Affaire Bo Xilai, un procès pour (presque) rien

Le fait que Gu Kailai, l'épouse de l'ex-cacique du parti Bo Xilai, ait échappé à l'exécution capitale alors qu'elle a été reconnue de meurtre avec préméditation est critiqué dans la blogosphère chinoise qui y voit deux poids, deux mesures. Surtout, il laisse entier les zones d'ombre de l'ascension fulgurante de celui qui devait intégrer le politburo du PC cet automne.
Gu Kalai face à la cour du tribunal de Heifei /Copyright Reuters

Le sursis de deux ans qui a accompagné la condamnation à mort lundi de Gu Kailai, l'épouse de l'ex-étoile montante du Parti communiste chinois Bo Xilai, et qui va lui permettre d'échapper à la peine capitale, a alimenté mardi la polémique dans la blogosphère chinoise.

"Un assassinat réalisé selon un plan méticuleusement préparé et au bout du compte une condamnation à mort avec sursis. Que la vie est belle, que la justice est douce quand on est protégé par le Parti", ironise l'éditorialiste Yao Bo sur le site de microblogging Weibo, résumant le sentiment de nombreux Chinois d'une justice à deux vitesses.

Parodie de justice

Beaucoup voient dans ce verdict une parodie de justice. D'abord, Gu échappe à la mort, alors qu'il est établi qu'elle a empoisonné de sang-froid un proche de la famille de longue date, l'homme d'affaires britannique Neil Heywood qui aurait lui-même menacé d'assassiner leur fils, Bo Guagua, âgé de 24 ans, à cause d'un différend financier. Pou un quidam chinois, ce serait la peine de mort à coup sûr. Ensuite, les dessous de l'affaire ne sont pas traités, en particulier le rôle exact joué par Bo Xilai.

Ainsi, le tribunal a justifié sa décision en arguant de la collaboration de Gu Kailai à l'enquête, ce qui pourrait signifier qu'elle aurait fourni des informations sur les agissements de son mari durant ces dernières années, et de la santé psychologique fragile de l'accusée.

Un bon point pour les autorités

Pour les autorités, ce procès est un bon point. Elles montrent leur souci d'évoluer en matière de peine de mort, elles ne s'aliènent pas les nombreux soutiens au sein du parti dont bénéficiait Bo Xilai et elles répondent favorablement à un gouvernement britannique qui ne souhaitait pas une exécution capitale pour l'assassinat de son ressortissant.

Car au-delà du cas Gu, c'est celui de Bo Xilai qui préoccupe les instances du parti, en particulier son unité avant le congrès de cet automne qui va voir arriver une nouvelle génération de dirigeants à la tête de la deuxième puissance mondiale.

La mise à l'écart spectaculaire - en fait un véritable scandale en Chine - de Bo Xilai montre les luttes internes à l'intérieur du PCC.

Les inégalités sociales atteignent un seuil d'alerte

Nombre de zones d'ombres sur les conditions et les motifs de la chute de Bo Xilai qui, il y a quelques mois encore, faisait partie des probables futurs membres du très fermé bureau politique (politburo) du parti, restent encore à éclairer. Bo Xilai, en tant que maire de Chongqing, avait bâti sa réputation en mettant hors d'état de nuire la puissante mafia locale et en séduisant les conservateurs du parti par son activisme néo-maoïste dans une Chine où les inégalités sont de plus en plus criantes.

Celles-ci restent d'ailleurs plus que jamais d'actualité puisque mardi, l'agence officielle de presse Xinhua indiquait que selon une enquête menée par le Centre d'études du monde rural chinois rattaché à l'Université centrale de Chine, le coefficient Gini (qui mesure selon certains critères le niveau de distribution des revenus dans un pays) avait atteint un seuil d'alerte.

Prince rouge

Mais les méthodes expéditives avec lesquelles Bo Xilai a liquidé le crime organisé à Chongqing, ainsi que la récupération à son profit du contrôle de l'ensemble des activités économiques, avaient été mises sous le boisseau en raison du succès croissant de ce prince rouge, fils d'un compagnon de Mao Tsé Toung.

Sa façon de vouloir s'imposer, notamment en jouant sur la nostalgie du maoïsme auprès de millions de laissés pour compte du boom économique, tout en se montrant prolixe dans les médias, notamment étrangers, a heurté le consensus cher à la bureaucratie communiste qui aime prendre ses décisions à l'abri des portes du politburo, et qui reste obsédé par sa survie et la suprématie et les avantages de quelque 80 millions de ses membres au sein d'un population de plus de 1,3 milliard de Chinois.

Le procès à venir de l'ex-bras droit de Bo

Et le procès prochain de Wang Lijun, chef de la police locale, ex-bras droit et exécuteur de basses ?uvres de Bo Xilai, détenu au secret après avoir quitté le consulat américain de Chengdu où il s'était réfugié le 2 février parce qu'il craignait pour sa vie en raison de tout ce qu'il sait sur Bo Xilai, risque comme celui de Gu d'occulter la vérité sur la face noire de l'ascension fulgurante du prince rouge.

Le parti entend orchestrer son impeccable unité à quelques semaines du prochain congrès qui doit célébrer l'arrivée de nouveaux dirigeants. Seule certitude, Bo Xilai n'en fera pas partie, lui que le parti a laissé agir à sa guise durant des années, et qui avait trouvé de solides appuis au plus haut niveau dans les rangs conservateurs, notamment chez les militaires et les services de sécurité du PCC.

Commentaire 1
à écrit le 21/08/2012 à 18:24
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merci pour cette explication, c'est limpide

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