Quel avenir pour la Serbie dans l'UE ?

Le 9 décembre dernier, le Conseil européen a repoussé à mars la candidature serbe à l'Union. A Belgrade, en novembre, la population pointait déjà le choix cornélien entre l'UE et le Kosovo Une enquête de notre partenaire belge L'Echo.
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Belgrade, novembre 2011. La barbe noire fournie, Zoran Sekulic a le sourire fatigué. A 53 ans, il dirige une agence d'information spécialisée dans l'audiovisuel. Une reconversion intéressante pour ce journaliste qui a connu les affres de l'information sous le régime de Milosevic et raconte qu'en un demi-siècle, il a " connu cinq Etats différents - selon les statuts successifs de la Yougoslavie - sans jamais quitter Belgrade ".

Aujourd'hui, comme la plupart de ses compatriotes, il tente de croire à l'Europe. Mais du bout des lèvres seulement. L'échéance reste lointaine même s'il estime que son pays y a tout intérêt. " Beaucoup de gens le souhaitent, admet-il, et ils avancent pour cela deux raisons essentielles. " La première, explique-t-il, c'est que, vu d'Europe occidentale, la Serbie actuelle est un " pays de l'est " alors que de l'autre côté de l'ancien rideau de fer elle paraît intégrée à l'ouest. " Or tous ces anciens satellites du bloc soviétique ont rejoint l'Union européenne et nous on reste à la traîne. " La deuxième, explique Zoran Sekulic, c'est que la Serbie est le plus grand pays de la région des Balkans et est un véritable corridor des différentes influences. " En fait on n'a pas le choix, partout où on regarde autour de nous, on sent la présence de l'Europe. Si on ne l'intègre pas, on sera un peu comme un trou noir sur une carte. "
Pour l'UE, les Balkans occidentaux représentent la prochaine étape dans l'intégration. La Slovénie a pu sauter dans le train du grand élargissement de 2004 et la Croatie portera le numéro " 28 " dès juillet 2013. " La volonté est d'assurer la stabilité politique du continent et celle-ci sera plus solide lorsque la Serbie sera intégrée ", explique-t-on de source diplomatique européenne à Belgrade. L'autre avantage est que chaque nouvel Etat qui rejoint l'Union lui offre un poids économique et commercial plus important dans ses relations avec l'extérieur.


?L'Europe se refuse le droit à l'erreur
Bruxelles, le 9 décembre dernier. Dans le rush de la crise de l'euro, le Conseil européen devait prendre une décision au sujet du dossier serbe. Quelques semaines plus tôt, la Commission avait recommandé que les " vingt-sept " accordent à la Serbie le statut officiel de " candidat à l'adhésion". Belgrade retenait son souffle. La livraison en cours d'année au Tribunal pénal international pour la Yougoslavie de La Haye (TPIY) des deux criminels Ratko Mladic et Goran Hadzic avaient plaidé en sa faveur. Mais les chefs d'Etat ont finalement repoussé la question en mars 2012, histoire de jauger plus avant la volonté serbe de faire des pas dans la bonne direction.?" Depuis un an Belgrade a réalisé d'importants progrès, note encore un diplomate européen sur place, des réformes importantes ont été entreprises concernant notamment le fonctionnement du parlement et le financement des partis politiques. " Elle a aussi créé une agence pour combattre la corruption qui reste profondément ancrée dans les m?urs. Où se situe alors le problème ? En fait, à la frontière entre la Serbie et le Kosovo où des incidents frontaliers créent des tensions entre les deux pays depuis l'été.
L'impossible reconnaissance du Kosovo
Retour à Belgrade, au c?ur de la cellule de dialogue entre Belgrade et Pristina. Son responsable, Borislav Stefanovic reconnait le problème : " On ne peut pas créer un deuxième problème chypriote au c?ur de l'UE, nous devrons régler la question du Kosovo avant d'imaginer intégrer l'UE.?Elle reste donc pour nous comme un beau château sur une colline inaccessible. " Derrière ces mots feutrés, se cache la tentation de ne jamais admettre l'indépendance du Kosovo.
L'ex-province albanophone a revendiqué unilatéralement son indépendance en février 2008. Le pays a depuis été reconnu par une septantaine d'Etats. Mais pour la Serbie, la question du Kosovo ne se discute même pas. " Tout le monde attend que nous reconnaissions le Kosovo, convient Stefanovic. Mais si nous les reconnaissons nous devrons les aider. Et ça nous ne pouvons pas l'admettre. " Pour l'interlocuteur serbe sur la question, la solution serait de laisser le territoire kosovar au sein des frontières serbes tout en accordant à la population ses propres institutions. L'Europe, elle, exige deux choses : que la population serbe du Nord du Kosovo ôte les barricades qui entravent le trafic frontalier et que la Serbie accepte que le Kosovo soit représenté comme un Etat à part entière dans les conférences régionales.
Mais le dossier reste politiquement très sensible. "Les enquêtes montrent que 5% à peine de la population estime que la Serbie doit reconnaître le Kosovo ", note Srbrobran Brankovic, responsable de Medium Gallup. Prudent, le Premier ministre Mirko Cvetkovic laisse, de son côté, ouvertes toutes les options. "Je suis favorable au dialogue, insiste-t-il. On ne peut pas vivre de décisions unilatérales. " Un discours qui tranche avec la version plus radicale de son ministre de l'Intérieur Ivica Dacic. " Si les choses restent en l'état, la paix actuelle ne sera qu'une pause entre deux guerres ", lance-t-il, sûr de son fait.
Sa solution ? Une partition du Kosovo : les villes à majorité serbe du Nord réintègrent la Serbie, le reste du territoire, albanophone, rejoint l'Albanie. " Mais on nous demande quasiment d'abandonner le Kosovo pour pouvoir entrer dans l'Union européenne, c'est quelque chose que nous ne pouvons pas imaginer. "

Un sentiment de fatigue?
Déchirée la Serbie ? En quelque sorte. La plupart des partis politiques revendiquent l'intégration à l'Europe et le maintien du territoire kosovar dans les frontières serbes. L'Europe ne dit pas que les deux questions sont automatiquement liées. Mais le report de la question de la candidature à Mars en donne un peu le sentiment. A la longue, la population serbe risque de se lasser de faire antichambre. " Les sondages réalisés après l'été montrent qu'il n'y a plus que 48% de la population qui tient à l'entrée dans l'Union, c'est la première fois que ce score descend sous les 50% ", observait en novembre Srdjan Majstorovic, responsable de l'EU Integration Office. Selon lui, si les " vingt-sept " ressentent une "fatigue face aux procédures d'élargissement " les Serbes, eux, sont fatigués de se battre pour l'intégration.
La crise économique du vieux continent a aussi fait perdre un peu de son attrait à l'entrée dans ce grand marché économique vers lequel Belgrade envoie pourtant 60% de sa production. Depuis la signature d'un Traité d'association et de stabilisation en 2008, les exportations ont d'ailleurs augmenté de 10%. "Beaucoup de citoyens ignorent aussi que l'UE nous aide déjà à hauteur de 200 millions par an depuis dix ans", concède Majstorovic. Mais dans les faits, l'économie serbe est en pleine progression et a bien résisté au séisme mondial.?La population ne ressent donc peut-être pas l'urgence d'un avenir lié à l'UE. Le ministre pour l'Intégration européenne, Bozidar Djelic, a lui démissionné dès l'annonce du report.
 

A retrouver sur le site de l'Echo en cliquant ici

Commentaires 9
à écrit le 18/12/2011 à 12:09
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Franchement, l'UE telle quelle n'a plus aucun sens. Pour que les européens et les citoyens des pays fondateurs aient encore envie d'Europe, il faut recentrer l'UE. faire enfin l'EU politique à quelques uns et offrir aux autres, un espace économique i...

à écrit le 18/12/2011 à 11:56
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ns avons deja trop de pays de l'est ds l U.E.

à écrit le 18/12/2011 à 10:09
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Réponse : regardez l'Etat des autres pays comme Bulgarie, Rumanie, Hungrie, Grece . depuis 20 ans en UE et salaire toujours à 150$. mais criminalité et autres post soviétiques fléo en +++ regulier. Quelle belle avancée. en mon avis dans l'état actuel...

à écrit le 18/12/2011 à 8:00
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De toute manière, l'Europe d'aujourd'hui est en phase terminale, alors pourquoi envisager une intégration ?

le 18/12/2011 à 8:49
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Vous avez bien raison,il faut une europe des peuples avec des frontieres,et chaque pays indépendant,cela ne veut pas dire que l'on ne doit pas coopérer mais d'une autre maniere.

à écrit le 17/12/2011 à 19:09
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Qu'ils fassent comme les Suisses ou le Norvegiens.

le 18/12/2011 à 7:09
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+10

à écrit le 17/12/2011 à 17:27
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Les serbes sont plus européens que l'albanie ou la croatie

le 17/12/2011 à 21:36
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La pluie tu a l'air pessimiste... Pour le Kosovo...

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