Le retour de Vladimir Poutine au pouvoir va accélérer un ambitieux programme d'infrastructures

La Russie doit développer son réseau d'infrastructures pour moderniser une économie encore trop dépendante de la rente des hydrocarbures. Nombre d'entreprises européennes devraient profiter d'un marché estimé à 1.000 milliards de dollars, grâce au retour de la stabilité politique et l'amélioration du cadre législatif.
Chantier de construction de voies ferrroviaires près de Rosa Khutor en mai 2011, en prévision des Jeux Olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi/Copyright AFP

A la fin du mois de mars, Igor Levitin, ministre russe des Transports, était de passage à Paris. Il était venu pour rencontrer son homologue français, Thierry Mariani, mais aussi participer au Club Grands Projets du cabinet Herbert Smith, qui avait pour thème « Investir dans les infrastructures en France et en Russie ». C'était l'occasion pour ce proche de Vladimir Poutine, qui devrait être reconduit dans la prochaine équipe gouvernementale,  non seulement de vanter les opportunités d'investissements dans les infrastructures du pays à un parterre fourni de représentants d'entreprises françaises, mais aussi et surtout de les rassurer. En effet, l'ensemble de ce marché a de quoi susciter les convoitises avec un un montant évalué à 1.000 milliards de dollars, si l'on y inclut les utilities (gestion de l'eau, des déchets.).

Un programme défini jusqu'en 2030

L'intérêt pour ces projets d'infrastructures n'est pas nouveau. La Russie avait élaboré il y a quelques années un programme de ses immenses besoins jusqu'en 2030. Il s'agit de construire de nouveaux ouvrages mais aussi de mettre à niveau les réseaux routiers, ferroviaires, portuaires et aéroportuaires existants, de les développer, de les entretenir et de les gérer.

Ainsi, les principales villes russes ne bénéficient pas de liaisons rapides routières. Le gouvernement souhaitait construire et réparer entre 2010 et 2015 quelque 1.900 km, et jusqu'à 9.000 km à l'horizon 2030. En matière d'aéroports, la Fédération de Russie veut ouvrir plus de 100 pistes d'atterrissage avant 2016, et compte doubler la capacité de ses ports. Elle possède l'un des plus importants réseaux ferroviaires du monde, avec 44.000 km de voies électrifiées sur un total de 85.000 km de voies de chemin de fer, mais cela reste insuffisant. D'autant que certains tronçons sont vétustes.

Des retards dus à la crise financière

Le retour en juin à la tête du pays de Vladimir Poutine, qui a toujours veillé à l'avancement du dossier, devrait donner un coup d'accélérateur au programme. Le prochain président sait en effet que, même s'il peut encore compter sur de substantiels revenus liés aux hydrocarbures durant les prochaines décennies, un réseau d'infrastructures de qualité est la condition nécessaire au développement d'une économie performante.

Or ces dernières années, le programme a perdu de son attractivité pour les investisseurs internationaux. "Certains projets ont dû être retardés ou même annulés à cause de la crise financière qui a réduit les marges budgétaires du gouvernement de la Fédération russe, laquelle a dû répondre à d'autres priorités", explique Olga Revzina, avocat associée du cabinet Herbert Smith, à Moscou. Cette contrainte a poussé le pays à annuler, repousser ou modifier les partenariats publics privés (PPP), système avec lequel sont de plus en plus réalisés les grands projets d'infrastructure à travers le monde. Les PPP permettent à l'Etat ou à des collectivités locales d'attribuer à une entreprise ou un consortium d'entreprises la conduite complète d'un projet en le finançant, le construisant et en l'exploitant avec les prestataires de son choix.

83 régions qui ont leur propre législation

Plusieurs facteurs compliquent len effet a venue d'investisseurs étrangers. Ainsi le cadre légal des PPP reste encore trop flou. Depuis un an et demi, le cabinet Herbert Smith conseille les autorités russes pour que le pays se dote d'une législation répondant davantage aux exigences des normes internationales. « Nous travaillons à rendre plus précises les modalités concrètes de la loi fédérale parfois incomplète ou trop imprécise en matière de PPP. En outre, il faut également harmoniser ce cadre légal avec les législations régionales et municipales », explique Olga Revzina. Ce travail est rendu d'autant plus complexe que le pays compte pas moins de 83 régions, qui ont pratiquement chacune leur propre législation, ce qui décourage l'investissement sur des projets de long terme.

Outre ce travail juridique, il y a l'équation du pouvoir au Kremlin devenue ces deux dernières années plus complexe avec la prise en compte des subtils dosages entre les différents groupes d'intérêt. Cela a pesé sur la dynamique des projets. Mais sous l'impulsion de Vladimir Poutine, ces hypothèques devraient être rapidement levées. "Les investisseurs ont avant tout besoin de stabilité car les sociétés qui ont en charge ces projets de PPP construisent et exploitent un service public dont la rentabilité est très largement influencée par les facteurs juridique, politique et économique du pays concerné. En outre, un gestionnaire de service public doit rendre des comptes aux autorités publiques qui lui ont confié cette mission. Il ne peut librement adapter sa politique commerciale comme le font ceux qui évoluent dans des secteurs réellement privés", explique Christophe Lefort, associé, spécialiste des infrastructures, chez Herbert Smith à Paris.

Moscou écarte les concurrents chinois

Quant à la concurrence pour les potentiels investisseurs, Moscou entend faire appel au savoir-faire du Vieux continent, un choix parfaitement assumé. "Les autorités sont réticentes à accueillir les entreprises chinoises qui n'ont pas toutes fait la preuve de leur capacité à réaliser des ouvrages de très grande qualité, même s'il est certain que certaines progressent très vite et constituent une concurrence redoutable pour les entreprises européennes.

En outre, la construction des grands projets d' infrastructure est également un moyen classique de générer de l'emploi pour la population locale. Or comme on peut le voir en Afrique, les entreprises chinoises ont souvent massivement recours à leur propre personnel alors que les sociétés européennes utilisent, même pour des projets d'envergure, un nombre très limité d'expatriés", explique Christophe Lefort. Les français Vinci, Alsthom, Bouygues, l'allemand Hochtief, l'espagnol OHL ou encore l'autrichien Strabag sont déjà présents, mais la liste pourrait s'allonger dans un proche avenir.
 

Commentaires 7
à écrit le 16/04/2012 à 12:26
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L'ensemble va dans le bon sens : recours aux entreprises européennes, programme à long terme,.... Il faudrait que Poutine fasse parallèlement une réforme législative pour éviter que la corruption ne s'immisce pas dans les gros marchés juteux. Mais av...

à écrit le 16/04/2012 à 11:44
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La Russie restera malgré tout un pays arriéré appartenant au tiers monde.

à écrit le 16/04/2012 à 9:08
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Ca me rassure un peu! Avec tous ces travaux et sur une durée aussi courte, je me pose des questions sur la qualité des infrastructures. S'appuyer sur des entreprises du "vieux continent" est plutôt une bonne décision .

le 16/04/2012 à 14:57
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@Ouf: pour 2 pelés, 3 tondus, le délai serait en effet court, mais si on y met les moyens humains et matériles, tout est possible. Quant à faire appel aux "entreprises du vieux continent", je souhaiterais personnellement que soient éliminées systémat...

le 16/04/2012 à 16:12
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Où avez vous entendu dire que la Russie et la France sont ennemies? Entre la politique et les affaires...

le 16/04/2012 à 18:25
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@Mais non: renseigne-toi : Serguei Lavrov demande depuis de nombreuses années qu'il n'y ait plus de visas entre l'UE et la Russie ...et Fillon et Sarko s'y opposent farouchement...comme pour l'entrée de la Turquie dans l'UE. Si ce n'est pas une décla...

le 16/04/2012 à 23:14
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Fillon et Sarko s'opposent? Plus pour longtemps...

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