Pourquoi les petits commerces cubains restent privés d'investissements étrangers

Les nouveaux avantages fiscaux accordé par La Havane profiteront seulement aux participations étrangères dans une entreprise d'Etat ou dans une coopérative, mais pas au secteur privé. Explications.
Giulietta Gamberini
450.000 travaillent dans le secteur privé naissant à Cuba. (Photo: Reuters)

Les petits commerces privés cubains ne pourront pas bénéficier de la nouvelle loi sur les investissements étrangers. Cause officiellement invoquée: ils ne seraient pas en mesure d'attirer les gros capitaux, la haute technologie et les marchés extérieurs exigés par les grands projets économiques visés par le gouvernement. C'est ce qu'a expliqué un responsable du ministère cubain du Commerce extérieur mardi 1er avril, lors d'un débat sur le site officiel Cubadebate.cu.

Cuba s'ouvre à l'investissement étranger

Le Parlement cubain a adopté le 29 mars une nouvelle loi prévoyant "une incitation accrue à l'investissement étranger", qui a pour but de donner un nouveau souffle à l'économie du pays. Elle introduit des avantages fiscaux pour les entreprises étrangères, qui seront exemptées d'impôt sur les bénéfices pendant huit ans (avec prolongation possible) et paieront ensuite un impôt de "15% du bénéfice net imposable", soit la moitié du taux actuellement en vigueur en vertu d'un texte adopté en 1995, au lendemain de la chute du bloc soviétique.

Le secteur privé vit surtout d'envois d'argent de l'étranger

Le nouveau régime fiscal ne profitera toutefois pas à d'éventuels investissements dans les petites affaires qui se sont développées dans l'île, dans le cadre du secteur privé naissant qui compte plus de 450.000 travailleurs (contre plus de 4 millions dans le secteur public).

Pourtant, ceux-ci florissent essentiellement grâce à des formes de financements extérieurs, les envois d'argent de l'étranger ("remesas"), qui atteignent quelque 2,5 milliards de dollars par an. Pratiqués en dehors de tout cadre légal, ces envois constituent la deuxième source de revenus en devises de Cuba, à égalité avec le tourisme.

"Ces investissements (...) dans leur ensemble représentent des chiffres et des opportunités qui ne sont pas négligeables et qui vont dans le sens des priorités du pays", a remarqué l'économiste cubain Jesus Arboleya Cervera s'adressant à l'AFP.

Les Cubains résidant à l'étranger sont inclus dans le nouveau régime

Seulement les apports étrangers dans une entreprise d'Etat ou dans une coopérative se verront appliquer le régime fiscal favorable. Tout particulier ou entité juridique domicilié hors de Cuba pourra en revanche être l'un de ces investisseurs, y compris les émigrés cubains.

"Cuba n'ira pas chercher l'investissement étranger à Miami" (où résident la plupart des deux millions de Cubains émigrés) : "la loi ne l'interdit pas, la politique ne le promeut pas", a toutefois tempéré le ministre du Commerce extérieur, selon l'agence locale Prensa Latina.

Le ministre a précisé que les Cubains de l'étranger pourront investir dans l'île "tant qu'il s'agit de personnes qui n'ont pas de positions adverses au processus révolutionnaire et qui ne sont pas liées à la mafia terroriste de Miami (anti-castriste)".

L'embargo imposé par Washington depuis 1962 au régime communiste interdit aux Américains et au Cubains résidant aux Etats-Unis ainsi qu'aux filiales d'entreprises américaines et aux entreprises étrangères implantées aux Etats-Unis d'investir à Cuba, sous la menace de sanctions et sauf dérogations.

D'autres obstacles s'opposent à l'arrivée de capitaux

L'exclusion du travail indépendant ne constitue pas la seule limite fixée par la nouvelle loi, pourtant présentée comme "cruciale" pour l'économie du pays par le président Raul Castro lui-même. Comme par le passé, les entreprises étrangères devront recourir à une agence de l'emploi d'Etat, sans pouvoir gérer directement leur personnel.

"Le blocus économique, commercial et financier imposé par le gouvernement américain, la situation de l'endettement extérieur, les erreurs du passé en matière d'investissements et les restrictions entraînées par le manque de devises" s'opposent aussi aux investissements étrangers, a reconnu devant le Parlement le ministre du Commerce extérieur, promoteur de la loi.

Une partie de la dette extérieure annulée

Selon le dernier chiffre officiel, Cuba affichait une dette extérieure de 13,575 milliards de dollars en 2010. Depuis, l'Etat cubain est toutefois parvenu à annuler une partie de celle avec la Russie, le Japon et le Mexique.

 

Giulietta Gamberini
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