Ukraine : les investisseurs craignent les sanctions, la Russie, moins

La fuite des capitaux pourrait faire tomber la croissance russe à 0,6% en 2014, presque la moitié de la croissance enregistrée en 2013. Pour autant, Vladimir Poutine reste confiant.
Vladimir Poutine ne craint pas les sanctions occidentales. Les marchés, si. (Photo : Reuters)

Si Moscou maintient sa politique en Ukraine, son isolement sera encore plus profond, a tonné Barack Obama, en marge d'un voyage à Bruxelles mercredi.

Pas de quoi rassurer les investisseurs étrangers, qui s'empressent de retirer leurs capitaux du pays. A tel point que Moscou a dû revoir ses prévisions de croissance à 0,6% pour 2014 - contre 1,3% l'année dernière. Un chiffre déjà faible pour un pays qui aspire à faire partie du club prisé des "émergents".

Les investisseurs étrangers rapatrient leurs avoirs

Jusqu'à 100 milliards de dollars pourraient sortir cette année des frontières, a estimé jeudi le ministre russe de l'Economie Alexeï Oulioukaïev. Déjà 60 milliards se sont envolés au premier trimestre, soit autant que sur l'ensemble de l'année 2013. Les entreprises allemandes, l'une des premières sources d'investissements directs en Russie, sont les premières à rapatrier les profits accumulés dans leurs filiales.

Les Russes protègent leurs richesses

Même les Russes prennent leurs dispositions. Le milliardaire Mikhail Prokhorov, opposant à Poutine lors des dernières élections, a transféré à une holding russe la propriété de la célèbre équipe de basket des Brooklyn Nets pour se mettre hors d'atteinte d'éventuelles sanctions américaines.

D'autres, au contraire, choisissent de transférer leur argent à l'étranger. Méfiants, les épargnants ont délaissé le rouble au profit de dépôts en devises étrangères, ce qui est également comptabilisé comme une sortie de capitaux. 

La crise Ukrainienne n'explique pas tout

La faute aux menaces de sanctions occidentales, suite à l'annexion de  la Crimée par la Douma, le 21 mars ? Pas uniquement. "Les capitaux sortent de Russie depuis 2008" précise Sylwia Hubar, de Natixis. Cette année-là, la fuite atteignait le record de… 133 milliards de dollars. Elle a ensuite baissé, pour atteindre un nouveau pic de 80 milliards de dollars en 2011.

Désaffection pour les "marchés émergents"

Si la situation géopolitique est une donnée essentielle, d'autres facteurs entrent en jeu, explique Ekaterina Molodova, analyste à BNP Paribas. La désaffection pour la Russie s'inscrit dans un contexte général de déception vis-à-vis des "marchés émergents". En fait, jusqu'à octobre 2013,  "la Russie avait été moins affectée par la conjoncture que les autres 'BRICS'", explique l'analyste.

Les perspectives de croissance aux Etats-Unis et le resserrement de la politique monétaire entamé en décembre par la banque centrale américaine, ont initié le mouvement. 

Faiblesses structurelles de l'économie russe 

Les faiblesses structurelles de l'économie russe ne sont pas nouvelles. "Le climat est peu propice aux affaires : faible gouvernance, propriété intellectuelle insuffisamment protégée, Etat omniprésent et corruption" incitent à la fuite des capitaux privés, explique Sylwia Hubar. La crise qui secoue l'Ukraine n'est qu'un signal d'alarme supplémentaire.

Poutine n'a peur de rien, mais les marchés craignent les sanctions

Pour le moment, les sanctions des Occidentaux à l'égard de la Russie se limitent à des sanctions individuelles. Les "listes noires" élaborées par l'Union européenne et les Etats-Unis ne concernent qu'une trentaine de personnalités pro-russes, dont les avoirs ont été gelés. "Ce genre de mesures n'a jamais fait reculer aucun pays", estime Philippe Migault, chercheur spécialisé dans les partenariats russo-européens.

Mais Vladimir Poutine a beau railler les menaces occidentales, les investisseurs, eux, craignent des sanctions économiques plus générales : embargo commercial, cessation des importations de gaz et de pétrole, "en cas d'escalade, nous sommes prêts à chaque instant à passer à la "phase trois" des sanctions et il s'agira sans aucun doute de sanctions économiques", a prévenu la chancelière allemande Angela Merkel.

Une Russie de moins en moins attractive pour les investisseurs

La fuite des capitaux peut-elle influer sur la politique de Vladimir Poutine ?  En principe, les investisseurs peuvent  revenir en Russie aussi vite qu'ils sont partis, explique l'économiste Adam Slater. "Mais en pratique, les capitaux ne devraient pas regagner la Russie de sitôt - voire pas du tout."

A plus forte raison si la Russie décide d'instaurer un contrôle sur les capitaux pour enrayer leur déroute, ce qui, selon l'économiste "rendrait le pays encore moins attractif pour les investisseurs", bien loin du rêve des grandes puissances émergentes labellisées "BRICS".

D'autant plus que la banque centrale russe a relevé son taux directeur de 1,5 point début mars pour préserver la valeur du rouble, minant la demande intérieure. Donc la croissance.

Tant qu'il y aura du gaz...

Pour autant, la situation n'est pas aussi dramatique qu'en 1998, après la crise financière asiatique, estime le Quartz. La bourse qui plonge, le rouble en chute libre, le défaut sur la dette ne sont pas à l'ordre du jour.

La banque centrale peut compter sur des réserves d'or et de devises, estimées à presque 500 milliards de dollars. Elle est d'ailleurs parvenue à stabiliser le cours du rouble. En excédent courant, l'économie russe n'est par ailleurs pas très exposée à la volatilité des capitaux étrangers pour son financement : elle peut compter sur un commerce extérieur structurellement excédentaire grâce à ses exportations de gaz et de pétrole.

Quant aux menaces de sanctions, elles paraissent peu opportunes pour l'Europe. Un gel des avoirs, par exemple, coûterait beaucoup plus cher à Paris qu'à Moscou : les investissements français en Russie sont douze fois plus nombreux que les investissements russes en France. 

Ce qui pourrait faire trembler la Russie ? La cessation des importations européennes de pétrole et de gaz. "Inimaginable", selon Philippe Migault. Comme l'a dit jeudi le ministre allemand de l'économie : "Il n'a pas d'alternative raisonnable au gaz russe".

Commentaire 1
à écrit le 09/04/2014 à 14:52
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je pense que les US veulent embarquer les européens dans un bras de fer avec les russes histoire de les griller avec ce pays Ca leur permettra ensuite de nous vendre leur gaz de schiste hyper cher , ils ne savent pas à qui le fourguer

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