Une reprise américaine qui oublie encore les salariés

En dépit d'un taux de chômage au plus bas, les salaires américains n'augmentent quasiment pas. Seule une petite minorité d'Américains -les plus riches- ont droit à une hausse. Les Américains à hauts revenus ont doublé leur patrimoine sur trente ans. Pour les autres, il a, eu mieux, stagné
Ivan Best
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 La donne va-t-elle changer en 2015 ? La reprise américaine -bien réelle en regard de ce qui se passe en Europe, puisque la croissance dépasse chaque année les 2%-  reste trop peu favorable aux salaires, comme l'a souligné ce mercredi la Fed, dans son « Beige book », rapport sur l'état de l'économie. Les chiffres des ventes de détail pour le mois décembre, n'ont fait que confirmer ce diagnostic : les Américains consomment peu, au regard des reprises précédentes, et les ventes de détail ont reculé de 0,9% en décembre par rapport au mois précédent (données corrigées des variations saisonnières).

Le salaire moyen a reculé en 2013, en termes réels,  progressant d'un petit 1,1% pour une hausse des prix de 1,7%. En 2014 -décembre 2014 comparé à décembre 2013-  la hausse des salaires s'est accélérée, atteignant 2,5%, pour une inflation de 1,3%.

Cela pourrait ressembler à une accélération... mais tous les secteurs ne sont pas concernés, loin de là. Dans l'industrie, la progression a été limitée à 1,5% , selon les statistiques officielles américaines. La hausse a été beaucoup plus sensible dans la finance (+3,3%). Cet écart entre les deux secteurs donne un indice sur l'évolution salariale selon la place dans la hiérarchie des rémunérations: une fois de plus, les hauts salaires, beaucoup plus nombreux dans la finance, ont, sans aucun doute, été privilégiés.

Un gap croissant entre hauts et moyens salaires

Depuis les années 1990, le « gap » entre des hauts salaires en forte progression et des bas salaires stables, voire en baisse en termes réels -une fois la hausse des prix défalquée- n'a cessé de se creuser. Et cette évolution a concerné aussi la classe moyenne, dont les revenus ont cessé de progresser.

Selon le Pew Research Center, qui a publié une étude sur le sujet il en résulté un écart croissant de l'écart entre ménages à hauts revenus et à revenus moyens : en 1992, le haut revenu median représentait 3,6 fois celui des classes moyennes. En 2013, il était 6,6 fois plus élevé... Un record, depuis que la Fed établit ces données (cela fait plus de 30 ans).

Un couple avec deux enfants appartient à la « classe moyenne » dès lors que son revenu annuel dépasse les 44.000 dollar (37.300 euros). Il fait partie des « hauts revenus » dès qu'il dépasse les 132.000 dollars annuels (111.800 euros).

 Depuis trente ans, le patrimoine des ménages a moyen a stagné... celui des hauts revenus a doublé

Ce découplage des revenus s'est traduit par une évolution particulièrement contrastée du patrimoine des ménages. En moyenne, les ménages américains se sont appauvris depuis 2007, en raison de la crise financière, bien sûr.  Mais, sur 30 ans, ils se sont enrichis : de 1983 à 2013, leur patrimoine (net de dettes) est passé de 76.600 dollars à 81.400 dollars (en dollars constants de 2013).  Cette moyenne cache cependant des évolutions très disparates. Les ménages à bas revenus se sont littéralement appauvris, leur « fortune » passant de 11.400 à 9.300 dollars (cf graphique ci-dessous) en trente ans. La hausse de l'endettement explique pour une bonne part cette évolution.

La classe moyenne a peu ou prou maintenu sa richesse, depuis trente ans. Elle s'était enrichie jusqu'en 2007, mais s'est appauvrie avec la crise. La reprise lui a-t-elle permis de « se refaire » ? Absolument pas. La richesse de l'Américain moyen stagne depuis 2009. Des salaires au mieux stables n'ont pas aidé à sortir de cette situation.

Fortunes américaines

En revanche, les ménages à hauts revenus ("Upper income", voire illustration ci dessus) ont doublé leur fortune sur trente ans, et ce malgré la crise....

 Depuis 2009, toute la hausse du revenu pour... 1% des Américains

Selon les statistiques fiscales compilées par l'économiste Emmanuel Saez, la totalité de la hausse du revenu entre 2009 et 2012 a été accaparée par... 1% des Américains.

La faiblesse de la consommation s'explique donc facilement : on peut même s'étonner que celle-ci soit en hausse sur l'ensemble de l'année, 1% des ménages ne pouvant remplacer l'ensemble des consommateurs... De même, cette inégalité croissante dans le partage des revenus explique pourquoi une majorité d'Américains ne ressent pas les effets de la reprise : selon les derniers sondages, seuls 20% des Américains considèrent comme «excellente » ou « bonne »  la situation économique de leur pays.

 Du mieux pour les salariés en 2015?

 Selon Emmanuel Saez, les choses pourraient évoluer en 2015, les salaires finissant par réagir à la baisse continue du chômage, au plus bas en décembre (5,6% seulement de la population active). Mais celle-ci reste encore liée, pour une part, au « découragement » de certains salariés, qui, faute de perspective d'embauche, ne s'inscrivent même pas en tant que demandeur d'emploi. Dès lors, les statistiques les excluent de la population active, et le taux de chômage s'en trouve diminué, artificiellement.

Ivan Best
Commentaires 3
à écrit le 17/01/2015 à 7:42
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C'est normal puisque les américains sont si laborieux qu'ils font appels aux cerveaux étrangers pour soutenir leur économie malgré le prestige et surtout le coût exorbitant de leurs universités...

à écrit le 16/01/2015 à 6:45
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Le journaliste ne fait pas de l'économie mais de la politique. Le salaire est un facteur de production qui est utilisé par les patrons dans la production de biens et services ce n'est pas une donnée que l'on peut trafiquer comme la monnaie ou en Fran...

le 17/01/2015 à 11:04
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comprend rien aux explications de tomibiker.......

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