Moubarak opte pour un vrai-faux départ

Le président égyptien s'est adressé à la nation depuis son palais du Caire en annonçant qu'il ne démissionnait pas, mais transférait ses pouvoirs au vice-président Omar Souleïmane.
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Confronté depuis le 25 janvier à des manifestations sans précédent dénonçant la pauvreté, la corruption et l'oppression, le président égyptien Hosni Moubarak a annoncé jeudi un transfert de pouvoirs au vice-président Omar Souleïmane. Son discours n'a néanmoins pas convaincu les manifestants qui réclament sa démission immédiate et, place Tahrir, dans le centre du Caire, ils ont brandi des chaussures en signe de mépris en scandant "à bas, à bas Hosni Moubarak" et "dégage, dégage".

Le raïs a réaffirmé qu'il ne briguerait pas de nouveau mandat lors de l'élection présidentielle de septembre et il a déclaré que les discussions avec l'opposition, encore impensables il y a deux semaines, avaient dégagé un consensus préliminaire de nature à régler la crise.

L'Egypte se dirige vers un transfert de pouvoir pacifique, a dit Moubarak, affirmant qu'il croit en l'honnêteté des revendications et des intentions des manifestants. Dans une allocution de vingt minutes, il a dit refuser que des puissances étrangères dictent la conduite des événements en Egypte, allusion à Washington qui a invité son allié de longue date à une transition rapide et ordonnée.

Hosni Moubarak a exprimé sa compassion pour ceux qui ont perdu des proches dans les manifestations et il a dit s'engager à ce que les défunts, dont le nombre est estimé à 300 par les Nations unies, ne soient pas morts en vain. Il a annoncé qu'il allait "déléguer au vice-président de la République les prérogatives du président de la République d'une manière fixée par la Constitution". Le vice-président Souleimane, ancien chef des services de renseignement, n'est pas très populaire parmi les manifestants qui réclament une rupture totale avec un système dominé par les militaires.

"Vos revendications sont légitimes et justes (...) Il n'y a aucune honte à entendre vos voix et opinions, mais je refuse tout diktat de l'étranger", a affirmé Hosni Moubarak avant de rappeler avoir annoncé sa "détermination à remettre pacifiquement le pouvoir après la prochaine élection" :  "Je conduirai l'Egypte et son peuple vers la sécurité" a-t-il conclu.

L'armée veut prendre la situation en main

Après un précédent discours de Moubarak, la semaine dernière, de nombreux Egyptiens appartenant aux élites urbaines à l'avant-garde des manifestations s'étaient déclarés satisfaits de la promesse d'un changement en temps voulu, ajoutant qu'ils étaient désormais attachés à ce que les activités économiques suspendues par les manifestations puissent reprendre. Mais à quelques heures de la "Journée des Martyrs" prévue vendredi à la mémoire des victimes des manifestations, la colère dans les rues du Caire et d'Alexandrie fait redouter des dérapages, alors que l'armée, déployée dans les rues depuis deux semaines, a annoncé qu'elle prenait la situation en main pour protéger la nation.

"Il ne paraît pas comprendre la magnitude de ce qui se passe en Egypte. A ce stade, je ne pense pas que cela suffira", commente Alanous al-Charek, de l'Institut international d'Etudes stratégiques à propos du discours du raïs. "Il a réalisé un tour de passe-passe. Il a transféré l'autorité à Omar Souleïmane tout en conservant en quelque sorte sa position de dirigeant". "Etant donné l'intense déception que provoque ce discours en Egypte, le pays est entré ce soir dans une période inquiétante de tension extrême et de danger qui ne peuvent être réglés que par un changement de régime crédible acceptable par la majorité des Egyptiens", note pour sa part Mohamed El Erian, de Pacific Investment Management Co.

Dans la journée, les forces armées avaient publié un "Communiqué No 1" annonçant qu'elles intervenaient pour protéger la nation. Certains Egyptiens ont considéré cette intervention comme un coup d'Etat militaire après deux semaines de manifestations sans précédent. L'annonce de ce que Moubarak pourrait céder le pouvoir avait suscité des manifestations de joie sur la place Tahrir, mais une partie de la foule n'a pas tardé à affirmer haut et fort qu'elle ne voulait pas de régime militaire.

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