Japon : le consensus nucléaire fissuré

Avant l'accident, la part du nucléaire au Japon devait être portée de 30% à 50% d'ici 2050. Depuis, le parc des centrales a placé progressivement à l'arrêt presque complet. Les éventuelles remises en marche seront soumises à autorisation régionales. Dans la population, le sentiment qui domine est pour le moment antinucléaire. Mais il pourrait évoluer, tant le pays est dépendant de l'extérieur pour son énergie.
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Parmi le bouquet de ressources qui composent le « mix énergétique » du Japon, le nucléaire occupait, historiquement, une place toujours plus grandissante. Depuis quarante ans, d'un plan stratégique à l'autre, les changements de contexte (choc pétrolier, guerre des ressources avec la Chine, tensions géopolitiques dans les pétromonarchies, flambée des cours du pétrole) ont tous poussé l'Archipel à privilégier l'atome. Aujourd'hui à 30%, la part du nucléaire devait être portée à 50% d'ici 2050, avait décidé le ministère de l'Industrie. Le Japon s'était même fabriqué une remarquable industrie nucléaire de toutes pièces en quarante ans grâce aux investissements dans la filière de Toshiba et d'Hitachi. Celle-ci aurait dû être un des nouveaux secteurs exportateurs du Japon. Le gouvernement multipliait les visites aux chefs d'État de pays en développement pour leur vanter la force industrielle du pays et sa sécurité à toute épreuve.

"Sortir du nucléaire" sans consultation politique

Ce rêve s'est envolé le 11 mars dans les fumées de la centrale de Fukushima. La contamination sur des dizaines de kilomètres autour de la zone, le traumatisme qui s'ensuivit ont conduit les autorités à réaliser en un an ce que d'autres pays "nucléarisés" comme la France envisagent de le faire en plusieurs dizaines d'années : "sortir du nucléaire", le tout sans la moindre consultation politique. Fin mai, il n'y aura plus un seul des 54 réacteurs japonais en opération. Cette mise à l'arrêt du parc japonais est sans doute très temporaire. Mais son redémarrage dépend d'autorisations locales qui seront tres difficiles a obtenir dans le contexte actuel.

Pour l'Etat, littéralement obsédé par la question de ses ressources (le Japon maintient les plus importantes réserves de pétrole au monde), cette remise en cause est douloureuse. Les Japonais eux-mêmes ont compris qu'ils vivaient désormais dans un nouveau paradigme. La consommation d'électricité a baissé de 6% par mois depuis le 11 mars. Les industriels développent des produits éco-intelligents (ampoules LED, climatiseurs intelligents...) que les particuliers achètent pour être vertueux et économiser sur leurs factures d'électricité. C'est que celles-ci flambent depuis que le nucléaire a disparu. Les opérateurs du pays ont remplacé par du charbon et du gaz naturel le nucléaire qui leur fait défaut, essuyant d'énormes surcoûts qu'ils tentent de repasser à l'usager final.

17% de hausse du prix de l'électricité

Déjà, les industriels doivent encaisser une hausse de 17% du prix de l'électricité, et la facture des  particuliers sera bientôt augmentée de 10%. Ces flambées des tarifs de l'énergie accélèrent les délocalisations de l'appareil productif industriel nippon. Elles devraient également favoriser la mue du secteur résidentiel japonais et l'obliger à se tourner vers des maisons « durables ». L'isolation n'est toujours pas une priorité intégrée par les Japonais.

La catastrophe de Fukushima a aussi redonné de l'élan aux industries des énergies renouvelables et favorisé l'émergence de nouveaux acteurs dans ce secteur, comme le géant de l'internet Masayoshi Son qui veut déployer un réseau de centrales solaires dans le paus. La part du renouvelable est très faible au Japon (1% environ de la production d'électricité) et le gouvernement professe qu'il veut l'augmenter. Ce au grand dam des opérateurs d'électricité eux-mêmes.

Le risque de coupures de courant cet été

Mais un saut ambitieux vers le solaire, la biomasse ou l'éolien se traduirait par une nouvelle hausse des tarifs de l'électricité et par des coupures de courant, auxquels les Japonais ne sont pas habitués. Sans oublier les objectifs de réduction du CO2 que s'était fixé le Japon, et qui deviennent inatteignables dès que le pays sort du nucléaire. "Il y a un fort sentiment antinucléaire qui s'est développé au Japon après Fukushima. Mais ce sentiment ne se maintiendra pas lorsque les Japonais seront confrontés aux conséquences d'un abandon du nucléaire", estime Paul J. Scalise, spécialiste de la politique japonaise. "De plus, tous les pays qui ont une part importante de leur énergie venant du renouvelable dispose à la fois de réserves d'énergie importantes et de conditions naturelles favorables. Le Japon ne dispose pas de ces deux luxes", poursuit-il. Un test grandeur nature aura peut-être lieu cet été : l'Archipel risque de nombreuses coupures de courant s'il ne parvient pas à réduire sa consommation d'énergie, a averti le ministre de l'Industrie Yukio Edano.

Commentaires 2
à écrit le 11/03/2012 à 7:28
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Résultats mesures par le sysème RADIOACTIVE@HOME (projet BOINC) à Takadomi (Préfecture Saitamaken, Chef-lieu Yoshikawashi), au nord de Tokyo : Last measurement sensor: 0.09 uSv/h Last 24 hours average: 0.11 uSv/h Details sensor 374 ? à Takadomi, Jap...

à écrit le 09/03/2012 à 17:44
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Mars 2011 a pris des couleurs atomiques. La percée de la centrale de Fukushima, ouverte à tous les vents, nous a permis de humer ses profondeurs énergisantes. De là à couvrir les terres de France d?éoliennes, la Joly plissée a sauté le pas et au-dess...

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