Logements : l'Espagne au bord de la crise de nerfs

Alors que le rythme des expulsions de logement s'intensifie en Espagne, au moins deux habitants ruinés se sont suicidé ces dernières semaines. Ces gestes désespérés pour échapper aux huissiers reflètent une réalité qui touche de plus en plus d'Espagnols. Face à la grogne sociale qui monte, l'association espagnole des banques AEB a annoncé ce lundi le gel, pour deux ans, des expulsions de propriétaires surendettés.
Des milliers d'espagnols ont manifesté vendredi à Barakaldo pour protester contre les expulsions de logements.Copyright Reuters

Elle s?appelait Amaya Egaña. Elle habitait dans la partie espagnole du Pays basque et avait 53 ans. Vendredi 9 novembre, quand les huissiers sont arrivés chez elle pour l?expulser de son logement, cette ancienne élue socialiste n?a trouvé d?autre solution que le suicide par défenestration. Quelques jours plus tôt, le 25 octobre, c?était un homme dénommé José Luis Domingo qui était retrouvé pendu dans le sud de l'Espagne alors qu?il allait être expulsé de son logement.

Ces deux suicides apparaissent comme révélateurs. Ils témoignent de la détresse qui touche de nombreux espagnols plongés dans des situations financières désastreuses, incapables de régler leur loyer ou de rembourser leurs emprunts. Selon la Banque d?Espagne, l'endettement privé (des ménages et des entreprises) représente près de 220 % du Produit Intérieur Brut (PIB). Depuis l'éclatement de la bulle immobilière en 2008, plus de 350.000 familles ont perdu leur logement, dans la plupart des cas saisis par la banque, 83% des Espagnols étant propriétaires. Ce phénomène est l'une des manifestations les plus criantes de la crise économique en Espagne.

Expulsés, mais toujours endettés

Dans ce pays, en cas d'impayés, la banque peut récupérer la demeure de ses clients pour 60 % de sa valeur et continuer de leur exiger la différence. Vendredi, des manifestations organisées à Madrid et à Barakaldo - la ville de d?Amaya Egaña - ont réunis des milliers de personnes. "Coupables! coupables!", "honte! honte!" scandaient les manifestants dans la capitale espagnole. Les voix s?élevaient notamment contre Bankia, récemment nationalisée et renflouée par les contribuables, et qui continue d'expulser les petits propriétaires frappés par le chômage et la crise.

Face à cette fronde, une banque a pris dès ce week-end la décision de suspendre les expulsions de propriétaires accumulant des impayés : la Kutxabank. Dans un communiqué rendu public samedi, elle annonce : "Le président de Kutxabank, Mario Fernandez, a donné des instructions pour que la banque suspende de manière immédiate toutes les procédures d'expulsion, en attendant de connaître la nouvelle réglementation dans ce domaine". Il s?agit d?une décision inédite dans le secteur bancaire espagnol. Ce lundi, c'est l'association espagnole des banques AEB qui a annoncé le gel, pour deux ans, des expulsions de propriétaires surendettés. L'association dit avoir pris, jeudi dernier, "l'engagement de tous ses membres, pour des raisons humanitaires et dans le cadre de leur politique de responsabilité sociale, de paralyser les expulsions pendant les deux prochaines années, dans les cas d'extrême nécessité".

Des mesures d'urgence présentées ce lundi

De son coté, le gouvernement de Mariano Rajoy doit présenter ce lundi des propositions à l?opposition socialiste afin de s'accorder sur des mesures d'urgence pour freiner les expulsions. "J'espère que nous allons réussir à introduire (...) un nouveau code de bonnes pratiques pour que ces prêts puissent être renégociés et ces gens puissent rester chez eux", a déclaré samedi le chef du gouvernement espagnol, soulignant que la législation actuelle provoquait "des situations inhumaines". "C'est un sujet difficile et j'espère que nous pourrons donner bientôt de bonnes nouvelles à l'ensemble des Espagnols", a-t-il ajouté.

Il y a une urgence alors que la nombre de déclarations de faillites personnelles a augmenté de façon exponentielle en quatre ans, passant d?une centaine en 2007 à près d?un millier en 2011. Et le profil des victimes d?expulsion immobilière a évolué. Alors qu?en 2009 encore, 80% des personnes qui y étaient confrontées étaient d?origine étrangère (une population réputée fragile car n?ayant pas forcément de soutien familial en Espagne), elles ne représentent plus aujourd?hui que 40% des expulsions. Désormais, des Espagnols membres de la classe moyenne et même des chefs d?entreprises sont nombreux à être impactés par ces mesures. Alors que le chômage atteint des taux record ? 25,20% de la population active en octobre ? se loger devient de plus en plus difficile en Espagne. Chaque jour, ce sont 500 ménages qui sont expulsés de leur logement d?après les chiffres officiels. La tendance s?est accélérée ces derniers mois alors même que paradoxalement, 13,2% du parc immobilier espagnol est inoccupé selon une enquête du groupe de gestion de biens immobiliers LDC.

Commentaires 20
à écrit le 12/01/2013 à 10:35
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En tant qu'allemand et fonctionnaire je me dis que pour le moment, grâce a nôtre excédent de la balance commerciale de 16 Milliards PAR MOIS en moyenne et ceci depuis plus de 10 ans. Nous profitons plus que quiconque de l'UE et de l'Union Monétaire, ...

le 24/10/2013 à 6:45
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Tiens, c'est encore la faute à l'Allemagne, ben voyons...Y'en a pas un qui admettrait qu'il a emprunté sans se demander comment il allait rembourser..Pas un qui assume sa bêtise, on va chercher la faute chez les allemands, et en plus on se moque d'eu...

à écrit le 13/11/2012 à 13:06
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Quand je pense à tous ces jeunes qui ont préféré apprendre l'espagnol plutôt que l'allemand... Wozu ?

le 15/11/2012 à 9:09
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pensez aux pays d amérique latine ...il n y a pas que l Espagne pour parler espagnol

le 15/11/2012 à 21:00
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Surtout que les vacanciers préferent l'Espagne que l'Allemagne. Et puis en 2eme langue c'est quand même plus facile a apprendre (non ?)

à écrit le 13/11/2012 à 9:45
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Il serait temps que en Europe, nous ne copiions plus les Etats-Unis en matière comportementale et fiscale. Je ne vois pas pourquoi leurs désastreuses pratiques commerciales au sujet des crédits immobiliers se reproduisent notamment en Espagne. A moin...

le 24/10/2013 à 21:04
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tout juste ! l'aveuglement des politiques à ce sujet est la cause de la ruine actuelle. Ils croient encore que les américains sont là pour nous sauver comme en 1944, mais les choses ont un peu changé !

à écrit le 13/11/2012 à 9:35
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hors de question de me suicider par contre si la banque voulait me prendre ma maison ils n'aurait que le terrain car je brulerai tout ils n'aurait rien de rien perdu pour perdu je fouterais le feu partout

le 16/11/2012 à 15:13
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si vous vous démerdez bien, l'assurance vous remboursera et vous pourrez construire dans les îles...

à écrit le 12/11/2012 à 21:11
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@ Paco de Cialu - Je pense qu'une frénésie spéculative se déclenchera lorsqu'un nombre suffisant de propriétés aura changé de mains. Je suis assez bien renseigné pour constater que la volonté de "relance du processus de location / marché immobilier" ...

le 13/11/2012 à 18:43
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Je n'ai pas tout compris. En tout cas je pense les españols maintenant vaccinés, au moins temporairement, en ce qui concerne la spéculation immobilière.

à écrit le 12/11/2012 à 19:10
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Cela devrait tout simplement interdit d'expuler les gens tombés sur les temps durs. De quel droit, et, ou vont-ils vivre?

le 13/11/2012 à 18:44
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C'est comme ça l'Espagne. Tu peux fumer ou boire dans la rue mais viens rien réclamer par la suite.

à écrit le 12/11/2012 à 15:08
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@ latribune 14:04 - Comme le fait remarque le commentaire ci-dessous, pour la forme, effectivement, il suffirait de préciser la date de la défenestration pour éviter la confusion. Désolé pour ce détail quelque peu macabre. Maintenant, pour le fond, ...

le 12/11/2012 à 19:22
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N'abusez pas Tony dans vos compliments. Ou alors vous avez mal (ou pas bien) cherché. En tout cas, Il faut l'avoir vu pour le croire, cette frénésie spéculative, ce laxisme, ces oeillères portées par tout un peuple, ces non-sens économiques, cette p...

le 15/11/2012 à 9:20
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il se passe en Espagne ce qui s est passé aux USA , même cause (instauration des subprimes) mêmes concéquences (saisies immobiliére dégringolade vertigineux du marché de l immobilier) et même conclusions ( les saisies ne servent à rien puisque de tou...

le 15/11/2012 à 20:58
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L'Espagne est très tournée vers les US. Effectivement il se passe la même chose. Néanmoins elle est (très) mal armée au niveau industriel. Comment récupérer les créances avec un chômage de très longue durée ? Surtout vu le niveau moyen des salaires p...

à écrit le 12/11/2012 à 15:03
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Attention le gouvernement Espagnol va finir par reveiller Franco. le peuple commence à avoir faim et la gare.

à écrit le 12/11/2012 à 14:49
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Rajoy fait preuve d'incompétence ou de passivité en matière économique. Faut-il y voir les raisons pour lesquelles il s'oppose à la nomination au directoire de la BCE d'un Mersch réputé consciencieux en matière de comptes ? Son gouvernement ne prend ...

à écrit le 12/11/2012 à 14:04
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"Vendredi 9 octobre, .... Quelques jours plus tôt, le 25 octobre ..." Une relecture avant publication ne ferait pas de mal.

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