Costume foncé, chemise blanche, cravate bleu clair sans fioritures, loin de l'uniforme jeans-col roulé noir des présentations à la Steve Jobs, c'est un Tim Cook à l'air grave et concentré qui s'est présenté mardi devant le Sénat américain, jouant la carte du patriotisme économique. « Apple est une success story américaine sans précédent. Nous sommes fiers d'être américains et de notre contribution à l'économie du pays. Nous sommes devenus le premier contribuable américain, l'entreprise qui paie le plus d'impôt aux Etats-Unis : nous avons versé 6 milliards de dollars en cash au Trésor américain l'an dernier et nous réglons au dollar près ce que nous devons. Nous n'avons pas de compte dans quelque île des Caraïbes » a plaidé le directeur général d'Apple lors d'une audition devant la sous-commission des enquêtes. La séance avait commencé sur les chapeaux de roue, le sénateur Carl Levin ayant déclaré qu'Apple avait cherché « le Saint-Graal de l'évitement fiscal », le sénateur John McCain qualifiant de « scandaleux » et « inacceptable » qu'une entreprise comme Apple se livre à une telle stratégie fiscale pour réduire ses impôts aux Etats-Unis. « Apple a violé l'esprit de la loi si ce n'est la lettre » a-t-il lancé.
Réformer le code fiscal américain
Le sénateur du Kentucky Rand Paul a créé son petit effet en se déclarant "choqué" par la façon dont le Congrès « harcèle Apple, une des plus grandes success stories américaines », demandant « quel politicien ne fait pas lui-même un peu d'optimisation pour réduire ses impôts ? » A ses yeux, c'est le Congrès le responsable, l'auteur de ce code des impôts « ancien et byzantin », deux fois plus volumineux que celui du voisin canadien. Après avoir dûment prêté serment, Tim Cook a d'ailleurs lui-même martelé la nécessité d'une réforme fiscale : « ce serait très coûteux de rapatrier cette trésorerie [les 100 milliards logés dans les filiales à l'étranger notamment en Irlande NDLR] aux Etats-Unis du fait de notre système fiscal qui ne s'est pas adapté à l'ère numérique » a-t-il fait valoir. Il a défendu un taux incitatif d'impôt à un chiffre (moins de 10%) pour le rapatriement des capitaux étrangers « à la maison », même si cela augmenterait in fine le taux effectif d'impôt d'Apple, actuellement de 30,5% selon la firme et seulement 9,8% selon le rapport du Sénat. « Je ne propose pas zéro, mais un taux raisonnable, car 35% c'est très élevé. » Toutefois, « nous n'avons aucun projet de rapatrier cet argent aux Etats-Unis, au taux d'impôt actuel » a précisé le patron d'Apple.
« Pas d'artifices fiscaux »
« Apple n'utilise pas d'artifices fiscaux » a martelé Tim Cook, tout en ayant bien du mal à expliquer les raisons et le fonctionnement de la filiale irlandaise à laquelle a été transférée une large part des intérêts économiques de ses brevets. Cette filiale, une holding chapeautant les magasins en Europe, a reçu 30 milliards de dividendes d'autres filiales entre 2009 et 2012 et n'a aucune résidence fiscale ! « Vous avez déplacé la poule aux ?ufs d'or, transféré les joyaux de la couronne de l'entreprise. 95% de la R&D est réalisée aux Etats-Unis mais 60% des bénéfices reviennent à cette filiale irlandaise » s'est emporté Carl Levin. Le responsable des « activités fiscales », Phillip Bullock, a répondu « ne pas être d'accord » avec l'affirmation du sénateur. « La création de la filiale en Irlande remonte à 1980, l'iPhone et l'iPad n'existaient, même le Mac n'était pas sorti » a voulu botter en touche Tim Cook. Ce qui n'a pas du tout convaincu le président de la sous-commission.