Inde : pour respecter les quotas de femmes, les conseils d'administration se tiennent... en famille

Depuis l'an dernier, en Inde, la loi impose en Inde qu'au moins une femme siège au conseil d'administration des groupes cotés. Mais plusieurs sociétés indiennes détournent l'obligation, en sélectionnant l'une des rares femmes déjà connues dans le monde des affaires ou un proche de la direction.
Nita Ambani a ainsi rejoint mercredi le conseil d'administration du conglomérat indien Reliance Industries, dirigé par son mari Mukesh. (Photo: Reuters)

Contraint de se conformer à une nouvelle loi destinée à remédier à l'absence de femmes dans les conseils d'administration, l'homme le plus riche d'Inde a trouvé la personne idéale pour cet emploi: son épouse. Nita Ambani a ainsi rejoint mercredi le conseil d'administration du conglomérat indien Reliance Industries, dirigé par son mari Mukesh.

Pourtant, la copropriétaire de l'équipe de cricket de Mumbai a une faible expérience en entreprise. Sa réussite la plus connue est le gratte-ciel familial de 27 étages, désigné comme "le logement le plus cher du monde".

Une loi pour permettre aux femmes de percer le plafond de verre

Ce choix familial est néanmoins retenu par plusieurs sociétés indiennes, après l'adoption l'an dernier d'une loi visant à accroître le nombre de femmes dans les directions des grandes entreprises. Celle-ci prévoit qu'an moins une femme siègera au conseil d'administration des groupes cotés.

Mais en Inde, pays mal classé dans les études sur la place des femmes dans l'entreprise, un tel objectif plus que difficile à atteindre.

Un écosystème de sélection négative

Les femmes représentent environ la moitié des 1,2 milliard d'habitants de l'Inde mais, en terme de taux d'emploi, le pays n'arrive qu'au 120e rang sur 131 nations analysées par l'Organisation internationale du travail (OIT) en 2013. Le classement Global Gender Gap 2013 du Crédit Suisse classe l'Inde au 101e rang sur 136 et évalue à 9% le nombre d'entreprises interrogées ayant des femmes dans leurs conseils.

Cette difficulté de voir émerger des talents féminins s'explique plus par la forte présence d'hommes que par une absence de compétences des femmes, estime Kiran Mazumdar Shaw, fondatrice et dirigeante de Biocon, entreprise de biotechnologies:

"Il s'agit d'un écosystème axé sur la sélection négative qui exclut les femmes. Les critères d'emploi sont établis de telle façon que seuls les hommes sont sélectionnés", précise-t-elle.

Aversion au "risque" représenté par les femmes

Le dirigeante d'entreprise, qui dit avoir elle même dû lutter contre des préjugés sur sa "crédibilité", ajoute:

"Une entreprise peut promouvoir la prise de risques mais son conseil d'administration fera preuve d'aversion au risque et se montrera très conventionnel quand il s'agit d'intégrer des femmes".

Une autre femme, Mahalakshmi, qui dirige le cabinet Professionele Consulting, confirme:

"Mon cabinet de chasseur de tête existe depuis une décennie et aucune entreprise n'est venue me demander de trouver une femme venant de l'extérieur afin de siéger à son conseil".

"Les entreprises veulent quelqu'un qu'elles puissent influencer", poursuit-elle.

Un rôle réduit à celui de caution aux décisions des hommes

Dans certains cas, les femmes elles-mêmes se montrent réticentes à se mettre en avant, se demandant "si leur voix sera entendue" ou si elles ne seront réduites qu'à approuver des décisions sans pouvoir apporter de perspective nouvelle, relève Padmaja Alaganandan, consultante en ressources humaines pour PricewaterhouseCoopers.

Ainsi, beaucoup d'entreprises choisissent la facilité, sélectionnant pour leurs conseils d'administration l'une des rares femmes déjà connues dans le monde des affaires ou un proche de la direction. C'est la démarche récemment adoptée, par exemple, par le fabricant et distributeur de vêtements Raymond Group, le conglomérat Modi Group ou encore le groupe Century Textiles and Industries.

Un chemin encore long

"La désignation de femmes membres de la famille ne respecte pas l'esprit de la loi", estime la dirigeant de Biocon.

"La loi devrait rendre obligatoire la désignation de femmes comme membres indépendants du conseil d'administration", considère-t-elle.

Mais le chemin reste long à parcourir pour les femmes en Inde, et ce non seulement à l'intérieur des entreprises. Fin 2012, le viol barbare d'une étudiante à New Delhi, morte de ses blessures, a déclenché une vague d'indignation et placé la question féminine en Inde sous les projecteurs du monde entier.

Le nouveau Premier ministre Narendra Modi a toutefois agréablement surpris les militants des droits humains en attribuant un quart des postes ministériels à de femmes: une nette progression par rapport à l'exécutif précédent.

Commentaire 1
à écrit le 25/06/2014 à 0:14
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