L'étonnant plaidoyer pro-chinois de l'économiste en chef du FMI

Dans une étude à l'intention du G20, deux experts du FMI, dont son économiste en chef Olivier Blanchard, estiment que la première raison conduisant un pays ayant un fort excédent de ses comptes courants à pratiquer un taux de change déprécié tient d'abord à des raisons d'équilibre interne. A leurs yeux, ceux qui incitent la Chine à réduire ses excès sont donc davantage guidés par des considérations politiques qu'économiques.
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Existe-t-il un lien tangible entre excédents commerciaux et manipulations de sa monnaie ? Olivier Blanchard et Gian Maria Milesi-Ferretti, respectivement économiste en chef et sous-directeur du Département des études du Fonds monétaire international (FMI), se sont longuement penchés sur cette question. Et la réponse qu'ils apportent risque de faire grincer quelques dents parmi ceux qui, notamment aux Etats-Unis, montrent les Chinois du doigt. Ces deux experts expliquent en effet dans une note d'une quinzaine de pages diffusée mercredi que le lien ne va pas de soi, laissant ainsi entendre qu'on ne peut accuser Pékin de manipuler à dessein sa monnaie.

Les deux experts, qui disent s'exprimer à titre personnel, ne citent certes aucun nom de pays, mais le cas de figure analysé ressemble à celui de la république populaire de Chine, et plus généralement à la situation présente. Leur note, soulignent-ils, répond à la demande du G20 de réfléchir à des pistes de réflexion sur la façon de pouvoir réduire les déséquilibres économiques mondiaux qui se sont creusés ces derniers temps entre les pays. Le G20, sous la présidence française, s'est donné en effet pour mission de réduire ces déséquilibres pour parvenir à une croissance mondiale plus durable.

Posant comme axiome que « tout pays a le droit d'être dans l'erreur aussi longtemps qu'il ne cause pas de mal aux autres », ils essayent de fournir une réponse à deux questions : pourquoi un pays pourrait vouloir réduire le déficit ou l'excédent de son compte courant ? Pourquoi la communauté internationale pourrait exiger davantage ?

Même si cela n'est pas dit, l'argumentation serrée de l'article permet en fait d'analyser la légitimité économique à demander à la Chine de réévaluer sa devise, le yuan. Sa faiblesse, qui résulterait d'une manipulation aux yeux des Américains et des Européens, serait responsable, d'une compétition commerciale déloyale dont souffrent leurs économies.

En effet, ils décrivent l'exemple d'une économie fondée sur une association "d'exportations élevées", une "demande intérieure faible" et par conséquent "un taux d'épargne élevé", résultant entre autres d'une "une faible protection sociale" dans le pays. Une économie de ce type applique habituellement "un taux de change déprécié pour maintenir son équilibre interne", ce qui équivaut à des barrières douanières associées à des subventions à l'exportation.

Toutefois, il n'en reste pas moins difficile, en pratique, de "prouver l'intention ou l'absence d'intention" d'avoir une monnaie jugée sous-évaluée. De même, "si une stratégie de croissance tournée vers les exportations a des chances de se traduire par un vaste excédent des comptes courants, un tel excédent ne prouve pas qu'il s'agit d'une stratégie en faveur des exportations". Comme ils le soulignent : "prouver l'intention - à savoir prouver que les excédents reflètent une stratégie délibérée de gagner un avantage compétitif - reste probablement difficile".
Les deux experts concluent clairement que l'incitation faite aux pays dégageant des surplus de réduire ces excédents relève davantage de considérations politiques et diplomatiques qu'économiques.

Pékin devrait apprécier la note des économistes du FMI. En effet, le président Hu Jintao n'a eu de cesse de répéter lors de ses dernières visites officielles à ses homologues européens et américain qu'une forte réévaluation du yuan créerait des déséquilibres dans l'économie chinoise qui entraînerait de fortes perturbations sociales.

 


 

Commentaires 5
à écrit le 03/03/2011 à 10:19
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Le yuan prochaine monnaie de réservé avec le rouble et le dollar australien?

à écrit le 03/03/2011 à 5:26
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Les Chinois sont un peuple martyrisé , au profit de la consommation mondiale , le FMI ne voit pas ce peuple , comme ceux qui en profitent à l'intérieur comme à l'extérieur, il sera toujours temps de s'indigner s'ils se rebellent contre leur dictateu...

à écrit le 02/03/2011 à 21:34
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Le MacCarthysme est toujours bien vivant. Pourquoi ne pas être d'accord avec les Américains veut-il toujours dire qu'on est contre eux ?? Ne se trompent-ils jamais ou est-on condamnés à les trouver beaux et intelligents quoi qu'ils fassent ?

à écrit le 02/03/2011 à 17:22
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"Existe-t-il un lien tangible entre excédents commerciaux et manipulations de sa monnaie ? " Si c'était vraiment cette question qui était posé, la réponse aurait tenu en moins de 15 pages et en un seul mot : oui. Mais comme l'indique d'ailleurs la su...

à écrit le 02/03/2011 à 16:16
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Le FMI deviendrait-il pertinent? On peut en douter par contre on peut douter sérieusement des intentions des Etats-Unis de faire remonter le dollar, la politique de la FED étant assez parlante à ce sujet.

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