Mille milliards de dollars. C'est le montant invraisemblable atteint l'an passé par l'encours des prêts étudiants aux États-Unis, selon une estimation du tout nouveau Bureau de protection des consommateurs financiers (CFPB). Début mars, la Réserve fédérale de New York avait chiffré cet encours à 870 milliards de dollars. Il a quasiment doublé au cours des cinq dernières années, dépassant le montant de l'ensemble des prêts à la consommation ou celui des prêts automobile. Et cette tendance devrait se poursuivre: la Fed de New York estime que les prêts étudiants s'élèveront à 1.400 milliards de dollars en 2020.
Le CFPB avance plusieurs explications à cette progression. D'un côté, de plus en plus d'Américains repoussent leur entrée sur le marché du travail ou reprennent des études en attendant que la situation de l'emploi s'améliore. De l'autre, les frais de scolarité ne cessent de progresser alors que les bourses d'études (dont bénéficient deux-tiers des étudiants américains), elles, continuent de se contracter. Dans les deux cas, la situation budgétaire difficile de la grande majorité des 50 Etats américains est en cause.
28 500 dollars par an pour une université privée
Selon les calculs du College Board, le coût d'une année universitaire dans un établissement public dépasse désormais les 8.000 dollars, en hausse de 8 % par rapport à 2010. Cette facture grimpe à 28.500 dollars dans une université privée. Et il faut compter jusqu'à 60.000 dollars par an pour suivre les cours dans les institutions les plus prestigieuses du pays. En moyenne, les étudiants américains ont ainsi emprunté 5.000 dollars en 2010, un bond de 63 % en dix ans (à dollars constants). La plupart des étudiants bénéficient de prêts garantis par l'Etat, ce qui leur permet de ne commencer à les rembourser que dans les six mois suivant l'obtention de leur diplôme.
Au bout de leurs cursus, ils se retrouvent ainsi endettés à hauteur de 25.000 dollars. Pour certains, ce chiffre dépasse les 100.000 voire les 200.000 dollars. Selon la Réserve fédérale de New York, 37 millions d'Américains - dont 16% ont plus de 50 ans - doivent encore rembourser tout ou partie des prêts engagés pour financer leurs diplôme. "Trop d'étudiants ont contracté de prêts qu'ils ne seront jamais capable de rembourser et auxquels ils ne pourront jamais échapper", expliquait récemment le sénateur démocrate Richard Durbin, qui propose d'intégrer les prêts étudiants dans les processus de faillite personnelle.
37 millions d'Américains remboursent toujours leur prêt étudiant
Le modèle traditionnel, celui vanté par la société américaine, est en effet remis en cause. L'éducation est, certes, toujours considérée comme un investissement sur l'avenir, permettant de trouver plus facilement un emploi (le taux de chômage pour les diplômés universitaires n'atteint que 4,3%, contre 9,4% pour les simples "bacheliers") avec un salaire plus élevé. Mais la récession économique a modifié la donne: les diplômés universitaires éprouvent plus de difficultés à trouver un emploi correspondent à leur niveau de qualification et doivent aussi accepter un salaire souvent inférieur à celui espéré.
Parmi les 37 millions d'Américains remboursant toujours leurs prêts étudiants, 5,4 millions, soit 14%, accusent ainsi un délai de paiement d'au moins 30 jours. Et la situation ne s'améliore pas: une récente étude réalisée par Institute for Higher Education Policy a montré que seulement 37 % des diplômés de 2005 n'étaient pas en retard sur leurs remboursements, qui peuvent atteindre jusqu'à 15 % des revenus pendant vingt-cinq ans. Selon le département de l'Éducation, le taux de défaut sur les prêts étudiants atteignait en 2010 près de 9%, deux points de plus qu'en 2007.
Les taux d'intérêt réduits pourraient doubler
"Au lieu d'économiser pour se constituer un apport personnel pour un prêt immobilier, ils doivent effectuer d'importants remboursements tous les mois, s'inquiète en Rohit Chopra du CFPB. Or, les primo-accédants constituent une part essentielle du marché de l'immobilier", qui peine déjà à se relever de la terrible crise qu'il vient de traverser. Ces craintes sont d'autant plus importantes que les taux réduits dont bénéficient les étudiants à revenus modérés pourraient doubler cet été alors qu'arrive à échéance une loi d'aide votée en 2007. Cela pourrait se traduire par un surcoût de 5.000 dollars.