À Fukushima, les agriculteurs sont livrés à eux-mêmes et à la radioactivité

Dans cette région agricole, les autorités sanitaires sont incapables de circonscrire la contamination de la chaîne alimentaire.
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Chaque mois d'août, Mikiko Watanabe accueillait dans son verger de Fukushima des centaines d'enfants des villes. Ils participaient à la cueillette des pêches avant de se gorger de fruits et de rentrer chez eux. « Cette année, personne ne viendra », se lamente cette fermière sous ses pêchers qui ploient sous les fruits, au parfum enivrant. « Sa » province de Fukushima est frappée du sceau du soupçon depuis l'accident nucléaire de la centrale éponyme, le 11 mars. Les émanations radioactives de l'accident, en particulier du césium, se sont déposées, éparses, dans la région, portées par le vent et la pluie. Comme de nombreux producteurs, le jeune Kunihiro Saito a dû détruire toute sa production de brocolis en mai. Les plants, brûlés, forment un long tas au milieu des champs malgré leur forte teneur radioactive. « Personne ne sait où stocker ça », explique-t-il en retournant à ses aubergines, qu'il espère propres à la consommation.

Les autorités nationales et locales se sont révélées incapables de prévenir la distribution de produits contaminés dans la chaîne alimentaire. « Le ministère de l'Agriculture laisse le champ libre aux préfectures, sans pédagogie ni contrôle de la destruction des produits contaminés », dénonce un diplomate européen en charge des questions agricoles. Sur le terrain, la cacophonie est totale. La campagne de Fukushima offre un paysage de chaos inédit au Japon, où la nature est généralement aussi ordonnée qu'un salon. Les parcelles abandonnées se recouvrent peu à peu de mauvaises herbes qui débordent sur la route.

La préfecture de Fukushima effectue des contrôles sur 300 endroits au hasard, et tire de ces résultats les règles qui s'appliquent à toute la production. Cette méthode ne tient pas compte des divers niveaux de radioactivité du sol. Les autorités comptent sur le « volontariat » des agriculteurs, encouragés à tester eux-mêmes, et à leurs frais, leur production. « Que voulez-vous, c'est la méthode japonaise », soupire-t-on à la mairie de Fukushima. Cette dernière songe à faire ses propres contrôles, en sus de ceux de la préfecture, pour rétablir la confiance. Car la situation ne fait qu'empirer. Les découvertes de produits de Fukushima contaminés se suivent depuis quatre mois. Les journaux japonais ont récemment révélé que la viande venant de 1.000 boeufs qui avaient ingurgité du fourrage radioactif s'était perdue dans la chaîne alimentaire. L'administration est incapable de déterminer si elle a été exportée ou non. Le pire est peut-être à venir. La préfecture de Fukushima est la quatrième productrice de riz du pays, avec 1,4 million de tonnes par an. Cette année, les riziculteurs de la région escomptent malgré la catastrophe une production de 300.000 tonnes. Ils ont repiqué leur riz comme si de rien n'était en mai, deux mois après l'accident nucléaire, avant la récolte de septembre. Ils ne savent pas encore si leur céréale sera propre à la consommation. « Le nom de Fukushima est désormais comparé à celui de Tchernobyl. C'est un drame dont nous ne pouvons pas sortir », se lamente une villageoise.

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