Polluée, New Delhi cherche son oxygène dans le métro

Fierté des habitants de la capitale, l'ouvrage est plébiscité de tous. Il ne reste cependant qu'une solution parmi d'autres pour combattre l'augmentation du trafic et la pollution.
Inauguré en 2002, le métro de Delhi permet d'alléger les rues de la capitale de près de 117.250 véhicules chaque jour. / Wikipédia

Sorti d'une épaisse couche de brume, l'ouvrage émerge, au loin, flambant neuf. C'est l'hiver à New Delhi. Et sur le quai extérieur de la station de métro, comme tous les soirs à cette heure-ci, des files d'une cinquantaine de personnes se sont formées en vue de se glisser au plus vite dans les rames.

« Avec le brouillard, les trains ont du retard, les avions aussi, mais le métro, lui, est toujours à l'heure ! » s'exclame, en souriant, un jeune cadre en costume.

Le métro de Delhi est sans doute l'une des plus grandes fiertés des habitants de la capitale. Et l'une de ses plus belles réussites. Fiable, moderne, avec sa carte de transport dernier cri, ses escalators interminables, ses compartiments spacieux, le métro, entièrement public, contraste avec bien des endroits de la ville pas toujours au top de l'hygiène.

Ici, les consignes sont respectées

Personne ne se hasarde à cracher ni à jeter ses déchets sur le sol. La sécurité est également omniprésente. Impossible de franchir l'entrée sans être passé sous le portique de détection et avoir fait inspecter sacs, bagages et autres paquets.

Et les femmes ont la possibilité d'accéder à des compartiments « women only ». Bien pratique pour se mettre à l'abri des regards et gestes parfois pesants, dans une méga-cité réputée pour son manque de sécurité à l'égard des voyageuses. Nul doute sur ce point, le métro a changé la vie quotidienne des habitants de la capitale indienne. Et pour l'Inde, cette infrastructure est souvent présentée comme un modèle technique et économique.

« Le métro est la référence en Inde, tous projets d'infrastructures confondus, affirme Jean-Charles Vollery, directeur région Asie-Pacifique chez Systra, groupe français qui a réalisé des études pour ce projet.

C'est le premier métro moderne d'Inde. Il a été construit dans le respect du planning et des budgets. Dans un pays où les contraintes sont nombreuses et où il n'y avait aucune expérience dans le domaine, le challenge était immense ».

À quoi tient une telle réussite ?

Sans doute à la structure même du Delhi Métro Rail Corporation (DMRC), qui implique conjointement - et donc responsabilise - les autorités du gouvernement de Delhi et celles du gouvernement central, dans un mode de financement optimal. Mais aussi à la personnalité de ses dirigeants, dont l'exceptionnel E. Sreedharan.

« Il a managé brillamment et d'une main de fer la réalisation des deux premières phases, a fortement marqué l'organisation du DMRC et inspiré la relève », souligne Jean-Charles Vollery. Sous sa houlette, « le DMRC a su s'ouvrir aux technologies internationales et modernes ».

Le réseau passera à 330 km d'ici à 2016

Le métro de Delhi n'a qu'un seul grand défaut. Celui d'être encore bien jeune au regard des besoins cruciaux de la capitale en matière d'infrastructures. Sa première ligne n'est entrée en fonction qu'en 2002. Il est, par ailleurs, essentiellement fréquenté par la seule classe moyenne.

« Pour les longs trajets, le métro reste sans conteste plus économique, mais pour les déplacements plus courts, le prix minimum est de 8 roupies [0,09 euro, ndlr], contre 5 roupies pour le bus... », explique Sonali Mukherjee, une habitante de New Delhi.

Le réseau devrait néanmoins bientôt s'agrandir. D'ici à 2016, son tracé devrait s'allonger de 140 km. Actuellement, il sillonne le territoire de l'État sur 190 km. « Les travaux de la troisième phase, dont le coût est de 5 milliards d'euros, ont déjà commencé et les premiers tronçons seront ouverts dès l'an prochain, avant d'être finalisés en 2016 », relève Sushma Gaur, responsable marketing de DMRC.

« Cela devrait permettre de connecter deux des principales artères de la capitale », grâce à l'ajout de deux lignes circulaires.

Pour l'heure, « le métro transporte tous les jours environ 2 millions de passagers, précise la responsable. Mais, à l'horizon 2016, on en comptera plus de 4 millions ».

Station du métro de Delhi
>> Le plan du Métro de Delhi en haute résolution

117.250 véhicules chaque jour

Soit environ l'équivalent du trafic du métro parisien aujourd'hui. Le métro a bien entendu un impact indéniable sur l'environnement. Selon les statistiques de DMRC, il permettrait d'alléger les rues de la capitale de près de 117.250 véhicules chaque jour.

« Le métro est une réussite », reconnaît Anumita Roychowdhury, directrice exécutive du Center for Science and Environment, néanmoins il ne s'agit là que d'une piste parmi d'autres.

« Le problème, ajoute-t-elle, reste le manque flagrant de connexions entre ce dernier et les autres modes de transport. »

Les habitants de New Delhi y sont confrontés tous les jours. « Une fois sorti du métro, les trajets restent très longs et il n'y a souvent pas d'alternative à l'auto rickshaw », observe Mayank Bansal. Ce cadre d'IBM vit à Shahdara, un quartier situé à l'est de New Delhi, sur l'autre rive du fleuve Yamuna :

« Mon lieu de travail est à Noida, plus au sud, et pour y accéder, je n'ai pas le choix, je dois utiliser ma voiture, pour éviter de prendre quatre bus différents ! »

75% de la pollution provient du trafic automobile

Ces lacunes dans les transports en commun n'encouragent évidemment pas les particuliers à délaisser leur voiture. Ils y ont d'ailleurs de plus en plus recours. Entre 2000 et 2008, la part des usagers du bus est tombée de 60% à 40%.

Or, du fait de la pression démographique grandissante - 18 millions d'habitants aujourd'hui dans la métropole et 40% de plus sans doute en 2020 - le nombre de voitures particulières en circulation explose. Chaque jour, 1.400 nouveaux véhicules viennent s'ajouter aux 7,5 millions du parc existant. La ville sature, étouffe.

« La voiture fait partie de la panoplie d'un nouveau statut que chacun veut atteindre », explique aussi Anumita Roychowdhury.

« Pour l'heure, elle ne représente que 14 % des trajets effectués tous les jours, mais imaginez ce que cela peut donner si l'on réplique ici le modèle de certaines villes occidentales ! »

Une perspective qui fait froid dans le dos, d'autant que les écologistes sont unanimes : l'essentiel de la pollution, environ 75 %, provient du trafic automobile.

« En 2002, le gouvernement a pris l'initiative de faire rouler tous les véhicules publics, bus et rickshaw, au gaz naturel comprimé (GNC). Cette mesure a permis d'améliorer la qualité de l'air, souligne Nitya Jacob, un des journalistes de la revue écologique Down to Earth. Mais, avec l'augmentation constante de véhicules, la pollution est repartie de plus belle. »

En décembre dernier, les ONG ont encore tiré la sonnette d'alarme. L'épisode de brouillard qui a envahi la ville a coïncidé avec des taux de particules fines sept fois plus élevés que la normale.

« Si le gouvernement ne prend pas de mesures plus agressives, nous courons droit à la catastrophe en matière de santé publique », alerte Anumita Roychowdhury, rappelant les problèmes cardiaques et respiratoires liés à cette pollution extrême. « La pollution est la cinquième cause de mortalité en Inde ! »

Pollution extrême, circulation effrénée...

Des discussions ont certes cours au niveau gouvernemental mais les retombées tardent à se concrétiser, déplorent les ONG. D'autant que les réticences au changement sont importantes, tant du côté des lobbies que de celui de certains usagers. En témoignent les protestations il y a deux ans lorsque les autorités ont voulu mettre en place des lignes dédiées aux bus.

New Delhi est certes loin d'être la seule mégapole confrontée à ces problématiques. Mumbai, Bangalore, Chennai, Hyderabad : la plupart des métropoles indiennes subissent le même sort. Et affichent toutes la volonté de combler leur retard en matière de transports collectifs.

Côté métro, plus de 300 km de lignes sont en projet en Inde pour un budget supérieur à 12 milliards d'euros.

Commentaires 3
à écrit le 20/01/2014 à 14:56
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Je l'ai pris en novembre, le métro de New Delhi. Il est comme vous dites. Sursécurisé: poste de tir de mitrailleuses à l'entrée des stations les plus importantes et fouille de chaque passager à l'entrée. Très propre. Indiens de la classe moyenne. Aim...

à écrit le 20/01/2014 à 14:04
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Je l'ai pris en novembre, le métro de New Delhi. Il est comme vous dites. Sursécurisé: poste de tir de mitrailleuses à l'entrée des stations les plus importantes et fouille de chaque passager à l'entrée. Très propre. Indiens de la classe moyenne. Aim...

à écrit le 19/01/2014 à 21:01
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