Nucléaire à l'arrêt et yen faible, le cocktail explosif du Japon

L'excédent courant du Japon s'est réduit de 4,3 % en mars sur un an, à cause de la dépréciation du yen qui relève le coût des importations d'hydrocarbure. Confirmant le risque que fait peser un yen faible sur l'économie japonaise, alors que la plupart des réacteurs nucléaires du pays sont encore à l'arrêt.
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On pouvait s'y attendre. Tokyo a annoncé vendredi une réduction de 4,3 % en rythme annuel de son excédent courant en mars en raison de la hausse du montant de sa facture énergétique. Ainsi le Japon commence-t-il à payer les effets du ralentissement de l'économie mondiale et de sa politique monétaire accomodante. Ce alors que le pays n'a pas de marge de manoeuvre pour faire baisser sa facture énergétique sinon celle de redémarrer ses centrales nucléaires à l'arrêt depuis la catastrophe de Fukushima.

Le yen faible coûte cher

En ordonnant l'arrêt pour maintenance des 50 réacteurs nucléaires encore en état de fonctionner dans le pays après la catastrophe de Fukushima, Tokyo a en effet ouvert une Boîte de Pandore. Aujourd'hui, seuls deux réacteurs ont été autorisés à fonctionner à nouveau et les électriciens japonais ont été contraints de faire tourner leurs centrales thermiques à plein régime pour compenser la baisse de la production d'électricité. Faisant exploser les importations d'hydrocarbures.

En attendant, le Japon tente de consommer moins. Le pays a importé un peu moins de pétrole et de gaz naturel liquéfié en mars 2013 qu'à la même période l'an dernier. Mais la dépréciation du yen causée par la politique ultra-accomodante poursuivie depuis quelques semaines par la Bank of Japan (BoJ) sous l'impulsion du Premier ministre nippon Shinzo Abe est venue accélérer l'augmentation de la facture. Depuis novembre, le yen s'est déprécié de 25 % par rapport au dollar et a passé la barre symbolique des 100 yens pour un dollar. Son plus bas depuis quatre ans.

Les exportations ne repartent pas

Le problème, c'est que dans le même temps, la baisse de la valeur du yen n'a pas suffit à doper les exportations de l'archipel. Elles ont presque stagné en mars en ne progressant que de 0,3 %. Le gain de compétitivité offert par un yen déprécié a permis de les faire progresser à destination des États-Unis, dont l'économie est elle aussi inondé par un afflux massif de liquidités en provenance de la Fed, la banque centrale américaine. Mais le ralentissement en Chine et en Europe est venu plomber les effets de la politique monétaire de la BoJ.

Au final, la balance commerciale du Japon, historiquement habitué aux excédents commerciaux, a enregistré un déficit de 219,9 milliards de yens (1,7 milliards d'euros). Elle était quasiment à l'équilibre l'an dernier à la même période. Sans reprise en Europe, accusée par les États-Unis de plomber l'économie mondiale en raison des politiques de consolidation budgétaire considérées comme excessives, les effets du yen faible sur les exportations risquent d'être minimisés, même si la BoJ compte sur un redémarrage de la Chine dans les mois à venir. 

La fonte de l'excédent courant est inquiétante pour le financement de la dette publique

Certes, les comptes courants restent dans le vert grâce au solde toujours largement positif du compte des revenus, qui reflète les rendements des investissements japonais à l'étranger. L'anticipation d'un afflux de liquidités provoqué par la BoJ a notamment favorisé l'appétit des investisseurs japonais à l'étranger. Le solde du compte des revenus a d'ailleurs fortement progressé en mars.

Mais la fonte continue de l'excédent courant depuis plusieurs années et qui s'accélère avec l'affaiblissement du yen sur le marché des changes a de quoi inquiéter. La balance des transactions courantes est en effet un indicateur très fiable pour mesurer la bonne santé d'une économie par rapport au reste du monde. 

Pour l'heure, le Japon est toujours épargnant net, ce qui lui permet de financer sa dette publique sans risque. La dette publique japonaise est d'ailleurs détenue à 93% par des résidents. Mais avec la réduction continue de ce bas de laine accélérée par la politique inflationniste menée par la BoJ, le Japon pourrait perdre rapidement ce statut de privilégié. Faisant peser un risque nouveau sur le financement de sa dette publique abyssale qui, en représentant 230% du PIB japonais, est la plus élevée au monde. D'autant plus que celle-ci devrait progresser de manière importante avec la mise en place d'un plan de relance par la commande publique sans précédent.

Le Japon attend son cercle vertueux

Pour se sortir de ce mauvais pas, la BoJ disait fin avril espérer "l'enclenchement d'un cercle vertueux entre la production, les revenus et les dépenses, porté par les commandes publiques et les exportations". Autrement dit, selon elle, l'effet des commandes publiques record que va passer Tokyo devrait être amplifié par l'inflation censée faire fondre l'épargne et favoriser la consommation en berne depuis des années.

La BoJ voit par ailleurs dans le renchérissement des produits importés un moyen de favoriser l'achat de produits japonais par les résidents et de favoriser in fine la production locale. Elle compte aussi sur un improbable rebond de la demande chinoise pour favoriser ses exportations. Or la croissance chinoise a plutôt tendance à se tasser. Reste la question du ralentissement en Europe. Peut-être le ministre des Finances japonais se ralliera-t-il à l'opinion des États-Unis, pour qui la consolidation budgétaire qui a cours en zone euro pénalise la reprise mondiale, lors du G7 des Finances ce week end au Royaume-Uni.

Ce qui est sûr, c'est que la question de la balance commerciale est cruciale pour l'avenir du financement de la dette publique japonaise et sur ce plan, la reprise du nucléaire ne suffira pas. Car le mouvement de fonte de l'excédent courant avait déjà court avant la politique inflationniste de la BoJ et l'arrêt des réacteurs nucléaires. En 2012, le solde excédentaire des transactions courantes représentait 1,5% du PIB nippon, contre 4% en 2008. En favorisant la baisse du yen dans un contexte de ralentissement généralisé, le Japon, bien que renouant avec la croissance, joue avec le feu.

LIRE AUSSI Le Japon prépare une révolution culturelle de son modèle économique

Commentaires 28
à écrit le 21/07/2013 à 18:12
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Voici à quoi mène la nucléophobie. Prochaine étape, la France ?

à écrit le 12/05/2013 à 10:52
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votre article est éclairant , dire aussi que sortir du nucléaire a tout prix a un cout astronomique en petro-dollars , avec une monnaie dévaluée cela est pire encore , un pays observe la politique japonaise en europe (l'Allemagne ) car sortir ou non ...

à écrit le 12/05/2013 à 5:26
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Quand je pense que des partis politiques regrettent le franc pour le faire devaluer...et que ces memes parties font 20-25% aux sondages.

à écrit le 11/05/2013 à 15:05
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La solution c'est de relancer les centrales nucléaires pour refaire un Fukushima bis à 1000 milliards? Je me demande combien de pétrole et de gaz le Japon aurait pu importer si il ne c'était pas lancer dans se programme nucléaire, avec ses catastroph...

à écrit le 11/05/2013 à 0:18
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La dévaluation provoque dans une premiere phase la dégradation du solde commercial en raison de la hausse des prix à l'importation puis des phénomènes de substitution des produits intérieurs aux produits inportés devraient s'effectuer... le phénomene...

à écrit le 10/05/2013 à 15:40
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Les US nous accusent de ne pas relancer l' "économie" en faisant tourner la planche à billets. Amusant et révélateur de leur niveau catastrophique...

à écrit le 10/05/2013 à 15:11
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Pour mémoire, la plus grande catastrophe atomique civile de tous les temps qui est survenue à Fukushima en 2011 enfonce inéluctablement le Japon dans la ruine. Comme ce fût le cas en Ukraine, des tonnes de nourriture contaminées en radioéléments doiv...

le 10/05/2013 à 15:30
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J'adore votre façon de présenter les évènements. Le Japon a été victime d'un séisme de magnitude 9 suivi d'un tsunami avec des vagues de 15m qui ont fait plus de 20.000 morts (dont un pour la centrale de Fukushima) et obligé à déplacer un demi millio...

le 10/05/2013 à 15:43
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C'est bientôt l'été. Et les Japonais râleront de ne pouvoir rallumer leurs clims. Donc, leur gouvernement n'aura aucun mal à les décider à remettre en route le nucléaire. Ainsi va le confort...

le 10/05/2013 à 16:02
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Un chiffre : la catastrophe de Tchernobyl a couté à l'ex-URSS 3 fois tous les bénéfices commerciaux de toutes les centrales nucléaires russes durant toute leur durée d'activité...et il n'y a bien sur eu aucun suivi médical des 800 000 liquidateurs, p...

le 10/05/2013 à 16:50
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Merci pour ces informations, dont le caractère "abracadabrantesque" aide au moins à expliquer que vous parveniez à des conclusions aussi décalées d'avec la réalité. Quant au petit tour de passe-passe consistant à raisonner en énergie finale, c'est un...

le 10/05/2013 à 17:31
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Ce ne sont pas les ecologistes qui parlent d'énergie finale, il faut aller lire les documents de référence de l'agence à l'énergie et revenir aux définitions. Ce qu'écrit M Saint Aroman est correct, et d'ailleurs les rapporte de l'AIE le montrent bie...

le 11/05/2013 à 15:07
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En achetant du pétrole pour faire tourner ses centrales thermiques. C'est écrit plus haut. Et c'est bien là tout le problème. Ca coûte cher le pétrole, surtout quand il est acheté en dollars et qu'on paye en yen dévalués.

le 01/04/2014 à 10:19
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... d'autant que le pétrole et le gaz ne seront plus disponibles dans quelques décennies. Et quid du développement des centrales au charbon en Allemagne? Tabou écolo.

à écrit le 10/05/2013 à 14:36
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c'est comique de voir certaines dépréciation de la puissance économique du Japon; il faudrait quand même bien voir que la puissance technologique et industrielle du Japon est extraordinaire: - meilleur fabriquant automobile de la planète - meilleur ...

le 10/05/2013 à 14:52
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Le Japon n'est pas si fort que ce que vous dites: sa force principale dans l'automobile c'est ses usines à l'étranger. Dans l'électronique, ils sont sur le déclin et se font tailler des croupières par els coréens (Samsung) et les chinois dans la télé...

le 10/05/2013 à 15:19
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A TEPCO certainement pas, mais la Turquie vient de commander à Areva et Mitsubishi 4 centrales nucléaires de 4e génération de type ATMEA. La Turquie étant une région à force sismicité nul doute que la compétence des Japonais dans ce domaine sera préc...

le 10/05/2013 à 15:23
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@MOUGEON : Dans le nucléaire, qui va acheter une centrale nucléaire à TEPCO? Tepco ne fabrique pas de centrale, mais Mitsubishi ( avec des entreprises francaise ) a obtenu un contrat de 17 milliards en turquie... Le taux de sucides des jeunes n'es...

le 10/05/2013 à 16:33
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et pour Samsung versus Sony? Silence radio ou hara kiri?

le 10/05/2013 à 17:39
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d'annoncer qu'il a fait plus de 400 millions ? de bénéfice pour l'exercie 2012-2013 donc ils sont pas si mal que ça

le 10/05/2013 à 20:52
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"Sans parler du taux de suicides des jeunes qui donne une idée de l'attractivité du pays" Mais oui, biensûr, continuons de faire l'autruche en France en pointant du doigt le Japon!... Je vais vous en apprendre une bonne, le taux de suicide chez les ...

à écrit le 10/05/2013 à 14:10
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Le Japon est cuit ,regardons ses erreurs et ne faisons pas les mêmes ,la fuite en avant ne sert à rien dans un vieux pays ,la politique de rigueur à l allemande est douloureuse mais elle est la seule viable pour de vieux pays riches.

le 10/05/2013 à 14:33
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pourtant d'autres articles disent que la consommation interieure est repartie et le taux de chomage très bas.

le 10/05/2013 à 14:55
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Cet article ne dit pas le contraire. La croissance repart et le chômage est bas. Mais au prix de la création monétaire et d'un plan de relance par la dépense publique. Problème, en voyant son excédent courant fondre, le Japon s'expose à l'impossibili...

le 11/05/2013 à 0:26
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Le Japon n'a pas besoin d'emprunter au contraire, il va emettre le double de sa masse monétaire en 2 ans donc sa dette en Yen va donc se réduire de moitié également.

le 11/05/2013 à 11:47
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le commentaire de fab prouve sa méconnaissance de l'économie, juste deux exemples toyota et sony qui sont deux géants en pointe dans leurs domaines et extrément rentable et ce ne sont que deux exemples parmi tant d'autres et ces résultats ont été en ...

le 13/05/2013 à 12:41
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Non! le japon n'est pas cuit mais dans de sales draps. Je vis dans ce pays depuis 8 ans, et le japon ce n'est pas que Tokyo, Toyota ou encore Panasonic... Une misère que l'on ne vous montre pas existe ici et les répercussions sur la plupart des japon...

le 13/05/2013 à 15:47
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Ce n'est pas Asso mais Abe ce premier ministre. Je les confond toujours ces deux là. Mais ils sortent de la même école de stupidité générale... qu'importe son nom. Et le prochain sera sans doute pire...

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