Le paradoxe japonais, relancer la consommation en la taxant

Les analystes craignent que la hausse de la TVA ne vienne ruiner tous les efforts de Shinzo Abe pour relancer la croissance du Japon, tirée par la consommation. Mais la situation budgétaire du pays ne lui a guère laissé le choix.
Shinzo Abe a prévu enveloppe budgétaire spéciale de 5.500 milliards de yens (40 milliards d'euros) pour amortir le choc redouté d'une baisse des achats dans les semaines et mois à venir. Une nouvelle action de la BoJ est aussi évoquée par de nombreux observateurs, faisant craindre une fuite en avant. (Photo : Reuters)

Le Japon vit depuis des mois dans l'attente de ce 1er avril, date à laquelle la taxe sur la consommation, l'équivalent de la TVA, a été relevée de trois points pour passer de 5 à 8%. Du point de vue français, cela peut paraître peu, mais un tel relèvement inquiète de nombreux observateurs qui craignent que celui-ci ne vienne annihiler la reprise japonaise. Du point de vue des finances publiques, elle est toutefois une nécessité.

Vieillissement de la population

Le Japon est en effet endetté à plus de deux fois le montant de son produit intérieur brut et doit faire face à une explosion de sa facture sociale en raison notamment du vieillissement de la population. La troisième économie mondiale voit sa population active se réduire, alors que le nombre de "babyboomers" à la retraite ne cesse de s'accroître.

Dans ce contexte augmenter la taxe sur la consommation apparaît comme le moyen le plus simple de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'État, bien qu'impopulaire. L'augmentation de 3 points de cette taxe devrait rapporter en année pleine à l'Etat 8.000 milliards de yens (57 milliards d'euros) supplémentaires.

Objectif : relancer la consommation...

L'ennui, c'est que cette hausse de la taxe, qui pèse sur tous, risque de peser sur la consommation, alors que la relance de la demande intérieure fait précisément partie des priorités du Premier ministre Shinzo Abe. Le ministre japonais s'est en effet lancé il y a un peu plus d'un an dans un programme de sortie de la déflation et de relance de la croissance japonaise en trois volets appelé Abenomics.

La  première flèche consiste en un doublement de la masse monétaire par la banque centrale du pays, la Bank of Japan, afin de doper les exportations. La deuxième consiste en un plan de relance publique pour doper temporairement la demande intérieure.

La troisième enfin, est un train de réformes ayant pour but de favoriser l'investissement, notamment étranger, dans l'archipel. Selon Shinzo Abe, tout cela devait notamment permettre un doublement des salaires en deux ans, afin que la consommation prenne le relais d'un commerce extérieur à la peine depuis l'arrêt des centrales nucléaires suite à la catastrophe de Fukushima, et l'explosion de la facture énergétique.

>> Lire "L'Arlésienne de la croissance japonaise, c'est la consommation"

... tout en la taxant

Le problème, c'est que la politique monétaire accommodante de la BoJ a pour l'instant eu pour seul effet inflationniste de faire progresser les prix des produits importés, grevant d'autant le pouvoir d'achat des ménages. Le boum de la consommation observé ces derniers mois n'est que l'effet de l'anticipation de la hausse généralisée des prix par les consommateurs en ce 1er avril. Ainsi, la plupart des économistes s'attendent-il à un ralentissement de la croissance au prochain trimestre.

C'est pourquoi le Premier ministre a multiplié les appels du pied ces derniers mois pour que les entreprises japonaises augmentent les salaires. Appel entendu par certaines grandes entreprises comme le numéro un mondial de l'automobile Toyota et Panasonic, qui ont profité du yen faible pour réaliser des marges importantes à l'export. Mais l'important tissu de PME ne peut pas suivre.

Conscient de devoir faire un choix entre relancer la croissance et faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'État, Shinzo Abe a prévu enveloppe budgétaire spéciale de 5.500 milliards de yens (40 milliards d'euros) pour amortir le choc redouté d'une baisse des achats dans les semaines et mois à venir, en attendant l'enclenchement tant espéré d'un cercle vertueux. Une nouvelle action de la BoJ est aussi évoquée par de nombreux observateurs, faisant craindre une fuite en avant.

>> Lire Le choix du Japon, s'ouvrir ou souffrir

Commentaires 11
à écrit le 02/04/2014 à 23:56
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Où est le paradoxe? L'augmentation de la TVA peut être assimilé à de l'inflation. Or, il parait que la déflation est mauvaise pour l'économie : Si le prix du pain et des vêtements diminuent, les agents rationnels cessent de manger et de s'habiller en...

à écrit le 01/04/2014 à 12:40
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Pour faire bonne mesure n' oublions pas le déficit public qui est de 10 %.. là ou on raille la France à 4 % etc..

à écrit le 01/04/2014 à 11:23
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le proverbe arabe a toujours du sens en 2014 , la main qui prend est plus longue que celle qui donne , non sans rire la TVA a bonne cote meme a l'étranger , dommage qu'on réclame pas le brevet aussi ? , les japonais eux sont desesperés car non seule...

le 01/04/2014 à 12:49
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Niveau TVA, la France a de la marge comparée à la plupart des pays européens. Mais quand on cumule tous les impôts et taxes, ce n'est plus pareil.

à écrit le 01/04/2014 à 10:54
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Ce dont les spéculateurs se rendent compte aujourd'hui, c'est que l'argent qu'ils ont racketté pendant la crise est en train de perdre toute sa valeur : baisse de la valeur des titres des société, baisse du chiffre d'affaire, baisse du court des monn...

à écrit le 01/04/2014 à 10:17
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8%, c'est toujours 12% de moins que 20% !

à écrit le 01/04/2014 à 10:06
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Ça fait jamais que vingt ans que ça dure... Qui se souvient qu'on nous présentait le Japon comme un modèle dans les années quatre-vingt?

le 01/04/2014 à 12:15
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Je me souviens de Robocop 3 où les méchants sont japonais. Film ou plutôt navet tourné en 1991 juste avant que les ennuis débutent au Japon.

le 01/04/2014 à 23:28
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Si si je me rappelle , le PDG de Nissan annonçait que les constructeurs japonais allaient manger tout cru les constructeurs Européens considérés comme moyens, et que les constructeurs Européens considérés comme faibles disparaitraient , FIAT et Renau...

à écrit le 01/04/2014 à 9:47
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ils ont du prendre des cours en France à l 'école nationale de l'administration car c'est le B-A-BA de son enseignement: toujours reprendre d'une main ce que l'on donne de l'autre.

le 01/04/2014 à 10:10
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à JC Non, en France ils nous prennent d'une main ce qu'ils n'ont pas donné de l'autre

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