Pablo Iglesias : le radical démocrate de Podemos

En convaincant plus d'1,2 million d'électeurs espagnols aux élections européennes du 25 mai 2014, le parti Podemos et son leader Pablo Iglesias se sont fait connaître en Europe. Mais qui est le chef de l'extrême gauche espagnole ? Quelles sont ses influences ? Comment s'est construit le parti ? Portrait.
Pablo Iglesias fait partie des cinq eurodéputés de Podemos . Il a été désigné par la Gauche radicale européenne comme candidat à la présidence du Parlement (Reuters)

Jamais rasé, longue queue-de-cheval, une chemise mais pas de costume... Nul doute qu'au Parlement européen, le look de Pablo Iglesias va trancher avec celui de ses collègues eurodéputés. Tête d'affiche (et de liste) du nouveau parti espagnol d'extrême gauche Podemos ("Nous pouvons"), Pablo Iglesias a été élu député européen le 25 mai dernier au terme d'une campagne rondement menée, sur laquelle nous reviendrons plus tard.

Tout d'abord, il faut savoir que lire la biographie de Pablo Iglesias, c'est constater que le destin de cet homme était de porter les idées de "la gauche de la gauche", comme il le dit lui-même, en Espagne et maintenant en Europe. Car Pablo Iglesias, c'est avant tout un nom. Celui du père du socialisme espagnol : Pablo Iglesias Posse. Pablo Iglesias Turrión, celui de Podemos, est né en octobre 1978 à Vallecas, un quartier de Madrid de tradition ouvrière et contestataire.

Aux Jeunesses communistes dès 14 ans

Au quotidien espagnol El País, la mère clame que "dans la famille, on lutte pour la classe ouvrière depuis le XIXe siècle". Dans l'arbre généalogique : des députés, des condamnés à mort pour leurs idées politiques, des juges et des militaires républicains. L'activisme politique de gauche est donc dans les gènes de Pablo Iglesias, qui s'inscrit dès 14 ans aux Jeunesses communistes. L'adolescent est déjà plus à gauche que son illustre homonyme. S'ensuivent de brillantes études en faculté de Sciences politiques, puis une thèse en doctorat dont la version réduite s'intitule "Désobéissants".

Un titre qui fait étrangement écho aux "Indignés". Des élites économiques, politiques et financières cupides coupées de la base, une démocratie en panne, une volonté de réinventer l'Europe et de donner plus de pouvoirs aux citoyens... Les idées de Podemos étaient déjà là. Mais avant que le parti n'éclose, il a fallu du temps. Du temps pour se rôder aux joutes oratoires des plateaux télévisés. Du temps pour s'approprier politiquement "l'indignation" de nombreux Espagnols.

La Tuerka, l'émission du succès

A l'origine de Podemos, des professeurs de l'université Complutense de Madrid, parmi lesquels Pablo Iglesias. Au début ce ne sont que des cercles de réflexions, des forums auxquels participent des personnes de tout bord. On y trouve par exemple des militants d'Izquierda Anticapitalista, la gauche anticapitaliste espagnole. Peu à peu, un agrégat de sympathisants très hétéroclite prend forme avec des membres militants et d'autres absolument pas rompus aux actions politiques.

Le mouvement émerge grâce à une émission télévisée : la Tuerka ("L'écrou"). D'abord sur Internet puis sur la TNT, la Tuerka, présentée par Pablo Iglesias, est un succès. On y débat avec des invités d'horizons politiques variés. Iglesias y construit son discours et apprend à maîtriser les codes de la télévision. Il dénonce, sans jamais perdre sa contenance. La Tuerka est pour lui la porte d'entrée des grandes chaînes télévisées d'Espagne.

"Pablo Iglesias est associé à des mots"

Celui qui n'est encore que le leader charismatique de Podemos peut alors diffuser ses idées au plus grand nombre. Et sa rhétorique porte :

"Les mots de Pablo Iglesias sont ceux que chacun utilise dans les bars et les cafés. Il reprend les grands thèmes de l'indignation sans rabaisser son discours, ce qui a un effet très positif auprès de la population", raconte Sandrine Morel, correspondante du journal Le Monde en Espagne.

"Plus qu'à une organisation, Pablo Iglesias est associé à des mots, ce qui lui donne un contrôle total sur son image", précise la journaliste, pour qui cela explique en partie le succès de Podemos aux dernières élections européennes.

Succès politique, ignorance médiatique

Car, en janvier 2014, débute le temps de la politique pour le mouvement d'extrême gauche qui se constitue en tant que parti. En adéquation avec ses idées, Podemos fonctionne sur le mode de la démocratie directe, et Pablo Iglesias en devient le leader "légitime" en se faisant élire par plus de 30.000 sympathisants. Centrée sur un discours anti-troïka adressé aux déshérités, aux classes moyennes appauvries et aux victimes de la crise économique, la campagne est un succès. L'ignorance des grands médias jusqu'au résultat des élections n'y change rien.

"Et encore moins le flot d'articles pour prévenir du 'danger' Podemos après la performance du parti aux européennes" ajoute Sandrine Morel.

Car c'est bien d'une performance dont il faut parler. 1,2 million d'électeurs ont voté pour Podemos, faisant du parti la quatrième formation du pays, en seulement 4 mois. Podemos peut ainsi envoyer cinq membres à Strasbourg et Pablo Iglesias est même désigné comme candidat à la présidence du Parlement, devenant la deuxième tête d'affiche de la Gauche radicale après le Grec Alexis Tsipras, désigné lui comme candidat à la présidence de la Commission.

Le congrès de Podemos, une échéance déjà décisive

En politique comme en sport, après le succès vient le temps de la confirmation. S'il risque d'être compliqué pour Podemos de se faire entendre au Parlement européen face à la grande coalition du Parti populaire européen et des Socialistes, le parti fait figure de menace en Espagne pour la gauche traditionnelle : "Podemos ne semble pas disposé à nouer d'alliances avec le PSOE (Parti socialiste), ce qui réduit le poids des socialistes", analyse Sandrine Morel du Monde. Et en interne, le défi de Podemos consiste à garder son fonctionnement de démocratie directe cher aux sympathisants. A cet égard, la façon dont le parti va se structurer aura une grande importance. Un congrès est prévu à l'automne. Rendez-vous est pris.

Commentaire 1
à écrit le 29/07/2014 à 14:47
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Ce n'est pas seulement a parti a gauche de la gauche...Il y a beaucoup de propostes qui sont de tous partis.... securite sociale publique, ecole publique et laique, abort droit, taxes sur les fortunes....taxes sur les investissements clairment spec...

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