L'Inde sème la confusion sur le marché du coton

En décidant lundi d'un embargo sur les exportations de balles de coton, l'Inde a provoqué la surprise parmi les intervenants sur le marché de la fibre blanche. Mais, pour les experts, les prix ne devraient pas s'enflammer comme durant la saison 2010-2011.
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Le marché du coton, s'apprête-t-il à revivre l'épisode de la fin 2010-début 2011 qui avait vu le cours de la fibre blanche s'envoler jusqu'à 2,27 dollars la livre en mars 2011 ? Son prix avait été multiplié par deux en cinq mois seulement. A la surprise générale, l'Inde, le deuxième producteur mondial, a annoncé lundi son intention d'interdire jusqu'à nouvel ordre toute exportation de coton, y compris la production déjà vendue et prête à être embarquée pour être livrée.

La décision, prise alors que le pays a déjà atteint ses objectifs d'exportations (de 8,4 millions de balles de coton) et entend approvisionner son marché local tout en le préservant de prix élevés, a enflammé les cours lundi. Sur l'ICE Futures, à New York, le contrat de référence pour livraison en mai a vu bondi de 4,5% (la limite autorisée) pour s'établir à 92,23 cents la livre. Mardi matin, son prix s'est hissé jusqu'à 94,24 cents. De quoi effrayer la filière textile et habillement si cette tendance venait à se confirmer.

Deuxième pays producteur au monde

« L'Inde est le deuxième pays producteur de coton au monde, avec 22% de la production et 17% des exportations mondiales », rappelle Sudakshina Unnikrishnan, chez Barclays Capital. Les exportations du pays sont notamment destinées à la Chine et au Bangladesh. Et pourtant, de l'avis des experts, il est peu probable que les cours s'envolent vers de nouveaux sommets cette fois-ci.

« Nous ne sommes pas dans la configuration de la fin 2010 », souligne un courtier français. Le marché s'était emballé, emporté par une succession d'éléments inquiétants : des inondations au Pakistan, des glissements de terrain en Chine qui avaient affecté la production, l'annonce de la volonté de l'Inde de restreindre ses exportations - déjà -. Le tout combiné à de stocks mesurés à leur plus bas niveau depuis 14 ans à l'été 2010. En outre, « traditionnellement, en cette période de l'année, la qualité du coton indien diminue en raison de problème de stockage. De coup, la présence de l'Inde sur le marché baisse aussi », ajoute un autre expert.

Le marché du coton s'est normalisé

« Si l'annonce de l'Inde est une surprise, le tableau général coté offre mondiale de coton est rassurant. En réponse à la tendance à la hausse des prix, la production sur la saison 2011-2012 a augmenté significativement. Le département américain à l'Agriculture (USDA) l'estime autour de 123,3 millions de balles de coton (une balle étant évaluée à 218 kilos aux Etats-Unis, mais 170 kg en Inde), en progression de 5,9%. L'Australie et le Pakistan devraient afficher des croissances de 18 à 19%. Quant aux stocks, ils sont également en hausse », souligne l'analyste de Barclays Capital. 

Du côté de la demande, le tableau est moins florissant. Celle-ci s'est érodée, du fait des prix et des incertitudes sur la croissance économique mondiale. Pour l'USDA , le déclin pourrait être de 4,3% sur un an. C'est pourquoi Barclays Capital s'attend à voir les cours se replier vers les 80 cents d'ici à la fin juin et table sur un cours moyen à 88 cents sur l'année 2012.

Une décision qui divise en Inde

Surtout, au petit jeu de l'embargo, l'Inde risque de perdre. Il n'est d'ailleurs pas exclu que le pays fasse marche arrière. Le ministre de l'Agriculture a lui-même demandé, mardi, à ce que l'interdiction d'exporter soit levée pour éviter de pénaliser les producteurs de coton du pays et de décourager les semis futurs, qui ont lieu traditionnellement en avril et mai. Lundi, les cours de la fibre sur le marché local ont reculé. Si la tendance se poursuivait, les agriculteurs pourraient être tentés d'opter pour d'autres matières agricoles plus rémunératrices. Sans compter qu'un certain nombre d'acheteurs à l'étranger pourraient bien finir par se lasser de l'attitude du gouvernement indien, qui rend incertain les approvisionnements.

Une réunion interministérielle a été programmée ce vendredi. En attendant, c'est la confusion. Et notamment pour les filatures dépendantes d'embarquements rapprochés de balles de coton, en Chine ou au Bangladesh. Doivent-elles se tourner vers d'autres pays producteurs ? Pour l'heure, les experts estiment que les importateurs ont encore de quoi tenir quelques semaines. Mais si l'embargo venait à être confirmé, et notamment sur les contrats déjà vendus mais restants à livrer (jusqu'à 2,6 millions de balles seraient concernées), le cours, revenu ce mercredi à 90,60 cents, pourrait bien être dopé à court terme alors que ces acheteurs pourraient être obligés de retourner sur le marché. Le Bangladesh, notamment, dépend de l'Inde pour 30% de ses besoins.
 

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