"Mandela était une sorte de totem"

La disparition de Nelson Mandela, symbole de la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud, marque la fin d'une ère pour cette nation qui se rêvait "Arc-en-ciel". Où en est le pays plus de vingt ans après l'abolition des lois de ségrégation dans le pays le plus riche d'Afrique ? François Lafargue, professeur en géopolitique et auteur de plusieurs ouvrages sur l'Afrique du Sud, livre son analyse.
Que va devenir la nation "Arc-en-ciel" sans "Madiba" ? Copyright Reuters

Que va devenir la nation "Arc-en-ciel" sans "Madiba"? Avec le décès de Nelson Mandela, une page se tourne pour l'Afrique du Sud. A la fois miné par la violence, toujours freiné par des inégalités raciales et sociale mais membres désigné des BRICS aux côtés du Brésil, de la Russie, de l'Inde et de la Chine et première puissance économique en Afrique, le pays fait face à de nombreux défis. François Lafargue, professeur de géopolitique à l'ESG Paris et spécialiste des pays émergents, décrypte ces enjeux.

Que représentait encore Nelson Mandela pour l'Afrique du Sud ?
Mandela était une sorte de totem. Il n'avait plus d'influence, plus de poids, même moral. Aujourd'hui, il y a plutôt une nostalgie de l'époque où Mandela a été libéré. La majorité des membres de la société croyait en la "nation arc-en-ciel". Il ne faut pas oublier qu'une grande partie de la population est âgée de moins de vingt ans. Elle n'a donc pas vraiment connu Mandela au pouvoir.

Vingt ans après la fin de l'apartheid, comment la société se structure-t-elle et comment cela se traduit-il politiquement ?
Pendant cette période, l'Afrique du Sud n'a pas vécu de grande transformation sociale. La société n'est pas métissée. Les mariages interraciaux sont encore rarissimes. De ce point de vue, l'Afrique du Sud ne ressemble pas au Brésil. Le chômage touche 40% de la population [25% selon des chiffres officiels ndlr], et 60% de la population noire! Cela alimente une frustration. Jacob Zuma, le président sud-africain, commence à être débordé sur sa gauche par des radicaux qui militent pour l'expropriation des blancs, ce qu'avait refusé de faire l'élite noire. Il n'y a pas cependant de quoi l'empêcher d'être réélu l'an prochain.

Il existe aussi une minorité blanche appauvrie, qui représente 20 à 25% des blancs, qui eux-mêmes ne forment que 10% de la population. Et on voit l'émergence de partis trouvant écho chez une bourgeoisie noire ou blanche et qui correspondent plutôt à une réaction d'humeur après l'éviction de l'ancien président Thabo Mbeki. Mais le vote racial n'est pas dépassé.

Quels risques la naissance d'une classe moyenne qui s'endette fait-elle peser sur l'économie ?
Il y a une fièvre de consommation, notamment dans une partie de la population noire qui veut dépenser pour profiter de sa nouvelle richesse et la montrer. Mais ce n'est pas le premier risque. Le rand (la devise sud-africaine. Ndlr) est très volatile, non à cause de craintes de choc du crédit mais parce qu'il connaît de fortes amplitudes en fonction des investissements des grands groupes miniers. L'inflation, très forte jusqu'à 2011, y est aussi pour quelque chose.

L'Afrique du Sud fait-elle vraiment partie des "Brics" ?
C'est une question qui se pose toujours. En intégrant l'Afrique du Sud, l'idée était de s'élargir au continent africain. Si les seuls critères économiques avaient été retenus, l'Indonésie auraient été bien plus légitime. L'Afrique du Sud ne compte que 50 millions d'habitants, rien à avoir avec la Chine ou l'Inde. De même, au niveau économique, elle ne joue pas dans la même catégorie que les autres "Bric". En revanche, il existe une volonté commune de se dégager de l'emprise européenne et américaine. Depuis plusieurs années, l'ANC [African national congress, le parti majoritaire Ndlr] partage des points de vue communs avec la Chine. Par exemple, elle n'a pas condamné la répression de la junte en Birmanie et a soutenu la Libye. En 2011, Kadhafi a ainsi été invité à se réfugier en Afrique du Sud.

Accueillir l'Afrique du Sud au sein des Brics, n'était-ce pas également l'occasion de s'assurer une porte d'entrée sur vers le marché africain ?
Si, les pays émergents ont de nombreux intérêts en Afrique. La Russie dans le secteur nucléaire ou bien l'armement, le Brésil avec les pays lusophones voisins de l'Afrique du Sud. Il s'agit tout de même de la première puissance économique en terme de PIB et de PIB par habitant, devant l'Algérie. Sur le continent, l'Afrique du Sud fait peur. Après la levée de l'embargo au milieu des années 1990, elle a pu investir massivement en Afrique, dans les matières premières mais aussi la banque ou les télécoms. Elle fait peur car elle est plus proche géographiquement et intervient davantage politiquement. Elle intervient souvent en tant que médiatrice dans des conflits, comme en Côte d'Ivoire par exemple, mais cela ne l'empêche pas de prendre parti, en soutenant Laurent Gbagbo.

Quels sont les atouts majeurs de l'économie sud-africaine sur lesquels le pouvoir actuel ne mise pas suffisamment ?
Il y a un grand effort de modernisation à faire, l'Afrique du Sud vit sur sa rente minière. Elle pourrait devenir un grand marché pour l'Europe où le système juridique est plus stable qu'en Russie et la corruption moindre qu'en Chine. La France n'y consacre que 1% de ses exportations. Elle pourrait miser davantage sur l'agroalimentaire, mais ses rendements sont encore trop faibles. Elle pourrait également renforcer son secteur touristique et attirer plus de Latins - de Français -  et d'Asiatiques. Il lui faudrait renforcer ses infrastructures, ses capacités hôtelières et lutter contre la violence.

L'insécurité, est-elle vraiement le premier frein à l'expansion de l'Afrique du Sud ?
Les Sud-africains en parlent en tout cas comme d'un "cancer". On compte chaque année 20.000 meurtres et assassinats. Même si ce ne sont que des chiffres officiels, cela représente tout de même un niveau supérieur au taux américain alors que la population américaine est six fois moins élevé. La situation est si grave que l'on en vient à entendre des familles noires regretter le temps de l'apartheid... Dans le même temps, il existe une forte méfiance envers la police encore assimilée au système répressif de l'apartheid. Il faudrait aussi lutter contre la circulation d'armes, très élevée, et peut-être mettre en place une justice moins clémente après plusieurs années de réconciliation.

L'Afrique du Sud n'est pas non plus à feu et à sang. Comme au Brésil, la violence est circonscrite et la plupart des victimes connaissent leurs agresseurs. Mais elle fait fuir vers le Canada ou l'Australie une élite qui trouve vite du travail car ses membres parlent anglais et trouve à s'employer dans l'industrie minière. Pour autant, la violence n'a pas de conséquence sur les infrastructures. Le sida est le problème numéro un en Afrique du Sud. Il est responsable d'un taux d'absentéisme élevé. Le Sida est en train de miner l'économie.

 

Précision. Cet entretien a été réalisé en juin 2013.

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>> DIAPORAMA Nelson Mandela, toute une vie de combat contre l'apartheid

>> DIAPORAMA Qui n'a pas serré la main de Nelson Mandela

Commentaires 41
à écrit le 08/12/2013 à 23:33
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Vous dites hollande, le courage de quoi?

à écrit le 08/12/2013 à 19:43
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L'homme meurt, sa mémoire restera .

à écrit le 08/12/2013 à 19:39
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Un seul et unique respect pour cet homme...

à écrit le 08/12/2013 à 12:51
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Mandéla était un grand homme à tous les niveaux... point barre, ainsi la presse bobo est satisfaite... sans commentaire !

à écrit le 08/12/2013 à 10:12
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La vérité sur Mandéla, vous la trouvée en lisant Bernard Lugan, historien, spécialiste de l’Afrique du Sud à l'ONU. Ce spécialiste n'est pas tenu aux discours de la "bienpensance" Bobo-gauchos de nos intellectuels et politiques de gauche. Il n'est ...

à écrit le 07/12/2013 à 22:48
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Un grand homme est mort. Que l'Afrique du Sud vivent en paix et dans la justice, à l'heure où ce sont les Blancs qui sont désormais victimes de discriminations. L'Homme n'apprend donc jamais de ses erreurs.

le 08/12/2013 à 20:32
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La discrimination ne connaît pas de couleur. C'est la discrimination qui est a condamner qu'elle concerne le sexe, la couleur de peau...peut importe.

à écrit le 07/12/2013 à 9:54
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bien peu d'hommes poliques peuvent se targuer d'avoir eu ce courage cette audace et cette ténacité.en france ils sont plus rares encore:sans avoir peur de se tromper on peut citer les de gaule,mendès france,malraux et hollande dans une certaine mesur...

le 09/12/2013 à 10:56
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Comment peux t-on comparer Hollande à Mandela et en quoi ? De manière générale, aucun homme politique français de l'ère moderne n'est comparable à Mandela

à écrit le 07/12/2013 à 9:46
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J'ai trop mangé hier, soir, je vais aller libérer Mandela...

le 07/12/2013 à 22:15
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;-)

à écrit le 06/12/2013 à 22:39
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Le cancer de m'Afrique c'est la France.

à écrit le 06/12/2013 à 22:10
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Bientôt la machine a café expresso Nelson Mandela. Pour des fêtes de fin d' année libératrice et plus conviviale. On en fera des mugs a gagner dans les stations services ou des tapis de souris a son effigie. La semaine Mandela chez MCDo avec l...

le 06/12/2013 à 23:06
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Génial et tellement vrai

à écrit le 06/12/2013 à 21:47
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C'est lui qui avait joué dans Arnold et Willy ?

à écrit le 06/12/2013 à 18:18
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Meme si certains qualifie MADIBA de terroriste comment ne pas le devenir lorsque c'est l’oppression qui règne contre une catégorie de population.IL a essayé de réconcilier les ,populations et son oeuvre est inachevée.Respect pour ces 27 années de pri...

le 06/12/2013 à 23:08
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Mandela a fait bcp pour l'Afrique du sud, mais s il a passe 27ans en prison c est qu'il n a pas fait que du bien..... Mais malgré tout sincères condoléances a toutes et tous car c était aussi le décès hier soir du général Dan Goutz....

à écrit le 06/12/2013 à 17:38
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bon débarras !!! un terroriste, le Bouteflikkkah de l'autre côté... Il a ruine un pays prospère qui assurait à "tous" ses habitants le plus haut revenu d'afrique Mélenchon a raison de rappeler que c'était un communiste, et à la solde de Moscou mêm...

le 07/12/2013 à 9:49
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Conclusion, la gestion, c'est pas pour les noirs. L'AF, tellement prospère autrefois est devenue une décharge géante.

le 07/12/2013 à 18:54
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"Conclusion, la gestion, c'est pas pour les noirs" vous avez parfaitement raison sauf que les noirs, eux, ont leur avenir devant eux contrairement a d'autres que je ne citerai!!

le 08/12/2013 à 9:10
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Le monde va continuer de tourner.

à écrit le 06/12/2013 à 14:06
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A l' Elysée que un part un, chaque président africain qui dise au revoir à Nelson Mandela dans sa langue natale serait un grand moment. Ça tournerai en boucle sur les chaines de TV.

à écrit le 06/12/2013 à 13:59
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Un grand homme, avec un autre, courageux, clairvoyant : F De Klerk

à écrit le 06/12/2013 à 13:58
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Un grand homme, avec un autre, courageux, clairvoyant : F De Klerk

à écrit le 06/12/2013 à 13:54
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François Hollande va faire un discours en l'honneur de Nelson Mandela, c'est bien. Mais si chaque président africain dit au revoir à N.Mandela dans sa langue c'est toute l'Afrique qui saluera le grand homme, la portée en serait autrement plus importa...

le 06/12/2013 à 14:00
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Taubira et Désir lui grilleront la politesse en s'auto-proclamant les généraux de l'antiracisme.

à écrit le 06/12/2013 à 13:33
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Nelson avait placé "l'humain" au cœur de sa politique et de sa vie; il a réussi et tous les rh devraient s'en inspirer! Il avait des qualités et des défauts....il a été 27 ans en prison et il est devenu le meilleurs président ! Il faudrait que le ...

à écrit le 06/12/2013 à 12:53
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Porte clés, sonneries, concerts, musées, parcs a visiter, parcs d'attraction, pins, bouteilles d'alcool, préservatifs, tshirt, ballons, tasses a café.... Une véritable cash machine ce Nelson.

à écrit le 06/12/2013 à 12:41
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Bientôt un film en noir et blanc sur sa vie mouvementée ?

le 08/12/2013 à 10:15
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Surtout un film bidon, à l'eau de rose pour le peuple moutonnier...

à écrit le 06/12/2013 à 12:05
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Un grand homme nous a quitté paix à son Âme. Nous aussi nous avons u des grand hommes NAPOLÉON. CLÉMENCEAU . DE GAULE. Ou sont les nouveaux?????????

le 06/12/2013 à 12:39
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Arnault, Cécile, Éva, Jean Luc, ....pour la gauche François, Jean François, Nicolas...pour la droite. Et l'élite intellectuelle proche des médias bien entendu.

à écrit le 06/12/2013 à 11:24
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Sa mort va relancer les cassettes, DVD, blue Ray. Voir même les MP3. Les analystes sont déjà en train de calculer le business juteux que cela peut rapporter. Ils concluront en regrettant qu'il ne meurt pas chaque jour un Nelson Mandela.

à écrit le 06/12/2013 à 11:21
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Paix à ton âme Nelson. Certains gouvernants hypocrites en France devraient s'inspirer de ton exemple.

le 06/12/2013 à 12:44
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dommage que le nouveau busch du monde que nous avons elu devrait etre interdit au obseques, celui plonge le pays dans la misere

à écrit le 06/12/2013 à 10:11
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Une vision négative d'un pays debordant d'energie positive. Connaissez-vous vraiment l'Afrique du Sud avant de la juger ? Comment peut-on ecrire "La situation est si grave que l'on en vient à entendre des familles noires regretter le temps de l'apart...

le 06/12/2013 à 13:37
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La splendide de l'Afrique du sud n'est que tributaire d'un sous-sol riche en minerais précieux et visiblement vous ne connaissez rien à sa population...

le 07/12/2013 à 11:14
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oui je ne connais rien à sa population ...ma femme et ma fille sont Sud Africaine..ma famille est Sud Africaine; Je pense que vous par contre vous vous complaisez de vous satisfaire de ce que vous voudriez que l'AFrique du Sud soit. .et je ne peux c...

le 07/12/2013 à 12:27
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donc vous connaissez très bien les problématiques de l'AfS... corruption des politiques extrème, violence au delà du réel, chômage disproportionné etc... Vous savez, les victoires du peuple amènent un flot d'espoir, mais il est souvent volé par un...

le 08/12/2013 à 9:12
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Votre vie privée n'intéresse personne.

le 09/12/2013 à 8:34
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excellente analyse, juste et précise Comentaire précédent totalement déplacé, les inégalités n'ont cessé de s'aggraver depuis la fin de l'apartheid, l'IDH, comme l'espérance de vie. Rien n'a été fait contre le sida sous Mbeki. Voila le scandale !

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