Déclin de l'Occident : mythe ou réalité ?

Si les derniers événements de la décennie semblent attester d'un déclin de l'Occident, ils portent aussi en eux les germes d'une réforme salutaire de nos systèmes de croyance et de gouvernance. À condition de trouver une nouvelle façon de piloter, plus juste et plus globale.
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Voilà dix ans que l'histoire du monde ne cesse de s'accélérer. Depuis le 11 septembre 2001 exactement, quand, après avoir cru un bref instant à la fin de l'histoire, on perçut soudain l'augmentation de la fréquence des événements planétaires. Depuis, tous ou presque semblent attester le scénario d'un déclin de l'Occident. Le 11 Septembre apparut ainsi comme la contestation radicale du modèle démocratique ouvrant la perspective d'un choc des civilisations. Le 15 septembre 2008, début révélé de la crise financière, fut interprété comme le commencement de la débâcle du capitalisme et l'affaiblissement de l'hyperpuissance américaine, mise en échec sur tous les fronts. Depuis le 11 mars 2011, enfin, nous assistons à la pire catastrophe qu'ait connue un pays développé, obligé de reconnaître aussi bien face à une nature déchaînée que face à ses propres créations technologiques : "no, we cannot !" La modernité occidentale serait ainsi ébranlée dans ses trois contributions majeures, historico-mondiales : la démocratie, le capitalisme et la technoscience. L'hubris (la démesure) d'une maîtrise par l'homme de son destin semble trouver dans ces trois coups du sort sa punition et son terme. Requiem in pace : l'Occident est fini !

Voilà ce que nous allons entendre dans les prochains jours. C'est beau, c'est crépusculaire, c'est tragique ! Mais est-ce exact ? C'est ce dont on peut douter et, en tout cas, discuter pour au moins trois raisons.

1. D'abord, dans la série actuelle, il y a au moins une bonne nouvelle : les révolutions arabes. Certes, on ne sait pas encore ce que cela va donner, et il se pourrait bien que, pour certaines, elles soient ou étouffées dans l'oeuf ou peu libérales dans leurs motifs. Mais il n'empêche que, pour la première fois depuis dix ans, l'islamisme radical paraît ringard et dépassé. A l'inverse, l'attrait pour le libéralisme politique et pour les valeurs démocratiques n'a jamais semblé aussi puissant. Et ici, ce n'est pas le Nord (ou l'Occident) qui convertit (croisade), impose (colonialisme) ou exporte (impérialisme) son modèle, mais c'est le Sud (ou l'Orient) qui se dirige de lui-même vers le lieu de "Rendez-vous des civilisations"(Youssef Courbage et Emmanuel Todd, Seuil, 2007) en inventant son propre chemin.

2. Ensuite, l'exigence qui se manifeste à travers ces trois séries d'événements ne tend certainement pas vers un fatalisme satisfait ou une volonté de lâcher prise, mais au contraire vers un surcroît de maîtrise. Les crises actuelles, qu'elles soient politiques, économiques ou environnementales, ne suggèrent pas qu'il faille arrêter la démocratie, le capitalisme ou la science, mais elles invitent au contraire à être davantage démocrate, plus efficacement et sagement capitaliste et, encore plus scientifique, pour tenter de mesurer les risques et les périls de nos propres actions. Il faudra, plus que jamais, dans les débats à venir se méfier des séductions de la révolution ou des oripeaux de la pensée réactionnaire (cumulables d'ailleurs dans l'espoir impuissant et douteux d'une révolution conservatrice), pour se consacrer à la seule tâche qui mérite d'être accomplie et qui est assez difficile comme cela : la réforme.

3. De ce point de vue, l'urgence est la gouvernance mondiale : ou comment piloter de manière plurielle une modernité et une planète qui tend à être de plus en plus commune ? C'est le grand défi de la mondialisation, celui d'une justice globale, d'une prospérité partagée et durable, d'une démocratie planétaire. Dans ce formidable challenge, l'Occident doit se garder autant du doute que de l'arrogance, qui sont ses deux tentations perpétuelles. Mais on oublie trop souvent qu'il n'est aucune idée plus consubstantielle à l'Occident que celle du déclin de l'Occident. Qu'elle fleurisse encore et toujours est donc plutôt un signe de bonne santé !

Commentaires 15
à écrit le 11/09/2011 à 15:07
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Quelques siècles de domination économique ont convaincu l'occident que la démocratie est un concept occidental et que le monde tourne autour d'elle! L'histoire nous démontre que les démocraties avaient existé en Inde et ailleurs bien avant que l'occ...

à écrit le 01/04/2011 à 11:11
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L'instauration d'une gouvernance mondiale me fait penser au conseil intergalactique du film Star Wars. Il va falloir installer des contres pouvoirs sinon il pourrait accoucher comme dans le film d'un méchant empereur dictateur. Si ces contre-pouvoirs...

à écrit le 31/03/2011 à 23:28
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c'est assez surprenant ces déchaînements naturels rapides

à écrit le 31/03/2011 à 23:17
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Ouais si on veut... enfin ça sent quand même le gros pompe-zob pétri de valeurs bobos qui veut se rassurer dans un modèle qui lui assure de pouvoir continuer à astiquer sa Rolex et sa Mercèdès pendant les quelques années qu'il lui reste à vivre. Au p...

à écrit le 31/03/2011 à 16:50
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<<Les crises actuelles, qu'elles soient politiques, économiques ou environnementales, ne suggèrent pas qu'il faille arrêter la démocratie, le capitalisme ou la science, mais elles invitent au contraire à être davantage démocrate, plus efficacement et...

à écrit le 28/03/2011 à 11:46
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Pour ma part ,je pense fermement que nous sommes dans une direction de déclin voulu ,organisé ,étant donné qu'un nombre grandissant de diplomés ne puissent trouver de job .

à écrit le 27/03/2011 à 11:47
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1 - "en inventant son propre chemin" les pays arabes font tout de même un peu appel à l'occident que je sache pour "leur révolution" excusez moi mais cela s'appelle de l'Impérialisme (d'une certain manière). 2 - la CATASTROPHE du Japon les vrais acte...

à écrit le 27/03/2011 à 11:32
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Voir dans les attentats du 11 septembre le déclin politique de l'occident est un peu fort en chocolat, mais je trouve le reste de l'analyse très pertinente. L'histoire montre que le déclin commence quand la réalité devient une donnée quelconque, quan...

le 01/04/2011 à 9:45
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c'est fort en chocolat en effet !!!

à écrit le 26/03/2011 à 23:12
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Étant convenue que l Europe est en déclin ... Votre conception philosophique de l univers ou de l économie me surprend... Somme nous dans "la fin d un cycle "?..ou aux contraire rentrons nous dans "une nouvelle ère"?...Vous mettais le doigt sur d...

à écrit le 26/03/2011 à 13:33
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Déclin, non ! Nous vivons ni plus ni moins le cycle de l'économie habituel ,plus visible car la sinuosité du graphique est plus accentuée .Le changement se faisait sur plusieurs génération , aujourd'hui ,sur 10 ans le changement est de même amplit...

à écrit le 26/03/2011 à 6:45
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Se prétendre philosophe, quelle prétention et quel manque de modestie !

le 26/03/2011 à 7:48
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"l'Oracle de Delphes a dit que de tous les Grecs j'étais le plus sage ce qui signifie que de tous je suis le seul à savoir que ne sait rien" Socrates ...

le 26/03/2011 à 20:39
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Ne vous cassez pas la tête ,la philosophie c'est comme la politique l'art de nous expliquer les choses avec tant de précisions qu 'on y comprend plus rien à la fin .

le 26/03/2011 à 22:48
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Il ne faut pas confondre la politique - l'art du verbe - et la philosophie - l'essai de la raison.

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