclin comparatif de l'Europe ? Peut-être pour ne pas avoir à dire la vérité aux opinions publiques. Pourquoi ne cherchons-nous pas à définir une stratégie sur les vingt, trente ou cinquante prochaines années ? Ne sommes-nous pas capables de faire ce que les Chinois sont, eux, capables de faire ? Pourquoi ne pas renforcer nos points forts, accélérer sur nos capacités industrielles, technologiques, donner un élan à l'innovation et à nos sociétés de croissance ? Pourquoi ces atermoiements sur la grande affaire du XXIème siècle qu'est l'environnement, alors que l'Europe avait un leadership technologique et moral incontesté en la matière ? Qu'attendons-nous pour imaginer les contours d'une Union européenne puissance mondiale, de ses partenariats stratégiques, avec l'Amérique du Sud, l'Afrique (deux continents avec lesquels l'Europe entretient des liens particuliers), l'Asie du Sud-Est, actuellement en pleine croissance, avec l'Amérique du Nord.

Malheureusement, nous n'en semblons pas capables ! Nous semblons démunis de toute capacité éprouvée à penser l'avenir, à structurer nos volontés, nos enthousiasmes au-delà d'échéances et de calculs électoraux. Déjà 2012, puis 2014, bientôt 2017, etc... N'y a-t-il pas plus important que de penser écuries ou pouliches ? Les Européens n'ont plus de vision de l'avenir. Notre seul et premier réflexe : se protéger, se replier, dénoncer la présence. Nous sommes bien placés, nous, Européens, pour savoir que les autochtones qui se replient sur eux-mêmes ne faisaient pas le poids face à l'organisation et à la détermination des conquérants. Et attention à l'effet boomerang : quand la Chine a investi 48 milliards de dollars à l'étranger en 2009, la France, seule, en a investi trois fois plus, soit 147 milliards ! Et l'Europe probablement plus de 500 milliards. Qui envahit qui ?

Alors, réagissons ! Sans animosité, sans incompréhension vis-à-vis des investisseurs étrangers et notamment à l'égard des plus puissants d'entre eux, les Chinois, qui développent une approche comparable à celle des Etats-Unis d'après-guerre avec leur plan Marshall. Nous pouvons à la fois accueillir les investissements chinois et nous faire respecter. Nous pouvons à la fois vendre certains actifs et rester très compétitifs par notre créativité et notre innovation. Nous gagnerons à accueillir plus d'investissements chinois en Europe - avec des investisseurs bien plus responsables que de simples exportateurs qui n'ont que peu faire de l'impact de leurs produits sur les marchés cibles. Il faut encourager les implantations étrangères en Europe pour rendre ces investisseurs plus "européens" et plus au fait de nos contraintes et de nos valeurs.

La bonne réaction à l'influence chinoise grandissante n'est pas le repli sur soi, mais un comportement de vérité et de maturité vis-à-vis des opinions publiques, sur nos atouts et nos faiblesses, une réelle approche stratégique avec des priorités marquées et non plus du saupoudrage - éducation, recherche, grands projets, financement de l'innovation -, et enfin une approche stratégique résolument européenne et non la poursuite de la déconstruction de l'Union actuellement à l'oeuvre.

Commentaires 12
à écrit le 07/02/2011 à 11:30
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En faites, l'europe et leur dirigeants sont bien content de faire les gros titres quand ils signet x milliards d'? de contrats et d'investissement de l'UE en chine, mais lorsque c'est la chine qui investit dans l'ue on cris au scandale, au final on v...

à écrit le 07/02/2011 à 9:56
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Ce ne sont pas les chinois qu'il faut blâmer, mais les consommateurs européens qui recherchent en permanence les prix les plus bas, obligeant ainsi les entreprises à délocaliser. Certaines le font pour accroître les profits, mais la majorité des autr...

à écrit le 07/02/2011 à 8:46
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Bien sur que non , avec toutes les délocalisations et notre bon chomage , nous devons etre satisfaits ! Ce n'est pas la Chine qui est fautive mais , par ses couts , elle a attiré tous les "capitalistes "avides de rendements énormes et rapides .

à écrit le 06/02/2011 à 15:46
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Les banques américaines e l'OMC ont voulu couler l'Europe (continentale), en extirpant la Chine du sous développement dans laquelle l'avait placé les british, rois de l'hypocrisie et de l'exploitation à outrance, pas de pot l'Europe des technocrates ...

à écrit le 06/02/2011 à 13:06
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Je veux bien que les Chinois puissent acheter à 100% des entreprises européennes, mais à condition que les européens puissent acheter à 100% des entreprises chinoises, ce qui n'est pas le cas : 50% des capitaux doivent être chinois. Et que les chinoi...

le 07/02/2011 à 8:44
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tout a fait d'accord avec vous !

le 07/02/2011 à 10:00
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....et aussi, quand les chinois auront un savoir faire que nous n'aurons pas, que nous exigions des tranfers de technologie. Mais pour celà, il faudrait que l'Europe soit politiquement unie, ce qui est loin d'être fait.

le 07/02/2011 à 13:39
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@ Réciprocité: et quelles sont les entreprises 100 % chinoises en France ou en Europe ?

à écrit le 06/02/2011 à 12:02
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L'être humain a un "cycle de vie" en trois temps. Il semble que l'Europe aussi ! Premier temps la jeunesse, on part à la conquête du monde. Ce fut le XIXe siècle pour les européens et les empires coloniaux. Deuxième temps la maturité, on gère l'exis...

le 07/02/2011 à 8:38
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Ca fait peur si c'est vrai ce que vous dîtes...

le 07/02/2011 à 10:14
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On sera toujours dans notre pays... et les français seront toujours... vivant. La seul différence est que tout l'investissement sera étranger, soit américain, soit chinois. C'est déjà plus ou moins le cas. Regardez aussi les parts d'actionnariat qu'o...

le 19/02/2011 à 17:42
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Non je ne crois pas aux bisounours.Mais la réalité est ce qu'elle est. il faut cesser de se voiler la face. Il y a des mondes émergents. cela peut nous embêter à nous européens et français confortablement installés dans nos sociétés, mais cela ne dur...

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